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lundi 3 décembre 2018

Mandingo (R. Fleischer, 1975)




Très grand film de Richard Fleischer qui aura décidément réalisé des chefs d’œuvre dans des genres très différents.
Avec Mandingo, Fleischer tire à boulets rouges sur l’esclavagisme, en montrant la vie – et la façon de voir le monde surtout – d’un père et de son fils dans une plantation. On est très loin ici du faste hollywoodien d’Autant en emporte le vent ; le film est même un contre-champ du célèbre film de Fleming, contre-champ à la fois visuel et idéologique.

Il n’y a pas, ici, de riche demeure flamboyante : la maison semble à l’abandon, les pièces ne sont quasiment pas meublées, les couleurs y sont ternes (l’opposé de Tara, la plantation de Scarlett O’Hara). Cette décrépitude – alors que les affaires vont bien puisque la famille est riche – illustre la décrépitude morale des Maxwell. À cette décrépitude s’ajoute le double claudiquement du père et du fils, comme si leur tare morale se répercutait dans leurs corps.


Ce que le film illustre parfaitement (et avec quelle violence !), c’est que le racisme n’est pas seulement un ressenti de supériorité des Blancs ou une haine des Noirs, il n’est pas seulement une opinion ou un défouloir sadique, mais il structure complètement la vie – vie économique et vie sociale – des Blancs esclavagistes.
La vie économique est montrée au travers du commerce des esclaves, esclaves qui sont totalement assimilés à du bétail, avec une évidence incroyable. On achète tel esclave pour trouver un mâle reproducteur comme on cherche un étalon dans un élevage, on le vend (en séparant des familles sans s’émouvoir une seconde) pour en tirer tel ou tel profit. On le tâte, on l’examine comme on le ferait d’un cheval pour s’assurer qu’il ne boîte pas. On laisse mourir sans coup férir un bâtard illégitime.
On s’amuse avec l’esclave, aussi, avec ces terrible combats à morts : on achète un champion, on l’entraîne (avec quelle rudesse !), on se déplace pour aller le voir gagner.
Fleischer montre aussi combien la vie des Noirs est imbriquée dans celle des Blancs : c’est au travers de l’esclavage sexuel – et non par l’exploitation au travail – que le film va basculer.
Socialement le patriarcat le plus rétrograde le dispute au racisme puisque le traitement homme/femme est bien particulier : coucher avec une esclave noire fait partie du cours normal des choses (quitte à faire un enfant : il n’y aura qu’à le vendre ou s’en débarrasser) mais l’inverse n’est pas vrai puisqu’une femme blanche doit être pure (et ne sera pas traitée sexuellement de la même façon). C’est ainsi que, lorsqu’Hammond fait un mariage de convenance avec Blanche, il n’accepte pas qu’elle ne soit pas vierge. Et s'approcher d'un homme noir est évidemment inadmissible et entraîne des punitions radicales. 
C’est qu’Hammond Maxwell, le fils de l’intraitable Warren (extraordinaire James Mason, à l’esprit cadenassé par sa vision raciste des choses), est un personnage plus complexe que son père. Il n’a pas ce racisme aussi violemment chevillé au corps. C’est l’éducation du père et la structure sociale qui ont forgé en lui sa relation aux Noirs, mais on voit que ses ressentis intimes sont différents. S’il traite les Noirs en esclaves ceux-ci sont traités sans violences exagérées. Et s’il punit Agamemnon, c’est sur l’injonction de son père et il ne supporte guère de voir l’esclave battu (et il réagit durement contre son cousin de passage qui augmente très violemment le châtiment). De même il n’accepte guère la violence physique et sexuelle du même cousin sur une servante.


On remarquera aussi que, au milieu de tant de perversion, on n’hésite pas à invoquer la Bible, comme cette prière (« Je prie le Seigneur de prendre soin de mon âme »), faite au bord du lit, nu et à côté de l’esclave nue, après avoir tranquillement annoncé que l’enfant qu’elle porte, produit de ses coucheries, sera vendu. On retrouve, dans Twelve Years a Slave, la même omniprésence de la Bible qui est pervertie et détournée pour servir de socle moral à un comportement épouvantablement inhumain.

Hammond franchit une ligne jaune infranchissable par le père : qu’il couche à droite à gauche avec les servantes noires, cela ne compte pour rien, mais qu’il puisse avoir des sentiments à l’égard d’une Noire, c’est bien là le point de basculement.
Si la réaction de jalousie de Blanche est compréhensible, elle franchit à son tour une limite inadmissible en forçant Mede à coucher avec elle. Cette combinaison d’actes dans une société structurée par un racisme aussi violent provoque de façon inéluctable l’explosion de la situation.
Et lorsqu’Hammond comprend que ce sont ses sentiments pour Ellen qui sont la cause de tout, mélangeant la jalousie avec ses conceptions patriarcales et le racisme sous-jacent, il bascule complètement du côté du père et devient impitoyable : il empoisonne sa femme, rejette violemment Ellen et le châtiment réservé à Mede est épouvantable. Mais il faudra ce châtiment pour qu’Agamemnon passe à l’acte et prenne les armes.
On a donc un ensemble de relations complexes progressivement tissées qui explosent en fin de film avec le basculement de Hammond, qui semblait pourtant avoir, au fond de lui, cette empathie et cette considération que son père inflexible n’a jamais eues. Hammond aurait pu signifier un premier pas vers le respect des Noirs (notamment au travers de ses sentiments pour Ellen). Mais qu'un Blanc – et c'est là le terrible constat du film  – puisse avoir des sentiments pour une Noire apparaît une relation « contre-nature » en quelque sorte : contre la nature de la société raciste du Sud. Tous les sentiments et toute l'empathie d'Hammond sont alors balayés : Ellen est rejetée et Mede est torturé. 

Le film évoque aussi l’éveil d’une conscience de révolte chez les Noirs. Mais le carcan punitif reste serré (l’esclave qui lit ou écrit est violemment battu et Cicéron, qui est puni pour avoir déclenché une révolte, harangue – en vain – ses compagnons au moment d’être lynché). Mais si le père est inflexible sur ces points, Hammond semble lui plus réticent à punir (Agamemnon n’est battu qu’à contre cœur). Le film s’achève d’ailleurs par le réveil d’Agamemnon, qui reste longtemps observateur (malgré la phrase qu’il lance à Mede après son combat gagné – « tue encore quelques Noirs et ta peau va blanchir ») mais agit au dernier moment, en refusant de voir Mede puni injustement et si violemment.
Le film s’achève donc sur un constat terrible du fils qui aurait pu, peut-être, basculer vers la cause noire (il aime Ellen) mais qui, finalement, développe une haine féroce.



Réquisitoire très violent – mais très riche – Mandingo regorge de scènes qui sont autant de chocs, alliant la violence physique et sexuelle avec la perversion ou la dépravation morale (de ce fait le film fut violemment attaqué à sa sortie, allant jusqu’à être taxé de raciste !), avec un climax final terrifiant. On reste sidéré qu’un tel film, aussi violent et aussi à charge, ait pu bénéficier d’un large réseau de production et de distribution.

Le film sert de matrice à beaucoup de films sur le sujet qui le suivront, par exemple Django Unchained de Tarantino, mais celui-ci, s’il reprend directement plusieurs personnages ou plusieurs scènes, n’en reprend guère la complexité.




jeudi 15 décembre 2016

Les Vikings (The Vikings de R. Fleischer, 1958)




Très bon film d’action de Richard Fleisher, qui propose une version hollywoodienne des vikings, avec ce que cela suppose de kitsch ou de traits brossés à la va-vite, mais aussi avec les qualités inhérentes : l’ensemble est très bien emmené, distrayant, avec ce qu’il faut d’orgies, de batailles, de drakkars, de châteaux assiégés, de félons et de guerriers valeureux qui se battent pour les beaux yeux de la belle. Kirk Douglas fait un Einar balafré et haineux mémorable.


mercredi 15 juin 2016

L'Enigme du Chicago Express (The Narrow Margin de R. Fleischer, 1952)




Bon polar, qui est rapidement un angoissant huit-clos dans un train. En parallèle de l’intrigue qui se noue, Fleischer explore le dévouement sans limite des policiers, prêts à se faire tuer pour accomplir leur devoir (thème qu’il abordera de nouveaux dans Les Flics ne dorment pas la nuit). On regrettera un coup de théâtre un peu forcé et plusieurs incohérences.
Mais ce n’est pas ce qui intéresse le plus Fleischer, qui préfère promener sa caméra avec brio dans les compartiments du train, collant aux personnages, montrant les malfaiteurs s’approcher de plus en plus du pauvre témoin protégé par un policier qui fait ce qu’il peut et jouer au chat et à la souris avec les tueurs. Voilà de l’excellente série B. A peine le tournage achevé, on proposa d’ailleurs à Fleischer de retourner le même film mais avec plus de moyens et une distribution plus prestigieuse – avec Robert Mitchum notamment –, mais il refusa et le film, du coup, le temps de ces tractations, sorti 2 ans après la fin de son tournage.


mercredi 23 mars 2016

L'Etrangleur de la place Rellington (10, Rillington place de R. Fleischer, 1971)



L'Etrangleur de la place Rellington Affiche

Très bon film de Fleischer, sans doute son plus réussi. On est bien loin de L’Etrangleur de Boston dont le thème est similaire, mais avec un traitement différent et qui est bien plus quelconque.
Ici l’ancrage social de l’histoire donne au film un réalisme éprouvant. Le film fourmille de séquences à la fois dures, réalistes, saisies au plus près (le procès, l’exécution…), la crudité de certaines scènes (même si l’image épargne sobrement les femmes mortes – on est loin des gros plans sanguinolents qui peuplent la moindre série télé) est équilibrée par des ellipses brillantes (le meurtre de sa femme).
A cela s’ajoute une interprétation exceptionnelle. Richard Attenborough campe un meurtrier mythomane, manipulateur, petit - infiniment petit -, raté, à la limite du grotesque (sa tête ronde et chauve à lunettes, ses douleurs au dos : il est à la limite de la monstruosité) et John Hurt est exceptionnel dans ce jeune homme un peu simplet, complètement dépassé, qui ne réagit pas – ou trop tard –, incapable de reprendre ses esprits.
En revanche ce n’est pas – de mon point de vue – un réquisitoire contre la peine de mort. Certes le cas a déclenché le mouvement contre la peine de mort en Angleterre, mais c’est beaucoup plus un regard social sur les misérables (dans le sens hugolien), sur ces petites gens, sur les paumés qui sont à la limite de la société et de la civilisation même (le jeune homme analphabète, qui bat sa femme), cela au cœur de Londres, au cœur du XXe siècle. Et la civilisation, l’ordre ou la loi (c’est-à-dire dans le film la police et la justice) seront bien incapables de stopper Christie.
Plusieurs séquences sont exceptionnelles. L’exécution, en une minute de plans secs et durs, foudroie bien plus que les interminables films sur le sujet (par exemple le très long et très lourd La Ligne verte).

L'Etrangleur de la place Rellingotn scène de l'exécution

Et, au-delà de l’histoire racontée, le ressenti est très dur : on ressort désespéré du film, avec bien peu d’issues pour en tirer un affect plus positif. Le spectateur, qui ne peut jamais s’identifier à quelque personnage que ce soit, est prisonnier de Fleischer qui ne prend jamais parti : il raconte, scrute, filme de façon hyperréaliste parfois (des gestes quotidiens, les appartements, les tristes meubles…) et coince le spectateur dans son accablement.



L'Etrangelur de la place Rellington Richard Attenbourough et John Hurt


lundi 11 janvier 2016

Les Flics ne dorment pas la nuit (The New Centurions de R. Fleischer, 1972)


Les Flics ne dorment pas la nuit Affiche Poster

Très bon film sur la police, très typé années 70, mais qui est un cran au-dessus de tant d’autres. En effet, au milieu d’autres films importants sur les flics et leur univers c’est sans doute le plus réussi. L'interprétation est excellente, le discours colle au terrain et le personnage principal, Roy Fehler (incarné parfaitement par Stacy Keach) s’enrichit de ce qu’il vit sous nos yeux, perd ses idéaux, parvient à ne pas se perdre lui-même, se construit tant bien que mal.
Evidemment il a moins marqué les esprits que L’Inspecteur Harry ou Serpico mais c’est principalement parce qu'il s'agit d'une "chronique de la vie de tous les jours", qui ne cherche pas à mettre en avant un héros, qu'il s'agisse du sieur Callahan ou de Franck Serpico.
On retrouvera ensuite de nombreux de films sur la police ou sur les bas-fonds d'une ville qui adoptent cette forme de chronique, de déambulation descriptive, de quotidien montré au spectateur. Par exemple il y a quelques années dans L. 627 ou, plus récemment - et dans des styles différents -, dans Polisse de Maïwenn ou dans End of watch de D. Ayer.

Stacy Keach George C. Scott Les Flics ne dorment pas la nuit

samedi 3 octobre 2015

L'Etrangleur de Boston (The Boston Strangler de R. Fleischer, 1968)



L'Etrangleur de Boston Tony Curtis Henry Fonda Poster

Film assez quelconque, surtout de la part de R. Fleischer, capable de bien mieux.
Sous couvert d’une histoire vraie, Fleischer suit sans grande conviction la traque du meurtrier (à coups de split-screen vieillots - quand bien même leur utilisation est très innovante à l'époque -, manière pour lui d’annoncer la schizophrénie du meurtrier) puis ses confrontations avec l’enquêteur pour tenter de saisir sa culpabilité. On est alors dans une histoire psychanalytique finalement assez peu passionnante, la culpabilité de DiSalvo ne faisant aucun doute.

Si l’ensemble, très typé années 70, n’est pas mauvais, on est très loin du chef-d’œuvre qui suivra, sur le même thème, quelques années plus tard.

samedi 12 octobre 2013

Soleil vert (Soylent Green de R. Fleischer, 1973)




Très bon film d’anticipation de Richard Fleischer qui, comparé à d’autres films semblables, a moins vieilli et reste passionnant. Il démarre avec un générique fameux qui résume en deux minutes une histoire de l’Amérique : partant de photos d’époque, Fleischer évoque les grands espaces franchis lors de la conquête de l’Ouest, puis le développement des villes, jusqu’au manque d’espace et l’entassement (de voitures, de logements), le tout renforcé par les split-screens qui se multiplient à l’écran et montrent le passage d'une expansion à un surdécoupage de l'espace. Le film convoque donc un des grands thèmes du cinéma américains (la Frontière) pour montrer que, une fois l’espace franchi, une fois la côte Ouest atteinte, inévitablement, le manque de nouveaux espaces conduit à un entassement, à une surpopulation et, ensuite, fatalement, à un manque de nourriture. Le film exprime donc une inquiétude qui est consubstantielle de l’esprit américain. Soleil vert fait ainsi habilement le lien entre un motif traditionnel du cinéma et un sujet d’actualité.
Fleischer a le bon goût de ne pas décrire un futur si différent du monde actuel et en ayant peu recours à des effets spéciaux, ce qui vaut au film, pour ce qui est des décors ou des costumes, d’avoir bien moins vieilli que bon nombre des films similaires de la période.
Le film reprend une structure sociale héritée de Metropolis, où les riches sont épargnés des soucis : ici ils vivent dans de grands espaces et se nourrissent normalement (on mesure l’habileté de Fleischer à montrer comme extraordinaire ce qui, pour le spectateur moyen, est tout à fait normal : un morceau de viande, une cuillère de confiture) quand les pauvres sont entassés jusque dans les cages d’escaliers et doivent se nourrir de « soylent green » (mal traduit en « soleil vert », de ce qui signifie plutôt une « pousse de soja verte ») dont la découverte de la composition est le nœud de l’intrigue.



Le cinéma du Nouvel Hollywood est passé par là et a changé le  paradigme du héros. Loin d’être fidèle à ses glorieux prédécesseurs (incarnés typiquement à Hollywood par Gary Cooper ou John Wayne), le héros, interprété par Charlton Heston qui reprendra plusieurs fois des rôles similaires dans des films d’anticipation, n’est pas celui qui est le plus fort, mais il est celui qui cherche à savoir (on retrouvera ce même principe par exemple dans Rollerball ou L’Âge de cristal). On notera que la fin est ouverte : la connaissance étant acquise, le héros ne sait qu’en faire. Il clame la nouvelle mais on ne sait pas comment la population recevra l’information.
On retiendra bien sûr, entre autres séquences, la très émouvante et très célèbre scène de la mort de Sol, qui appartenait au monde « d’avant » et qui parle du monde d’aujourd’hui comme d’un paradis perdu.



vendredi 23 août 2013

Vingt mille lieues sous les mers (20,000 Leagues Under the Sea de R. Fleischer, 1954)




Bon film de Richard Fleisher, qui distille beaucoup de ce charme désuet qu’ont certains films hollywoodiens. Aujourd’hui cela transparaît avec les effets spéciaux qui sont ce qu’ils sont mais les décors sont une réussite (très beau travail que celui de l’intérieur du Nautilus) et James Mason est un très bon Nemo. On regrette peut-être que son personnage ne soit pas davantage fouillé. Mais le rythme du film est parfait, le charme opère et on retrouve à l’écran l’esprit du roman de Jules Verne.