Polar violent et
nerveux de Kinji Fukasaku qui met en scène un yakuza d’abord inféodé à un clan
mais qui, très vite, se révèle individualiste et ingérable, sans respect pour
les codes d’honneur des yakuzas. Il est un peu à l’image du Japon qui, après la
guerre et la honte de la défaite et de la présence américaine, est en perte de
repères.
Présenté comme
un documentaire, avec même des inserts d’image, le film bénéficie du style de
Fukasaku qui épouse la personnalité de son personnage principal tendu
comme un arc : le rythme est sec et nerveux, le montage haché et la caméra
virevolte en tous sens, comme incontrôlable.
Si cette manière
de filmer est remarquable, on regrette que le réalisateur – certes contraint
par son statut de réalisateur de films de commande – ne s’intéresse pas à des personnages plus
intéressants, qui ont une profondeur psychologique ou un destin plus grands que
cet individualisme qui ne mène à peu près à rien d’autres qu’un
jusqu’au-boutisme forcément fatal.
Fukusaku essaie
bien de donner une ampleur particulière au personnage en toute fin de film,
mais l’histoire est un peu décevante, alors que la mise en scène, en elle-même,
est très stimulante.
lundi 29 juin 2020
Le Cimetière de la morale (Jingi no hakaba de K. Fukasaku, 1975)
vendredi 26 juin 2020
Vacances à Venise (Summertime de D. Lean, 1955)
Dans ce film
charnière de David Lean (il vient se caler entre ses films anglais et ses
superproductions américaines), on est emmené dans une Venise magnifique,
chatoyante, douce, très romantique. Si c’est là le cadre rêvé pour la rencontre
amoureuse, il en devient rapidement le seul grand intérêt du film, puisque
cette rencontre reste sans aucune surprise et qu’elle est même terriblement
prévisible. Le pseudo-twist final n’en est pas vraiment un et ne nous offre rien
d’autre que des scènes banales d’adieux.
On est très loin
des vibrations intimes et immenses de Brève rencontre, on est bien loin, aussi, de la complexité psychologique de La Fille de Ryan. Sans épaisseur psychologique,
sans surprise, sans lyrisme, sans émotion, il reste du film Venise, que l’on a
rarement vu filmée avec tant de charme.
Katharine
Hepburn est, de son côté, fidèle à elle-même : jamais naturelle, bien peu
crédible avec son jeu forcé et exagéré. Toujours associée aux mêmes rôles (ici
la vieille fille toujours un peu en retard, perdue et naïve), elle n’aide pas
beaucoup pour rendre crédible cette rencontre amoureuse.
mercredi 24 juin 2020
Les Hommes du président (All the President's Men de A. J. Pakula, 1976)
Important film
de Alan J. Pakula, tout à fait typique des années 70 et tout à fait
représentatif de ce cinéma du complot et de la paranoïa, au milieu des films de
Sidney Pollack ou John Frankenheimer et après À cause d’un assassinat, son film précédent, fleuron du genre.
Ici Pakula s’appuie
sur l’histoire vraie des journalistes à l’origine du Watergate, scandale qui
est lui-même le climax du rapport paranoïaque entre l’Amérique et de ses hommes
politiques (après l’assassinat de JFK, le scandale des Pentagon Papers et au milieu de l’enlisement du Vietnam). Il
reconstitue pas à pas l’enquête, depuis les vérifications de routine jusqu’aux
premiers doutes importants, en passant par les rencontres avec le fameux indic « Gorge profonde » et les feux verts à répétition du rédacteur en chef Ben Bradlee.
Au milieu de
l’Amérique de Nixon, ce film aux allures de réquisitoire reprend les grandes
lignes de l’enquête de Woodward et Bernstein du Washington Post qui conduiront
à la démission de Nixon. Mais, plus que Robert Redford et Dustin Hoffman, c’est
Jason Robards, dans le rôle du fameux rédacteur en chef Ben Bradlee, qui est
remarquable.
Le cœur battant
du film est placé dans la salle de rédaction introduisant ainsi un motif
typique que l’on retrouvera souvent, et qui définit la ligne de partage (un peu
simpliste) du film : du bon côté le travail journalistique, porté par la
noblesse de mettre à jour les mensonges et les combines ; de l’autre le
pouvoir, tout à ses basses œuvres qu’il faut cacher à tout prix. On retrouvera
ce motif de la salle de rédaction aussi bien dans le Zodiac de D. Fincher que chez Spielberg avec Pentagon Papers.
lundi 22 juin 2020
Taking Off (M. Forman, 1971)
Premier film
américain de Milos Forman, qui rappelle un peu, mutatis mutantis, Au feu, les pompiers !, son dernier film tchèque. D’un ton satirique plus léger, Taking Off procède d’un regard sans
grande concession pour l’Amérique, où Forman perçoit parfaitement les rapports
de force et les incompréhensions à la fois entre les classes d’âge et entre les
classes sociales, avec des parents perdus et ringards qui voient leur fille,
éprise du Flower Power, leur
échapper. Le film se rapproche alors – en moins violent et corrosif mais en
plus amusé et caustique – du terrible Joe
de David Advilsen.
On retrouve
aussi, déjà présent, le carcan moralisateur conservateur-bourgeois qui
structurera Vol au-dessus d’un nid de coucou, le film suivant de Forman, et que secouera comme un beau diable
l’inoubliable Mc Murphy.
vendredi 19 juin 2020
Le Daim (Q. Dupieux, 2019)
Un peu loufoque,
un peu triste et un peu vain, Le Daim
nous fait accompagner Georges, mythomane trash et désespéré, raccroché à rien
d’autre qu’une espèce de réalité parallèle. Georges (Jean Dujardin, qui n’apporte
pas grand-chose) s’entiche de sa veste en daim, se trouve une compagne
d’infortune et file vers des délires tragiques.
Le film dialogue
volontiers avec Bernie d'Albert Dupontel,
reprenant même un de ses motifs célèbres (en aiguisant la pale d’un
ventilateur, là où Bernie aiguisait une pelle). Mais, loin des facéties de
Dupontel, Dujardin, comme il se doit, fait du Dujardin et le film laisse peu de
traces.
mercredi 17 juin 2020
Themroc (C. Faraldo, 1973)
Étrange film,
volontiers délirant et excessif où – principal parti-pris de départ – les
personnages ne parlent pas, se contentant de grogner, rugir, marmonner.
Le film, par
ailleurs, fait feu de tout bois et dresse un catalogue de sujets qui
constituent de grands classiques du film contestataire : l’ouvrier versus
le patron, l’injustice sociale, les attaques contre les policiers, puis,
par-dessus, viennent bientôt s’ajouter les tabous de la société, allant de
l’inceste au cannibalisme.
Claude Faraldo s’amuse
à faire régresser ses personnages dans une animalité certaine, constituant une
espèce de grotte qui devient le cœur de leur révolte. Bien sûr le film va très
loin (Themroc qui part chasser la nuit et revient avec un policier qui sera
cuit à la broche) mais, si l’on reste à demi-interloqué et à demi-amusé, le
film, un peu foutraque, n’a pas grand sens.
Piccoli, dans
une interprétation qui a quelque chose de monstrueux, éructe tant et plus, déchargeant
comme il peut sa colère qui se trouve retenue par cette incapacité de
s’exprimer.
Très typé années
70 dans ses thèmes et ses attaques un peu faciles (tout en étant outrancières),
Themroc, de ce point de vue – et
au-delà de son étrangeté – a assez mal vieilli.
lundi 15 juin 2020
La Chute de l'Empire romain (The Fall of the Roman Empire de A. Mann, 1964)
vendredi 12 juin 2020
BlacKkKlansman : J'ai infiltré le Ku Klux Klan (BlacKkKlansman de S. Lee, 2018)
mercredi 10 juin 2020
Les Amants du Pont-Neuf (L. Carax, 1991)
lundi 8 juin 2020
Funny Games (M. Haneke, 1997)
Film volontiers
très dérangeant de Mickael Haneke, qui réussit à mettre le sujet de la violence
– et surtout celui du spectateur face à la violence – au cœur du débat. C’est
que Funny Games, à l’instar d’Orange mécanique ou de Tueurs nés, est un film qui prend la
violence pour sujet.
Pour développer son
idée, Haneke joue sur deux ressorts. Tout d’abord la très grande violence que
déchaînent les deux jeunes adultes sur la pauvre famille est toute à fait
gratuite : celle-ci n’a rien fait à ceux-là qui puisse justifier ou expliquer
le sort qu’ils leur réservent. C’est là, bien entendu, la source d’un grand
malaise : en tant que spectateur, on a besoin que la violence, quand elle
se déchaine, soit motivée. Mais tout cela est tout à fait gratuit et Haneke la
filme aussi comme tout aussi inéluctable (comme le prouve la séquence où le
film est rembobiné par l'un des tueurs, pour « sauver » son comparse,
tué juste avant par la femme qui avait réussi à mettre la main sur un fusil).
Autre pièce
importante du (mini)puzzle proposé par Haneke : c’est la place donnée au
spectateur. Tout à coup, alors que les deux adolescents sont dans leurs jeux
d’horreur, l’un d’eux se tourne vers l’écran et fait un clin d’œil,
délibérément, au spectateur dans la salle. Cette relation de complicité forcée
est une place que Haneke construit pour le spectateur et l’y assigne. Un peu
comme Hitchcock pouvait le faire (on se souvient de la chaise collée à l’écran
et restée vide, dans La Mort aux trousses,
lors d’une réunion des agents secrets : c’est bien sûr la chaise du
spectateur), mais là où Hitchcock jouait sans cesse avec le spectateur,
tournait autour de lui, lui donnant des indices que le héros n’a pas, lui en
cachant d’autres, détruisant son identification ou la détournant, Haneke reste
plus linéaire et moins complexe : avec le clin d’œil à la caméra, le
spectateur est complice. Complice du crime, complice de la violence. Haneke joue
un peu sur le même ressort que C’est
arrivé près de chez vous de Belvaux, où les documentaristes d’abord uniquement témoins deviennent
peu à peu complices puis acteurs des meurtres.
Nous sommes tous
coupables nous dit Haneke (il le redira dans Le Ruban blanc, et discutait déjà de la culpabilité des images dans
Benny’s video). Cette thématique de
la culpabilité rejoint celle de Fritz Lang, notamment, mais qui la traitait de
façon beaucoup plus interrogative et, par là-même, beaucoup plus complexe (par
exemple dans L’Invraisemblable vérité,
où la question de l’identification est entièrement à revoir lors du twist
final). Chez Haneke les choses restent frustres et radicales, sa didactique ne s’embarrasse
guère de subtilités.
samedi 6 juin 2020
La Vie d'un tatoué (Irezumi ichidai de S. Suzuki, 1965)
Si ce film de Seijun
Suzuki semble moins stylisé que ses œuvres les plus célèbres (La Marque du tueur, Le Vagabond de Tokyo), c’est qu’il se réserve pour la séquence
finale, qui, elle, est empreinte de toute la vitalité du style de Suzuki.
Jusqu’alors La Vie d’un tatoué marquait un pas de
côté avec le film de yakuza : on suit deux frères (l’aîné yakuza et le
benjamin, porté vers les arts) qui se cachent dans une communauté de mineurs
qui les acceptent. Bien sûr ils seront rattrapés par leur destin mais c’est
cette intégration qui intéresse Suzuki. Amitié,
amour : si ce n’était leur passé, ils auraient pu entamer une nouvelle
vie. Suzuki prend plaisir à filmer l’harmonie naissante, les moments d’une vie
qui, jusqu’alors, leur était interdite et qui se met en place.
Et lorsque le
benjamin se fait rattraper par le clan qui les recherche, la vengeance du frère tatoué, sanglante et jusqu’au-boutiste (seul contre tous) nous vaut une séquence, on
l’a dit, spectaculaire et déchaînée, visuellement éclatante et innovante.
On comprend
combien ce combat final a pu influencer Tarantino pour ses Kill Bill.