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lundi 7 mars 2022

Les Chiens (A. Jessua, 1979)

 




Étonnant film d’Alain Jessua qui nous a largement habitués à des idées originales et transgressives. Une des réussites du film est la photographie de la société française de la fin des années 80, dans ces villes nouvelles, à demi-dortoir et semi-rurales, avec, exposés, le problème des travailleurs immigrés (ici des Sénégalais), la délinquance juvénile, la peur de sortir seul le soir pour les femmes et la tentation de la milice, avec la belle idée du dressage des chiens. C’est que le film a un regard politique assez net et surprenant puisque son discours se fait l’air de rien mais il est très bien vu.
Le film a une étrangeté un peu effrayante qui flirte avec la dystopie et même le fantastique, avec ces chiens qui deviennent omniprésents et qui grondent, aboient, hantent sans cesse les lieux, comme un poison qui se répand.
Alain Jessua a l’habileté de rendre ces chiens utiles en intégrant dans son film un violeur qui rôde. Dès lors l’existence de ce mal bien réel justifie le recours aux chiens d’attaque et aux milices qui tournent la nuit.
À côté de la bonhommie de Victor Lannoux, Gérard Depardieu campe un Morel qui est bien plus qu’un éleveur de chien : l’air de rien, manipulateur, il transforme peu à peu la petite ville dont il prend le pouvoir en cherchant à devenir maire. Les chiens qui sont un danger latent ne demandant qu’à se réveiller donnent une tonalité effrayante, comme une armée de réserve qui a pris place progressivement. Tout cela renvoie à une dérive totalitaire manifeste – et les bergers allemands qui tirent sur leur laisse en aboyant évoquent même le nazisme dans l’imagerie collective.
Bien sûr la métaphore est violente mais il n’empêche : peu à peu, pour de bonnes raisons (mais cela se fait toujours pour de « bonnes » raisons), de plus en plus de citoyens se convertissent aux chiens. Il faut la fougue de la jeunesse pour s’y opposer. Mais la dernière image nous empêche de rester trop optimistes : répondant à la première image, le danger ne semble guère écarté.

 

mardi 28 janvier 2020

Armaguedon (A. Jessua, 1977)




S’il semble de prime abord se confiner au cinéma français des années 70 (de par son style ou ses acteurs), Armaguedon a d’étonnantes résonances actuelles, par exemple la menace terroriste (avec le kamikaze dans la dernière séquence), le profiler (que l’on subira jusqu’à plus soif dans les thrillers modernes) ou la dénonciation de la télévision. Le film reprend sur ce point la même ligne que le Network de Lumet, sorti au même moment, aux États-Unis.
Mais, au-delà du rythme rapide et sans temps mort qui conduit efficacement l’action, c’est bien entendu le message final de Louis Carrier qui est intéressant. Bien loin de la diatribe attendue (on pensait qu’il s’en prendrait, comme il se doit, à une attaque en règle contre les puissances supérieures qui écrasent le monde), c’est une adresse directe au Français et à son endormissement, à son absence de volonté et à son abrutissement par la télé. Si l’idée, en elle-même, n’est pas originale, elle l’est beaucoup plus dans le contexte proposé. C’est l’individu que vise Louis Carrier, individu qu’il cherche à émouvoir dans un discours qui se veut touchant et empli de bons sentiments, mais qui est reçu avec des moqueries.
Si Jean Yanne est très bien – de même que les seconds rôles, Michel Duchaussoy et Renato Salvatori – c’est Delon qui n’est pas bon : son personnage est beaucoup trop à son avantage et sûr de lui. Mais, dans les années 70, Delon commence à réduire la caractérisation de ses personnages à ce seul stéréotype, alors qu’il avait su, jusqu’alors, jouer sur de nombreux registres (à ce moment de sa carrière, il ne lui reste plus guère de grands rôles, hormis dans Monsieur Klein).



jeudi 24 avril 2014

La Vie à l'envers (A. Jessua, 1964)




Film très original de Jessua, qui propose une manière intelligente et originale de cerner les maux profonds de la société française. On retrouvera cette tendance dans beaucoup de ses films qui montrent entre eux une grande cohérence.
Jacques Valin, employé d’une agence immobilière, qui mène une vie sans histoire, va progressivement se refermer sur lui-même, jusqu’à plonger dans une folie solitaire et heureuse.
Très bien servi par l'excellent Charles Denner, le film a l’intelligence de proposer le point de vue du personnage principal, point de vue appuyé par sa propre voix off, calme et sereine. Et c’est par des détails disséminés (les proches de Valin qui constatent que sa barbe pousse ; la façon qu’a Valin de bousculer par mégarde des passants qu’il ne voit même plus) que l’on sent Valin échapper au monde et glisser peu à peu dans la folie.
La critique de la société – de l’Homme en tant qu’animal social, même – est très forte et très bien vue. Voilà un film injustement méconnu et qui voit très bien quels abîmes peuvent cisailler la société, pour peu que l’on gratte, comme Jessua le fait très bien, le vernis social.