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lundi 15 novembre 2021

Retour à la vie (A. Cayatte, H.- G. Clouzot, G. Lampin, J. Dréville, 1949)





En s’appuyant sur un thème classique (le retour au pays de soldats après des années d’absence), ce film à sketchs montre une unité assez remarquable, tout en parvenant à traiter des situations différentes et des tons différents. Les deux premiers sketchs (respectivement de André Cayatte et Henri-George Clouzot) sont les plus réussis : ils donnent un regard très sombre sur ce retour au pays.
Le Retour de Tante Emma
montre la violence du retour dans la famille, où bien loin de l’enfer des camps, les petits arrangements de ceux qui sont restés à l’arrière priment. Le propos se fait ici très violent.
Le Retour d’Antoine, dans la pension de famille, montre l’humanité profonde brisée et défaillante, avec cette hésitation entre la vengeance et la volonté de n’être pas comme les bourreaux. En quelques minutes des portraits puissants sont brossés, des relations de famille pleines de jalousie ou de rancœur sont dessinées, avec une profondeur et un universalisme très balzaciens.


 

vendredi 23 août 2019

Miquette et sa mère (H.- G. Clouzot, 1950)



Avec Miquette et sa mère, Clouzot s’essaye à la comédie. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a bien fait de ne pas insister et de revenir ensuite vers son genre favori (le thriller noir ; Clouzot enchaînera après ce film avec Le Salaire de la peur et Les Diaboliques).
Les personnages – tous très caricaturaux et superficiels – sont embarqués dans une histoire assez farfelue. Jouvet cabotine (avec talent) et Bourvil est cantonné à son rôle de benêt. À la façon du théâtre – avec lequel il entretient des liens étroits – le film se permet de nombreuses adresses au spectateur (avec également un beau salut final) et de nombreux intertitres, amusants hommages au muet. Quelques séquences et quelques réparties sont drôles : elles font partie des extraits des pièces jouées par la petite troupe.


Il faut noter, malgré tout, que si Miquette et sa mère est largement oubliable, il a une importance dans l’histoire du cinéma puisque c’est sur son tournage que Clouzot rencontra sa future femme Vera, qui sera actrice dans ses trois films suivants.


mercredi 21 décembre 2016

Quai des Orfèvres (H.- G. Clouzot, 1947)




Excellent film d’atmosphère de Clouzot, qui s’appuie sur une imprégnation sociale forte de chaque lieu où il promène ses personnages (les coulisses d’un théâtre, les locaux de la PJ, etc.) et sur des comédiens exceptionnels (quelle partition de Jouvet !). Cet attachement du réalisateur à recréer des ambiances et, par-là même, à faire du film une étude de mœurs, met presqu’au second plan la résolution de l’énigme policière. D’ailleurs le scénario est habile : la focalisation n’est pas fixe, et l’on épouse tantôt le regard de Maurice (excellent Bernard Blier), tantôt celui de sa femme ou de l’amie de sa femme, tantôt celle de l’inspecteur Antoine (Jouvet). Ces changements de focalisation dédramatisent l’opposition policier-coupable, et accentuent le bain social réaliste du film. Il n’y a guère que le regard du meurtrier que, en fait, le film n’épouse pas.
C’est que Clouzot ne nous invite pas à choisir entre le(s) présumé(s) coupable(s) et le policier, tous ont une part de sympathie et d’humanité qui les rend proches du spectateur, malgré leurs travers. De même, malgré un cynisme et une noirceur indéniable, Clouzot laisse quelques espoirs au spectateur (l’amour triomphe, sans que l’on ressente une artificielle happy-end).
Les deux seuls personnages qui, manifestement, n’ont pas la sympathie du réalisateur, sont finalement la victime… et le coupable !
On tient là un des chefs-d’œuvre incontestables du film noir à la française.



vendredi 1 mai 2015

Le Salaire de la peur (H.- G. Clouzot, 1953)




Excellent thriller de H.- G. Clouzot, au succès largement mérité. Sûr de sa force, Clouzot se paye le luxe d’une très longue introduction, avant de lancer ses personnages dans leur itinéraire suicidaire en camion. Ces séquences qui posent lentement les bases de l’action sont une réussite, dans cette ville sud-américaine perdue, où les hommes sont désœuvrés, où la chaleur abat les volontés et où le désespoir de jamais s’en sortir guette chacun.
Dans la seconde partie où les morceaux de bravoure légendaires se succèdent, Clouzot maîtrise le suspense en maître. L’évolution de la relation entre Mario et Jo, avec le renversement qui s’opère au fur et à mesure du film, est fascinante : en même temps que Jo devient incapable, Mario, alors qu’il n’a plus cet ami-modèle sur lequel s’appuyer, doit trouver d’autres ressorts internes et parvient à se prendre en main. Pivot du film, l’interprétation de Charles Vanel, qui compose Jo, personnage fier et sûr de lui qui se liquéfie progressivement, est exceptionnelle. 


On notera le remake de Friekin, Le Convoi de la peur, film assez décevant, malgré quelques bonnes séquences et la bonne idée d'avoir déplacé l'action au cœur de la jungle.

mercredi 25 février 2015

Les Diaboliques (H.- G. Clouzot, 1954)



Les Diaboliques Affiche Henry-Georges Clouzot

Excellent thriller noir qui s’amuse à jouer avec les nerfs, jusqu’au choc de la révélation finale. On a beau jeu de voir la fin trop grand guignolesque : elle reste très efficace.
La distribution est excellente, en particulier Paul Meurisse qui est parfait en directeur sadique et inflexible.
L'ambiance réaliste du pensionnat est une réussite, de même que plusieurs séquences (toute la partie du film qui se déroule à Niort en particulier).
Le réalisateur fait adopter au spectateur, sans qu’il s’en rende compte, le point de vue de Christina : on suit son hésitation à tuer son mari, on la voit se laisser convaincre, participer au meurtre, puis on est surpris, en même temps qu'elle, de la disparition du corps, puis, comme elle, on ne sait pas trop quoi penser devant les indices qui se multiplient à propos de la présence de Michel (enfant puni, costume mis au nettoyage, reflet dans une vitre…), et on subit, toujours en même temps qu'elle, la séquence finale.
L’intelligence du film est de changer d’orientation au fur et à mesure de l’avancée des événements, de sorte que le film s'organise autour de trois questions successives, qui mènent l’intrigue et le suspense :
                   - Christina va-t-elle tuer Michel ?
                   - Où est passé le corps ?
                   - Michel est-il vivant ?
Cette organisation permet de relancer l’intrigue et de perdre le spectateur qui ignore très longtemps ce qui se trame derrière les murs du pensionnat.
A noter que la scène finale de l’enfant prétendant avoir aperçu la directrice, après son décès, peut plonger à nouveau le spectateur dans le doute : soit l’enfant ment, soit il dit la vérité…

Paul Meurisse Les Diaboliques Clouzot

lundi 21 janvier 2013

Le Corbeau (H.- G. Clouzot, 1943)




Très grand film qu’il faut voir aujourd’hui en le détachant de son histoire pour pouvoir profiter de sa perfection, à la fois formelle et dans l’étonnante puissance cinématographique qu’il dégage.
C’est que le film, réalisé en 1943 par la Continental, qui était alors financée par les Allemands, a réussi la sinistre gageure d’être rejeté à la fois par le régime de Vichy et par la France de la Libération. De censure en censure, le film eut son lot de malheurs, de même que le réalisateur et les comédiens qui durent subir des accusations de collaborationnisme. Sinistre ironie pour ce film dénonçant la délation.

Mais aujourd’hui le film apparaît davantage pour ce qu’il est : une galerie de portraits au vitriol de la société française. Clouzot insiste d’emblée : le village au cœur du récit pourrait être n’importe lequel, ce n’est rien de moins que la substance de la France dont il va être question. La délation, la rumeur, la traîtrise, la lâcheté, voilà ce qui semble animer la France de 1943. Et il n’est fait nulle référence à l’Occupation ou aux Allemands : ce sont les Français seuls qui sont en cause. Le mal est en eux. Et il ne s’agit pas seulement d’un coupable – un corbeau qui envoie lettres sur lettres pour menacer, dénoncer ou faire courir de fausses rumeurs – c’est tout le village qui sert de relais, d’amplificateur, de creuset au précipité chimique de la délation.
Clouzot lance son intrigue en jouant sur le symbole de l’hôpital qui, bien loin de guérir, semble au contraire être à l’origine du mal : depuis les médecins jusqu’aux infirmières, il n’est pas un personnage qui soit moral ou intègre.



A cette galerie de portraits répond une brochette d’acteurs parfaits qui donnent une dimension considérable à chaque personnage – et donc au film lui-même. Derrière les stars Pierre Fresnay et Ginette Leclerc, on trouve des seconds couteaux aguerris et épatants (Pierre Larquey, Noël Rocquevert, etc.).

La mise en scène de Clouzot atteint une perfection rare : tout est précis, pensé, construit avec intelligence, en sentant parfaitement comment balader le spectateur, de suspect en suspect. On sent alors, confusément, combien, au fond, c’est tout le village qui est coupable. Cette indistinction entre le Bien et le Mal participe de la terrible noirceur pessimiste du film. La fameuse scène où l’ampoule se balance violemment est ainsi un bel exemple de la dimension métaphorique du film. Et si le Docteur Germain, devant qui oscille cette ampoule, semble hésiter entre le Bien et le Mal, c’est lui, finalement, qui recouvrera son intégrité et démasquera le coupable.