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vendredi 13 septembre 2019

La Maison de bambou (House of Bamboo de S. Fuller, 1955)




Très bon polar de Samuel Fuller, teinté d’exotisme, de lumière et de séquences d’action rythmées (avec ce hold-up au pas de courses).
Le film noir des années 40 est revisité dans une teinte plus exotique, plus colorée, mais en gardant beaucoup d’éléments du genre. C’est ainsi que, l’air de rien, Fuller surprend et emmène le film noir loin du film noir.
Si le film se met en place progressivement, c’est évidemment la confrontation de Sandy Dawson (Robert Ryan, excellent, comme toujours) et Eddie Spannier (Robert Stack, très bon) qui porte le film : la place que laisse Sandy à Eddie, les concessions qu’il lui fait, la façon dont il évince son second pour lui, cela tout en doutant malgré tout de son intégrité. On a là un rapport complexe entre deux individus tout aussi complexes.


Les scènes finales (sur la roue) évoquent un peu Le Troisième homme, mais un Troisième homme comme tourné en plein jour et qui ne finit pas au fin fond des égouts mais en pleine fête foraine, en haut d’une tour.
On notera l’intéressant jeu de Robert Stack (avec sa dégaine renfrognée et désinvolte de bad boy mutique), que l’on retrouvera presque intact chez le Mickey Rourke de L’Année du dragon.


samedi 30 juin 2018

Police spéciale (The Naked Kiss de S. Fuller, 1964)




Police spéciale (1) vaut à la fois par son portrait de femme étonnant et par son style vigoureux et très marquant, asséné par Samuel Fuller. A partir d’un noir et blanc magnifique, Fuller joue avec des scènes oniriques, des angles de caméra forcés, des contrastes de lumière, des gros plans. Et il met parfaitement en scène Kelly (Constance Towers, magnifique et touchante), en la filmant tantôt aguicheuse, tantôt ange tragique, tantôt douce, tantôt forte. La scène d’ouverture est remarquable, de même que ces plans de Kelly, derrière les barreaux, déchue une nouvelle fois.



Au travers de l'histoire de Kelly, la prostituée qui se bat pour avoir une seconde chance, qui croit la tenir, puis qui doit se battre à nouveau, le film distille un moralisme un peu étonnant de la part de Fuller : la rédemption de la prostituée qui devient infirmière auprès d’enfants handicapés est un peu forcée.
Mais la puissance du style de Fuller et le portrait de cette femme qui veut redémarrer et forcer son destin sont très réussis.







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(1) : On reste perplexe, une nouvelle fois, par le titre français, tout à fait incompréhensible (et mensonger), bien loin de The Naked Kiss, titre à la fois velouté et sombre.

samedi 8 novembre 2014

Dressé pour tuer (White Dog de S. Fuller, 1982)



Dressé pour tuer White dog Samuel Fuller Affiche Poster

Très intéressant film de Samuel Fuller, même s'il manque d'ambition dans sa forme. On sait que Fuller est adepte d'un style direct ou âpre, mais on a l'impression ici de voir un médiocre film de série B daté, (actrice principale quelconque, ambiance qui laisse le spectateur trop en dehors de l'action). Pourtant le propos est particulièrement riche, sur un sujet difficile à traiter.

En effet le film aborde le thème archi-rebattu du racisme. Le personnage principal (si l'on veut) est un chien qui a été dressé pour attaquer les Noirs. Le chien est donc devenu raciste : il déchaîne sa violence dès qu'il voit un Noir mais il est par ailleurs adorable avec la jeune maîtresse (blanche) qui l'a recueilli. La position de Fuller est donc clair : on ne naît pas raciste, on le devient.
Dès lors – et c'est à cela que s'emploie le film – on doit pouvoir dé-construire ce qui a été construit. Keys, un dresseur (noir), décide de le rééduquer. Il y parvient dans un sens, puisque, à force d'abnégation, il se fait accepter par le chien. Mais il n'y a plus que lui et sa jeune maîtresse qui sont épargnés par la violence du chien : celui-ci se rue sur le premier blanc qu'il croise.
Serge Daney qui explique très bien que, une fois le problème du racisme réglé, il reste celui de la violence :
« Fuller ne croit pas plus au déconditionnement qu'un psychanalyste croit en une cure de quelques jours. Le scénario est bon mais il manque de temps. Même guéri, le chien ne le serait pas de sa violence mais du caractère raciste de celle-ci. Il faut lui apprendre à ne plus procéder par généralisation et le seul moyen pour y parvenir et de lui apprendre le caractère « singulier » de chaque être humain. Un par un. Et pour ce qui est de capter la singularité des êtres, Fuller, « individualiste forcené », n'a pas son pareil. Le chien a appris à aimer Julie, qui l'a sauvé, puis Keys qui l'a « apprivoisé ». Le chien aime deux êtres au monde = le monde humain est réduit à deux êtres. Restent les autres, le groupe encore plus grand – Blancs et Noirs – de ceux qu'il ne connaît pas. Le chien ne réussira pas à accéder au concept d'« espèce humaine ». Il est passé d'une mauvaise généralisation (le racisme) à l'incapacité à généraliser. »

Autre très bonne idée de Fuller : lorsque le vrai propriétaire du chien vient le réclamer, on va enfin découvrir le salopard qui l'a dressé avec une telle haine raciste. Surprise : c'est un papy rondouillard et tranquille, qui vient avec ses deux gentilles petites-filles...

jeudi 7 mars 2013

Le Port de la drogue (Pickup on South Street de S. Fuller, 1953)




Magnifique film noir de Samuel Fuller, qui nous plonge dans les bas-fonds de New-York, au milieu de pickpockets, de prostituées, d’indics ou d’espions. Et, consubstantielle à ce milieu, une violence sèche et dure sévit, avec des scènes étonnamment sauvages.
L’ambiance construite par Fuller est une réussite, avec des noirs et blancs très marqués, et une approche curieuse de la ville : parfois très réaliste (la fameuse scène d’ouverture, si bien construite, dans le métro), parfois beaucoup plus onirique (la cabane de Skip). Et il y peint une série de personnages très réussie, véritable galerie de portraits des bas-fonds, avec Skip (Richard Widmark) en pickpocket solitaire et sarcastique, Candy (Jean Peters), la prostituée, coincée entre deux eaux (et qui est brutalisée sans cesse) ou encore l’étonnante Moe, la vieille indic. Cet ensemble de personnage construit une forme de morale des quartiers dépravés à la fois intraitables (les rapports humains sont emplis de violence) mais humains (avec l’indic qui mourra plutôt que de balancer Skip, dans une séquence de meurtre incroyable de justesse et de retenue).



Et, toujours, la vista de Fuller fait mouche : il est guidé par une espèce d’instinct puissant de réalisation, qui sent comment happer le spectateur, à coups de scènes nocturnes, de plans-séquences alternés avec des gros plans, d’une grande profondeur de champ, de jeux de lumière et d’ombre, d’un tempo énergique, de contre-plongées violentes. L’ensemble donne cet aspect brutal et sec très typique du réalisateur.



On notera combien, dans la version française, le texte a été modifié (jusqu’au titre qui ne signifie rien de l’intrigue originale) pour effacer toutes velléités anti-rouges et replacer l’intrigue d’espionnage par une histoire de drogue, totalement inexistante en version originale.

vendredi 28 décembre 2012

Shock Corridor (S. Fuller, 1963)




Film percutant de Samuel Fuller qui prend prétexte d’un journaliste ambitieux, Johnny Barrett, qui enquête sur les hôpitaux psychiatriques pour enfermer un homme en bonne santé au milieu de fous (le thème est à la mode, le roman Vol au-dessus d’un nid de coucou, de K. Kesey, et dont s’inspirera Forman, est paru la même année).
L’asile devient une allégorie de l’Amérique, en particulier le couloir – la « rue » – où l’on croise les tares de l’Amérique et le produit de son histoire, depuis des allusions à la guerre de Sécession ou au Ku Klux Kan jusqu’au savant fou. Mais si Samuel Fuller n’y va pas de main morte avec ces dénonciations, il désigne clairement l’Amérique elle-même comme responsable de ces folies. Et, inévitablement, Johnny Barrett (dont l’ambition est une première folie, la seconde étant de tromper son monde et sa propre identité en cherchant à passer pour fou) sombre peu à peu dans la folie.


Si le film amasse et brasse peut-être trop de thèmes (se surajoute une énigme policière peu convaincante), le style percutant et baroque de Fuller fait mouche, avec cette façon d’asséner des scènes comme autant de coups de poings. La séquence où Johnny bascule dans la folie – avec l’orage qui se déverse dans la « rue » et des visions de chutes d’eau en couleur qui font irruption – est un exemple incroyable de cette réalisation à la fois virtuose et violente.