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mercredi 3 juillet 2019

Muriel ou le Temps d'un retour (A. Resnais, 1963)




Film austère et complexe, mais virtuose, Muriel est rempli de silences, de non-dits, de personnages qui se cherchent, qui évitent de regarder en face les gouffres de leur passé et le vide de leur existence présente. Et, au cœur du film, Resnais traite avec génie le récit de Bernard, qui exprime le traumatisme qui le taraude.
Quand Hélène et Bernard sont ancrés dans un passé qui les retient, Alphonse, de son côté, semble errer, comme coincé entre un passé lacunaire et un présent dont il semble absent.

Resnais joue à merveille du montage pour construire un décalage permanent entre le son et l’image, ou pour provoquer des ruptures brusques qui donnent une étrangeté et une sensation de malaise. L'autre virtuosité est dans l'utilisation de l'image – plus exactement  dans la double ressource image et son – : c’est par là que Resnais exprime les choses, beaucoup plus que par des lignes de dialogues et c’est en cela que, à l’instar de Bergman par exemple, il utilise à plein l’art cinématographique.

Resnais, avec cette combinaison son-image, crée sans cesse des dissonances, par exemple dans la scène d’introduction du film, qui est comme une expression de l’univers mental d’Hélène, qui est entièrement tournée vers le passé, et, même, vers des parcelles de son passé : Resnais montre autant de courts plans fixes des meubles d’antiquaires de son appartement.
Les images, a contrario, apparaissent en complet décalage lorsque Bernard raconte la torture en Algérie : bien loin de montrer la séance de torture de Muriel, on voit des soldats vaquer ou s’amuser innocemment. C’est un peu comme si la torture n'était pas montrable. Pourtant ces images viennent colorer terriblement le récit, comme si leur puissance tout en décalage rajoutait à la parole. Et Resnais ménage quand même de curieuses résonances entre les paroles et les images : quand Bernard parle de brûlures de cigarettes, on voit des soldats fumer tranquillement. Si Bernard arrive à dire la torture, Resnais, lui, ne la montre pas.
Le titre du film – Le temps d’un retour – exprime sans doute que c’est par ce récit que Bernard peut s’extraire du passé et revenir dans le présent. Il lui faudra néanmoins tuer, un peu plus tard, le bourreau de Muriel.
Muriel, dès lors, n’est pas un film sur la torture, mais bien sur le traumatisme provoqué par la torture du côté du bourreau.




dimanche 19 février 2017

Je t'aime, je t'aime (A. Resnais, 1968)



Très bon film d'Alain Resnais, original et bien emmené. Claude (très bon Claude Rich), suicidaire sauvé de justesse, est choisi par des médecins pour tenter une expérience : il s’agit de tester une machine qui permet de retourner dans son passé.
Cette projection dans le passé offre un prétexte scénaristique à Resnais pour tout un travail de montage, de mélange de séquences et de jeux d’images qui retracent des moments de la vie passée de Claude.
Par flashs successifs, lentement, Claude va et vient entre présent et passé, emporté progressivement dans les méandres de sa vie. La machine expérimentale ne permet pas à Claude de se souvenir, elle lui permet de revivre des moments du passé. On passe alors, à coups de cuts brusques et de faux raccords, d’une nappe du passé à une autre. Et des images symboles (Claude perdu en plein océan) sont disséminées dans le film, à mesure que l’aventure se reconstitue, que l’amour entre Claude et Catrine est révélé, que cet amour s’épuise, jusqu’au cauchemar qui a conduit Claude à sa tentative de suicide.


Kiyoshi Kurosawa reprendra plusieurs idées du film – avec un traitement différent – dans Real.


dimanche 13 novembre 2016

On connaît la chanson (A. Resnais, 1997)




Sur une idée amusante qui remet au goût du jour la comédie musicale, Alain Resnais offre un film trop convenu mais pas déplaisant. Reprenant un film choral autour de rapports conjugaux complexes et variés, cette façon de faire entonner des chansons du répertoire populaire français en écho aux émois ou à la dépression des personnages donne une touche originale réussie.
Pour le reste, malgré une galerie variée de personnages qui brosse un portrait doux-amer de la société française (enfin : d’une certaine société française), le film reste beaucoup trop convenu et le scénario, si l'on enlève cette touche musicale redondante, trop peu épais.

lundi 18 juillet 2016

L'Année dernière à Marienbad (A. Resnais, 1961)




L'Année dernière à Marienbad est un bon exemple de ce que l'intellectualisme (la prétention intellectuelle) peut produire : le film permet des analyses et des commentaires sans fin mais, pour le spectateur, il reste très ardu.
Resnais dit à propos de son film : « Je rêvais d'un film dont on ne saurait laquelle est la première bobine ». Certes la dysnarration, les nappes de passé qui surgissent ici et là et se croisent, les relations confuses entre protagonistes ou encore cette réflexion sur la vérité du souvenir, constituent autant d'éléments qui témoignent de la liberté de l'artiste. Mais, s'ils ravissent les théoriciens du cinéma (Deleuze par exemple), ils laissent le spectateur perplexe. Godard et Resnais, dans des styles différents, étant les deux réalisateurs qui ont poussé cette particularité très loin.

lundi 24 septembre 2012

Hiroshima mon amour (A. Resnais, 1959)




Premier film important de la Nouvelle Vague, Hiroshima mon amour frappe d’abord par son récit qui détruit la narration classique : ici le présent du couple étreint se mêle avec des souffrances d’Hiroshima, qui viennent comme des diapositives, sans autre logique que l’énumération du personnage.
Le film semble d’abord montrer l’inanité de l’entreprise de mémoire, comme si le musée, les rescapés, tout cela ne permettait pas de faire resurgir dans le présent l’idée de la souffrance du passé.
Mais en réalité, cette exploration d’une souffrance qui n’est pas la sienne va faire ressurgir ses propres souffrances. Sa propre histoire, à la fois si différente et si proche (c’est la même guerre), à la fois si ambiguë (on retrouve en elle le même mélange qu’ont les civils devant la bombe : à la fois victimes et coupables).
L’homme et la femme, alors, qui fuyaient leur passé, vont pouvoir l’affronter : par la parole, par l’interpénétration de leurs traumatismes, par leurs étreintes qui viennent rassembler ces histoires.



Resnais, renonçant à toute hiérarchie des souffrances, fait se rejoindre Nevers et Hiroshima, heurte le film à coup de montages brusques, de sons qui s’interrompent, de fulgurances visuelles, d’une évocation parfois incantatoire (aussi bien de Emanuelle Riva que de Eiji Okada qui s’exprime en français phonétiquement). Resnais poursuit ainsi son travail sur la mémoire, après Nuit et brouillard et avant L’année dernière à Marienbad. Les nappes de passé viennent ici affronter le présent et elles s’entrecroisent dans le lit du couple.

Le film a un impact critique important mais, surtout, par sa liberté de narration et sa liberté de montage, il aura beaucoup d’influence. Il faut souligner d’ailleurs combien Alain Resnais est peut-être le réalisateur de la Nouvelle Vague qui a eu le plus d’impact à l’étranger, en particulier auprès des jeunes réalisateurs américains qui, une dizaine plus tard, seront au cœur du Nouvel Hollywood.