Affichage des articles dont le libellé est Tarr Béla. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Tarr Béla. Afficher tous les articles

lundi 22 juillet 2019

L'Homme de Londres (A londoni férfi de B. Tarr, 2007)




Dans un style unique et toujours sans aucun compromis, Bela Tarr envoûte le spectateur en le plongeant dans la nuit d’une petite ville portuaire et en faisant glisser sa caméra, lentement, silencieusement, d’un quai à l’autre, d’une coque de bateau à une tour de guet, dans des plans-séquences éblouissants, à la fois fluides et virtuoses, avec une caméra en apesanteur qui parvient à saisir la pulsion lente du petit port.
Malouin est témoin d’un meurtre et, sans le dire, cherche à mettre la main sur une valise pleine de billets au centre du meurtre. Bela Tarr crée un univers à la Simenon (le film est une adaptation du roman homonyme), empli de mystère, dans un noir et blanc brumeux et où tous les fils de l’intrigue ne seront pas tirés. Toujours très taiseux, le film joue de quelques leitmotivs sonores – quelques paroles ou quelques bruits – qui reviennent et qui résonnent.



L’Homme de Londres, avant dernier film de Bela Tarr, par son style autant que par son humeur sombre où tout s’engloutit, préfigure l’aboutissement que sera Le Cheval de Turin.


jeudi 29 mars 2018

Les Harmonies Werckmeister (Werckmeister harmóniák de B. Tarr, 2001)




Par son style incroyable – à bien des égards unique – et ses choix techniques radicaux (le film est construit en trente-neuf plans-séquences, la plupart très longs et très lents), Bela Tarr happe immédiatement le spectateur : on entre dans son film comme on pénètre une cathédrale inconnue.
Après une première séquence qui relie, de façon étrange et virtuose, le destin du village avec la cosmogonie la plus large (le soleil et les planètes en orbite), le récit emporte progressivement Janos, et le village avec lui, dans un étrange chaos, reflet d’une guerre venue d’on ne sait où (et dictée par le mystérieux prince), qui déchire et massacre à tout va.



La virtuosité des plans n’est pas une démonstration technique (bien qu’elle soit effectivement une performance technique), elle est une immersion, progressive dans un univers. Certains plans sont somptueux : les uns très simples (la lente arrivée – hypnotique – du tracteur dans la ville), d’autres complexes (les scènes de foule). La caméra vole doucement, comme en apesanteur ou en lévitation, autour de ses personnages laissés à eux-mêmes dans le plan, parcourant le décor ou se lançant dans de longs monologues. Ainsi le musicologue Ezster, oncle de Janos, qui disserte sur la pureté de la musique et sur l’erreur d’avoir laissé à Werckmeister le soin de subdiviser l’harmonique en unités égales qui ne signifient plus rien.
Et, au-delà du village, des villageois, de Janos – rendu fou –, ce sont les harmonies infinies du monde qui devront plier : l’oncle qui ne jurait que par l’harmonie pure et infinie devra de nouveau accorder son piano selon les théories de Werckmeister… De même que la baleine, monstre inouï venu de l’océan infini, est laissée à pourrir sur place.




vendredi 4 décembre 2015

Le Cheval de Turin (A Torinoi Lo de B. Tarr, 2011)



Exceptionnel film de Bela Tarr : on n'a jamais filmé ainsi. Le film est assez long, les plans sont peu nombreux. Dès lors on a compris : il se dit peu de choses, chaque plan est une séquence de plusieurs minutes. Et encore, comme une vis sans fin, des séquences sont répétées, et les jours tombent. La narration, pourtant, est une ligne droite.
Parler de lenteur semble hors de propos. Il faut cesser d'attendre un événement, une action, une image suivante, non, il faut contempler l'image présente, la ressentir, jusqu'au toucher. Et se laisser porter (d'autant plus que la musique est une hypnose). On a alors l'impression (pour reprendre une formule utilisée par Daniel Arras à propos de la peinture) que le film se lève devant nous et s'adresse à nous.


Ici l'Homme est seul face à la Nature, face au temps. L'Apocalypse couve, le monde tangue, le soleil disparaît et le vent souffle. On comprend que Bela Tarr (réalisateur du très bon Homme de Londres et des extraordinaires Harmonies Werckmeister) annonce ici son dernier film.
En fait c'est simple, Michel Tournier disait de la Bible qu'elle avait été écrite pour lui, je crois que Le Cheval de Turin, vu la manière dont il s'adresse à moi, a été filmé pour moi.