mardi 30 mai 2017

Logan (J. Mangold, 2017)





Énième film de mutants-X-men-super-héros, qui reprend les personnages et les recettes précédentes. Mais comme tout ce petit monde commence à s’essouffler (et les acteurs à se lasser), les scénaristes, après avoir exploré les jeunesses des personnages à travers différents préquels, se tournent maintenant vers leur vieillesse, quoi de plus naturel. L’histoire, au ton dans un premier temps crépusculaire, est donc située de façon originale dans un futur proche et elle montre nos héros bien peu fringants. Le début est, au niveau de cette ambiance de fin de règne, assez réussi, avec un Logan boitillant et un Charles Xavier vieillard, le tout dans une ambiance sombre et abandonnée.
Mais, très vite, la machine se grippe et l’idée qui sert de ressort au film (des petits mutants sont élevés pour devenir de joyeux soldats) tourne à la catastrophe ridicule. Lorsque l’on voit Logan affublé d’une fille qui a les mêmes attributs que son père, on sent bien que la franchise est au bout du rouleau et qu’elle tourne à vide.
Pour le reste, Logan a tout de la bonne boucherie hollywoodienne : on découvre ici, plus que dans les autres opus, le contre-champ des coups de griffes de Wolverine. Les faiseurs d’effets spéciaux sont aux anges et les lacérations, perforations et autres découpages vont bon train.

samedi 27 mai 2017

Gran Torino (C. Eastwood, 2008)




Très bon film de Clint Eastwood, qui délivre un discours humaniste classique mais de façon très habile. En effet Eastwood n’hésite pas à mettre en scène un personnage principal épouvantablement misanthrope, aigri, violent et raciste. Refermé sur lui-même, dans la solitude de son veuvage et dans son passé de soldat qui le hante, Walt Kowalski reste à grommeler sur son perron d’où il maudit le monde, à commencer par ses voisins Hmong, ces « têtes de citron » venus jusque chez lui.
Même si, bien entendu, Eastwood n’en reste pas là en faisant évoluer son personnage, on voit mal, en France, un producteur accepter de financer un film basé sur un tel héros. On pense à plusieurs scènes où la violence raciste du personnage éclate, sans recours à l’humour ou à d’autres artifices qui viendraient adoucir le propos. Et pourtant c’est sur cette base de anti-héros nette et assumée que l’histoire trouvera sa force. Une force transmissive, puisque Walt Kowalski finira par considérer Thao comme son fils, alors qu’il rejette ses enfants et petits-enfants, produits dégénérés de l’Amérique.
La communauté Hmong sortira Walt de son enfermement et Walt participera de leur intégration : c’est bien Thao, le fils d’immigré, qui hérite de la Gran Torino, symbole puissant de l’Amérique. La haine violente de Walt Kowalski est donc renversée brillamment par Eastwood qui l’utilise en un éloge de l’Altérité, au travers des bénéfices de la confrontation entre ces deux mondes qui s’ignoraient. Il faut tout le talent et l’habileté d’Eastwood pour y parvenir. Et le film propose une réflexion intéressante entre ceux qui font la violence (Walt, les gangs) et ceux qui la subissent, notamment les Hmong, que ce soit au Viêt Nam ou en Amérique.


Le film, réalisé et interprété par un Eastwood de presque 80 ans, est aussi un grand regard du réalisateur en arrière. Son personnage, évidemment, pourrait être l’inspecteur Harry à 80 ans, avec la même misanthropie, le même racisme, le même repliement sur soi (de même que, dans Impitoyable, William Munny pourrait être un avatar vieillissant de l’Homme sans nom ou de Blondin, qui peuplaient les westerns de Sergio Leone). On imagine sans mal Dirty Harry crachant sur cette Amérique dégénérée et sortant son fusil pour qui viendrait marcher sur sa pelouse. C’est ainsi que, sans le dire, en un bel hommage, il offre à Dirty Harry une fin magnifique.

jeudi 25 mai 2017

Harvey (H. Koster, 1950)




Cette comédie, articulée autour d’un personnage qui se croit accompagné en permanence par un lapin blanc géant (!), est bien peu convaincante. Le ton se veut léger mais les quiproquos sont épuisants et faciles et certains personnages sont navrants. Cette superficialité qui passe mal vient peut-être aussi de ce que le film est une adaptation d’une pièce de théâtre.
Il aurait pu y avoir une dimension différente, plus profonde, celle qui se révèle à la toute fin mais dans une forme naïve, lorsque le chauffeur de taxi révèle, en quelques mots, la bonté des gentils fous qu’il oppose à la méchanceté des hommes ordinaires. Mais tout cela reste bien artificiel et très candide. Et on est un peu navré de voir James Stewart, acteur fabuleux, jouer ainsi à l’homme simplet (rôle qui lui valut une nomination aux Oscars, c’est dire l’inanité de ces récompenses).
Cette histoire de lapin géant trouve cependant de nombreux relais dans le cinéma, avec par exemple Donnie Darko (où le lapin devient terrifiant) ou, évidemment, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?

mardi 23 mai 2017

La Course à la mort de l'an 2000 (Death Race 2000 de P. Bartel, 1975)




Film d'anticipation de série B, assez daté dans sa réalisation mais dont le fond est assez moderne : par le biais d’une course à travers les États-Unis dont le but est d’écraser le plus de piétons possible (qui rapporte même plus ou moins de points selon les victimes…), la dénonciation de l’Amérique du spectacle est féroce. Et le film, dont l'action est située dans le futur (mais, pour nous, dans un passé qui commence à dater), présente les États-Unis sous le coup d’un régime autocratique qui s’appuie sur cette course à la mort pour mieux endormir les résistances (en créant des héros de toute pièce), la formule « du pain et des jeux » étant revisitée de façon corrosive.
Le film souffre malheureusement d’une grande simplification, de personnages terriblement caricaturaux, d’une linéarité de récit décevante et d’effets spéciaux pour le moins datés. Mais on peut trouver, par exemple dans le jeu vidéo GTA ou même dans la saga Hunger Games (où, là aussi, un pouvoir violent s’appuie sur des jeux sanguinaires) des relents de ce film.


samedi 20 mai 2017

Gouverneur malgré lui (The Great McGinty de P. Sturges, 1940)




Ce premier film de Sturges est assez classique : un voyou profite de la vaste corruption qui règne pour s’imposer en politique, jusqu’à devenir gouverneur. Évidemment la morale est sauve : le gouverneur voyou et corrompu n’est finalement pas si mauvais et tente de se racheter (au profit des orphelins : la bonne morale tend à la caricature hollywoodienne). Si l'ensemble se tient bien, avec l'idée intéressante d'un récit en flash-back, le film ne réserve guère de surprise et les personnages sont trop ternes.
Ce film, qui dénonce la corruption des politiques, les micmacs électoraux et la mainmise de quelques mafieux sur une ville, vient ainsi se placer dans la lignée du très bon Règlement de compte de F. Lang ou de l’excellent Boulevard des passions de G. Cukor.

vendredi 19 mai 2017

Alien : Covenant (R. Scott, 2017)




Le retour d’Alien, avec Ridley Scott de nouveau aux commandes, sans être aussi catastrophique que le précédent opus (le très mauvais Prometheus), reste bien décevant.
Dans cette suite du préquel (les scénaristes d’Hollywood inventent des techniques de forage insoupçonnées pour exploiter les filons), Ridley Scott philosophe tout au long du film : il nous montre les passes d’armes entre les androïdes, les hommes et les aliens, en jouant sur l’ambiguïté créateurs/créatures. Résumons : les hommes sont des créateurs d’androïdes (ce qui, disons-le, est un peu exagéré, puisqu’il s’agit d’une réalisation technologique bien loin d’une création, mais n’embêtons pas Ridley Scott avec ces détails), mais l’un d’eux s’émancipe quelque peu et, ayant trouvé un joujou adéquat, se met à jouer au créateur à son tour (et ainsi sont créées les vilaines bestioles, aux cycles de vie toujours plus imaginatifs). Ridley Scott parsème son film de détails qui se veulent hautement significatifs, avec des références bibliques notamment (le vaisseau colonisateur qui est une métaphore de l’Exode), mais qui, mis bout à bout, ne sont guère convaincants. Ridley Scott a peut-être des choses à dire, mais ce n’est pas là qu’il est le meilleur (il l’est plus dans la mise en place d’un suspense savamment élaboré, comme dans le premier film de la série).
Et toutes ces petites questions semblent bien artificielles et fleurent bon le prétexte un peu facile pour une boucherie qui va bon train et pour un film d’action bien conventionnel, sans grande originalité et qui ne sort guère des cadres des précédents films de la série : un pseudo-suspense (des scientifiques qui ignorent tout de ce à quoi ils sont confrontés – à l’inverse du spectateur –), des aliens polymorphes en veux-tu en voilà, et des humains décimés au fur et à mesure, avec de nombreux spasmes épouvantables qui se terminent en barbouillages de sang. On notera aussi la multitude de petites erreurs scénaristiques ou de détails bancals qui nuisent à un film qui se veut d’un réalisme crédible (un exemple parmi tant d'autres : alors que la technologie permet des cryogénisations et des colonisations à travers l’espace, les membres d’équipages s’éclairent avec des lampes torches guère plus puissantes que les lampes actuelles : si ce choix permet de faire monter le suspense dans un couloir sombre, il entraîne aussi une certaine lassitude).
On notera cependant l’univers très noir et gothique de certaines séquences et la fin, bien loin d’un happy-end traditionnel (mais qui est une conséquence de ces films intercalés dans les séries, Star Wars nous ayant déjà fait le coup avec Rogue One), et qui annonce une suite.

Le piège scénaristique d’Alien reste donc toujours le même : la recette du premier opus était celle d’un suspense basé sur une double ignorance (l’ignorance par les protagonistes et par le spectateur de la chose qui les attaque) qui n’a plus lieu d’être (désormais les spectateurs connaissent l'alien). Dès lors, les films suivants, même menés par de solides réalisateurs (Cameron ou Fincher s’y sont attelés), restent une déception.



mardi 16 mai 2017

Graine de violence (Blackboard Jungle de R. Brooks, 1955)




Ce film célèbre de Richard Brooks apparaît aujourd’hui très daté et assez caricatural, mais il fait partie de la première salve d’attaque du cinéma contre l’Amérique (ici à propos de la violence des jeunes), avant l’avènement du Nouvel Hollywood.
Les jeunes présentés ici sont de jeunes adultes, absolument ingérables, semi-délinquants pour la plupart (seul un élève noir est clairement montré comme récupérable) et clairement dangereux pour quelques-uns. La solution proposée semble bien fragile (repérer et extraire de la classe la frange délinquante) et on a bien du mal à voir une issue positive possible à ce problème des jeunes des quartiers déshérités.
On trouve un écho à ce film dans les films de Nicholas Ray : Les Ruelles du malheur ou, évidemment, dans La Fureur de vivre. Mais Brooks va moins loin que Ray : il centre son film sur un enseignant (d’abord dépassé puis volontaire) et non pas sur les jeunes eux-mêmes. Dès lors le film agit comme une dénonciation mais ne se propose pas de fouiller pour chercher à comprendre un phénomène (ce que Ray propose dans La Fureur de vivre, en évoquant des histoires familiales et en montrant des aspirations ou des déceptions).

dimanche 14 mai 2017

Incendies (D. Villeneuve, 2010)




Bon film de Denis Villeneuve, construit en chapitres qui s’imbriquent les uns dans les autres pour dénouer une énigme qui recouvre plusieurs générations. Le film n’hésite pas à multiplier les flash-backs, vers un passé parfois ancien ou au contraire très récent, pour mettre en avant, tour à tour, les différents personnages.
Mais, même si le film est bien mené et maintient jusqu'au bout la charge de son récit, la narration complexe nuit un peu au film. Il faut dire que les révélations, qui se succèdent au fur et à mesure que l’enquête des jumeaux progresse, sont sans cesse plus éprouvantes et hors du commun. L’intérêt du film, qui commence donc clairement comme un jeu de piste (avec les lettres mystérieuses évoquées par le notaire), se déplace et se focalise progressivement sur l’énormité des découvertes.
On ne sait plus, au bout du compte, si l’essentiel du film tient dans le jeu de pistes ou bien dans la trajectoire à la fois héroïque et éprouvante de leur mère et découverte peu à peu par les jumeaux. Ces deux aspects deviennent contradictoires devant la violence de certains épisodes. En effet, certaines clefs qui permettent de poursuivre l'enquête sont porteuses de tant de violence et de souffrance qu'il devient difficile de concilier résolution de l'énigme (le jeu de pistes devient alors bien superficiel) et découverte de l'histoire familiale épouvantable des deux jumeaux.


vendredi 12 mai 2017

Un coeur pris au piège (The Lady Eve de P. Struges, 1941)




Comédie à succès de Preston Sturges, assez conventionnelle mais avec un charme classique typiquement hollywoodien. Elle est servie par une bonne distribution, en particulier Barbara Stanwyck, réjouissante, et Henry Fonda, qui parvient à trouver le ton juste : rester sérieux dans un film comique, tout en étant ridiculisé en permanence. Bien entendu l’affaire est vite entendue (on anticipe le déroulement du scénario un peu trop facilement), mais le charme opère malgré tout.


lundi 8 mai 2017

Les Gardiens de la galaxie (Guardians of the Galaxy de J. Gunn, 2014)




Film de science-fiction qui est une adaptation de super-héros de l'univers Marvel tout à fait typique des productions hollywoodiennes actuelles : autour d’une intrigue superficielle (des hors-la-loi sympas qui sauvent le monde), un univers numérique distille tous les ingrédients du genre, en une espèce de Star Wars revisité et remasterisé. Le tout est imprégné d'un humour permanent et exagéré, avec des personnages qui définissent un public cible très large (un renard, un arbre qui ânonne toujours la même phrase), avec des bons mots incessants, des trognes ou des rictus censément drôles, des mini-chutes ou des mini-gags saupoudrés ici et là pour faire rire le spectateur.
Destiné à un public adolescent ou même plus jeune, voilà un film sans grand relief, qui se veut sympathique, mais qui s’oublie très vite.


dimanche 7 mai 2017

The Big Short : Le Casse du siècle (The Big Short de A. McKay, 2015)





Film « pédagogique » qui s'appuie sur la crise financière de 2008 et tente de la décortiquer et d’expliquer comment quelques banquiers et traders, sentant la catastrophe arriver, ont su en tirer profit. Au-delà de ce « coup du siècle », tiré, nous dit l'affiche, d'une histoire vraie, c'est évidemment la description de l'engrenage de la crise qui intéresse McKay. Et ce sont les banques, évidemment, par leurs montages financiers frénétiques et avides, qui en prennent pour leur grade.
Le film se veut très pédagogique : il n'hésite pas à rompre la narration pour des adresses directes au spectateur (pourquoi pas, la chose est même faite avec humour) visant à expliquer tel ou tel terme financier assez technique. Mais là où le bât blesse c'est lorsqu'il le fait pour expliquer que telle ou telle scène est une pure invention et que, dans la réalité, les choses étaient un peu différentes. Sauf que, du coup, le réalisateur se sent obligé de préciser, à d'autres moments, que telle scène un peu étonnante a effectivement eu lieu. De sorte que, de ce mélange de personnages réels mais déformés par la fiction et de ces scènes fictionnelles rattachées à la réalité, on ne sait trop à quel saint se vouer. Le spectateur ne peut donc retenir que le message porté par le film, mais pas les situations, ni les personnages ou les images qu'il véhicule. On ne sait plus trop s'il s'agit d'une fiction ou d'un docu-fiction et tout cela donne un aspect un peu superficiel.
On regrette aussi que le film, qui, par ailleurs, on l'a dit, se veut très didactique, ne fasse que mentionner sans trop insister – alors qu’il s’agit d’un élément fondamental dans l'engrenage de la crise –, que tous ces bidouillages financiers n'ont été possibles que par la collusion entre les banques et le pouvoir qui les soutiendra en pleine crise. Développer cet aspect, qui est bien plus qu'un détail, eût été bienvenu dans la démonstration.

samedi 6 mai 2017

Valmont (M. Forman, 1989)




Adaptation décevante du roman de Choderlos de Laclos. Milos Forman choisit de modifier quelque peu la fin, mais cela n’apporte pas grand-chose (il sauve surtout Mme de Tourvel). Forman semble s’être appliqué à une reconstitution précise (en tant que film de costumes reconstituant une époque, il est réussi), mais le tout souffre surtout d’une interprétation trop quelconque (il faut dire que les personnages du roman sont si forts qu’ils demandent une incarnation parfaite). Ici Colin Firth est trop jeune, trop tendre pour Valmont et Annette Bening est une Merteuil dont les sourires faux ne suffisent guère.


On préférera sans doute la version de  Stephen Frears, à l’interprétation beaucoup plus aboutie ou, plus encore, même si l’adaptation est très différente, celle de Roger Vadim.

jeudi 4 mai 2017

Le Passage du canyon (Canyon Passage de J. Tourneur, 1946)




Bon western de Jacques Tourneur, qui a des allures de chronique sur ces temps où les colons s'installaient dans les terres boisées et montagneuses et devaient affronter les éléments, les Indiens et les vauriens pour survivre. Pour leur faire face il leur est opposé la force de caractère (celle de Logan) et, bien entendu, la solidarité (belle séquence où toute la communauté construit la maison du couple nouvellement marié).
Le film est extrêmement abouti formellement, avec une image colorée, riche, variée, originale (la tête de Bragg, traqué par les Indiens, qui apparaît dans un trou de feuillage rouge sang).


On sent l’influence de John Ford, au travers de La piste des Mohawks, en particulier, dont l'action se déroule quelque deux cents ans plus tôt, et au travers de cette richesse en personnages secondaires, qui viennent épaissir le récit.
Dana Andrews est comme toujours remarquable dans cette incarnation d’un personnage typique du héros américain de cette époque : aventurier, cherchant à développer son entreprise mais sans appât du gain, fidèle en amitié, fort et courageux. Les personnages qui gravitent autour de lui ne sauraient recueillir toutes ces qualités (il leur manque ou bien la probité, ou bien l'esprit aventurier, ou bien la force de caractère ou encore l'acceptation d'un travail dur). Mais c'est cet ensemble, au-delà des qualités de chacun, qui fonde la communauté et la rend possible, malgré les difficultés.
Tourneur aborde de nombreux thèmes au travers de ce récit très dense : l’installation des colons, avec le labeur dur et incessant, leur difficulté de progresser dans ces contrées, leur opposition aux Indiens, la difficile justice à rendre (très bonne séquence que celle du vote quant à la culpabilité de George Camrose avec les mots de l’avocat – « Vous n’aimeriez pas si cela vous arrivait, être jugés ainsi » –). A noter aussi la communauté, polluée par Bragg, violent et ingérable, et qui ne sait comment s’en débarrasser et qui, par ses crimes, sera à l’origine d’une guerre avec les Indiens. Tourneur, enfin, se plaît à montrer Logan entouré de deux femmes qui s’opposent et, cédant ainsi avec plaisir aux bonnes habitudes d’Hollywood, mais – et c’est là tout son talent –  de façon ni trop sucrée ni trop forcée, propose un happy-end que le spectateur ne ressent pas comme forcé mais comme juste et équilibré, vu les caractères des protagonistes.


Ce western apporte une touche différente des westerns classiques en particulier par la géographie des lieux et par son traitement : il démarre dans la boue et sous des trombes d’eau, les cabanes sont construites à flanc de collines, au milieu des arbres. L’austérité sauvage, verte et humide, colore le film d’un ton rare pour un western. On est ici à l’opposé des paysages classiques, ouverts, ensoleillés et désertiques.


On trouve une influence très nette du Passage du canyon dans l’exceptionnel Je suis un aventurier d’A. Mann ou encore dans John McCabe de R. Altman.

mardi 2 mai 2017

Pacific Rim (G. Del Toro, 2013)




L’inégal Guillermo del Toro, capable du meilleur (avec, par exemple, le très bon Labyrinthe de Pan) comme du plus banal, réalise ici un film complètement quelconque, qui se concentre sur les effets spéciaux et oublie tout ce qui a trait à un scénario solide, à des personnages intéressants ou à une narration captivante.
Del Toro, qui admire les monstres en général et Godzilla en particulier, ne filme rien d'autre qu'un affrontement de monstres géants et de robots tout aussi géants.
Tout le film est cousu de fil blanc, depuis les alternances de succès et d'échecs des gentils robots contre les vilains monstres toujours plus gros, jusqu’aux histoires d’amour et de filiation, vues et revues cent fois et tout à fait stupides.
Quelques séquences spectaculaires, jouant sur l’énormité d’échelle des combattants (mais il ne s’agit là que du kit de base de tout film à effets spéciaux modernes qui se respecte), ne sauraient sauver le film.


lundi 1 mai 2017

El Topo (A. Jodorowsky, 1970)




Film culte du cinéma underground et réservé d’abord aux inconditionnels des expériences cinématographiques marginales, El Topo est un western au style outrancier et exubérant, très prétentieux et qui se veut un parcours allégorique chargé de sens (mais à la signification somme toute très restreinte). On suit ainsi le parcours initiatique, en plusieurs étapes (pêcheur, pénitent, saint), du hors-la-loi El Topo.
S’il faut reconnaître une volonté de s’exprimer par l’image – et de prendre donc le média cinéma à sa source –, le touche-à-tout Jodorowsky procède avec une esthétique du choc, dès l’ouverture (El Topo et son fils arrivent sur une scène de massacre ou tout baigne dans des flots de sang) et ensuite, tout au long du film, avec en particulier les morts érigés en images spectaculaires (à coup de gerbes de sang) ou son utilisation de « monstres », comme un lointain écho à Freaks. On sent aussi  Jodorowsky très attentif à consteller son film de symboles, en se concentrant sur les éléments (sable, eau, etc.) ou sur les figures géométriques (les polyèdres en allumettes de l’un des maîtres du désert).
Mais, malgré cette volonté de surprendre par l’image, l'ensemble, kitsch, sanguinolent, avec un manque de connexion dans l’itinéraire d’El Topo et, surtout, une dimension mystique à mi-chemin entre Bouddha et le Christ, donne au film une dimension typée années 70 qui a assez mal vieilli.