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samedi 13 septembre 2025

Larmes de clown (He Who Gets Slapped de V. Sjöström, 1924)

 



Grand film de Victor Sjöström où le monde est montré comme un gigantesque cirque impitoyable. Le héros trop vertueux est balayé par la cupidité et la trahison et il laisse bientôt sa place au clown sur lequel s’abattent les claques.
Et dans ce cirque impitoyable, plus les malheurs s’abattront, et plus le clown prendra de claques et plus il rira fort. Ce masque de clown qui fige le sourire là où il faudrait pleurer est porté, comme une évidence, par l’immense Lon Chaney, auquel le film doit beaucoup. Il annonce ses grands rôles – en particulier chez Tod Browning – avec cette expressivité magnifique, ces regards si perdus et si tristes d’où surgit, tout à coup, la folie. Folie inévitable qui vient, comme un exutoire, tout rattraper.
En montrant en plein cadre ce clown être humilié pour le divertissement des spectateurs, Victor Sjöström, sans sourciller et avec maestria, à grands coups de plans serrés et avec son montage au rythme parfait, tend un miroir sévère et sans concession vers les spectateurs.
On retrouvera évidemment des accents du film chez Browning (dans L’Inconnu ou, bien sûr, dans Freaks) avec cette ambiance foraine et cette horreur finale (où le père et le baron  sont dévorés par un lion).
On notera qu’il s’agit du premier film produit par la MGM, futur major et maillon essentiel de l’usine à rêves hollywoodienne depuis lors (à se demander d’ailleurs, comme un symbole, si ce n’est pas le lion de la MGM qui dévore les vilains du film et rétablit la morale) et l’on y croise, en plus de Lon Chaney, John Gilbert et surtout Norma Shearer, futures stars de la major.

 

mardi 8 octobre 2013

Le Vent (The Wind de V. Sjöström, 1928)




Film admirable, où tout tourne autour du vent du titre, qui souffle à rendre fou dans ce pays perdu.
Ce vent commence par écraser le film, et Letty (magnifique Lillian Gish), qui débarque dans ce pays infernal, désespère et se recroqueville. Elle se marie avec le cowboy Lige – qui l’aime mais qu’elle n’aime pas – et tout n’est qu’un enfer. Sjöström filme avec une virtuosité exceptionnelle ce vent qui s’immisce et qui agite tout, sans cesse, comme une oppression démultipliée qui déferle à chaque instant. Puissance métaphysique qui impose un affrontement continuel. Cette hostilité du vent s’exprime génialement dans le cadavre de Wirt que Letty veut enfouir dans le sable et qui est sans cesse découvert. Au-delà de ce déchaînement physique de la Nature, le vent peut être vu comme ces hommes tentés qui tournent autour de Letty, comme une menace latente. On notera que cette idée est appuyée sur l'affiche originelle (où le nom de Sjöström est américanisé en Seastrom).


Et puis, progressivement, par la grâce de jeux de regards, à coups de champs-contre-champs progressifs qui montrent comment Letty, peu à peu, se tourne vers son mari, l’âme du film change et le vent souffle différemment dans la vie de Letty.
La façon dont Sjöström exprime cette progression du regard de Letty sur Lige – cet amour naissant – est remarquable. Dans un premier temps jamais Letty ne regardait Lige directement, si ce n’est pour lui répondre. Et puis, progressivement, Letty commence à le regarder, par-dessus son épaule, et, quand elle est ramenée chez eux par un ami, elle le regarde partir au loin.
On notera que la fin est imposée par les producteurs, alors que Sjöström avait prévu une fin avec Letty errant, folle, dans le désert…
C’est ainsi que, en 1928, alors que le cinéma parlant commençait à tout emporter sur son passage, le cinéma muet, bien loin d’être en déclin, produisait des chefs-d’œuvre immenses.