Affichage des articles dont le libellé est Cukor George. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Cukor George. Afficher tous les articles

samedi 10 septembre 2022

Une femme qui s'affiche (It Should Happen to You de G. Cukor, 1954)





Étonnante comédie en ce qu’elle annonce et dénonce, avec cette prescience qu’ont beaucoup de films américains (que l’on pense à Network, Le Gouffre aux chimères, The Fearmakers, etc.), des travers toujours plus pernicieux de la société américaine. La dénonciation de George Cukor, d’abord légère et innocente, devient de plus en plus mordante à mesure que Gladys s’embourbe dans la célébrité qu’elle a recherchée.
Et si l’on comprend assez vite où le film veut en venir, c’est peut-être aussi parce que, entre-temps, depuis plus de soixante ans que le film a été tourné, ce qui était présenté comme une caricature est aujourd’hui plus vrai que nature. C’est bien là le drame que l’on ressent aujourd’hui devant Une femme qui s'affiche : on ne se dit plus que le film pousse le curseur de la réalité trop loin ou qu’il exagère. On se dit qu’il a frappé juste. La société d’aujourd’hui, alors, n’en devient que plus effrayante.

L’ingénuité de Judy Hollyday passe très bien et l'ami Jack Lemmon, pour ce qui est son premier film, glisse déjà avec une facilité désarmante de la comédie à la gravité.


 


jeudi 23 février 2017

Hantise (Gaslight de G. Cukor, 1944)



Bon film noir de G. Cukor qui bénéficie en Charles Boyer d’un interprète parfait pour construire le personnage de Gregory, délicieux de sadisme, qui tente de faire sombrer sa femme Paula dans la folie. Si la partition d’Ingrid Bergman est à saluer (elle enrichit ici sa palette en jouant ce rôle d’une femme qui perd la tête, peu gratifiant de prime abord pour une superstar hollywoodienne), c’est bien plus Charles Boyer le pivot du film.
Si l’issue du film ne fait guère de doute (on se doute bien, Hollywood oblige, que le bon inspecteur Cameron (Joseph Cotten), qui tourne autour de la maison du couple, va bien finir par comprendre ce qui s’y trame), cela ne gêne en rien la progression de la tension. Il faut dire que l’ambiance victorienne est très réussie : depuis les intérieurs typiques, très riches et raffinés, jusqu’aux extérieurs où les personnages longent de hautes grilles pour mieux se perdre dans le brouillard (on pardonnera le malheureux décor de l’épisode du lac de Côme qui fait par trop carton-pâte). La photographie et les jeux d’ombre et de lumière (avec, évidemment, cette intensité lumineuse des becs de gaz qui diminue mystérieusement) sont parfaits.


L’angoisse qui étreint Paula fait penser à Rebecca et cette ambiance victorienne à souhait fait écho au Suspect de Siodmak. Hantise et Le Suspect sont d’ailleurs très intéressants à comparer : dans un univers cinématographique assez proche, le premier propose un personnage principal épouvantable qui oppresse sa femme, quand, dans le second c’est au contraire un homme bon et affable qui ne sait comment se dépêtrer de sa femme, mégère et acariâtre. Le spectateur détestera (avec délectation) le terrible Gregory, alors qu’il accompagnera dans sa détresse l'affable monsieur Marshall. On tient là deux films d’époque remarquables.


mardi 5 avril 2016

La Croisée des destins (Bhowany Junction de G. Cukor, 1955)



La Croisée des destins George Cukor Ava Gardner Stewart Granger Affiche Poster

Très grand film de George Cukor, qui allie mille facettes du cinéma, construisant une intrigue passionnante et à la profondeur multiple.

Le film est d'abord exotique et dépaysant, ne nous emmenant en Inde, pendant les heurts liés à la décolonisation, en 1947. Le film regorge de cette ambiance indienne, avec des foules grouillantes, des marchés, des femmes en sari, des maisons coincées les unes contre les autres, dont on accède aux terrasses par des échelles. Et Stewart Granger (qui joue le colonel Savage) ajoute une touche supplémentaire d’exotisme : il est associé inévitablement aux deux films merveilleux d'aventures que sont Scaramouche et Les Contrebandiers de Moonfleet.

Le film ensuit,e évidemment, est romantique : il s'articule autour d'une femme, tiraillée par des sentiments et une identité complexe. Ava Gardner est non seulement éblouissante, mais elle parvient à épaissir son personnage de Victoria au-delà de la simple apparence et à émouvoir. Victoria est une métisse, tiraillée entre ces deux pays qui sont en train de se déchirer. Elle personnifie l'Inde, coincée entre son identité propre et l'Angleterre et Victoria, tout comme l'Inde, oscille, balance d’un extrême à l’autre, se sent condamnée à être ni l’un ni l’autre. Et ce tiraillement de Victoria s'exprime avec ces hésitations entre trois hommes autour d'elle : Ranjit l'indien, Patrick Taylor, métis comme elle, et, bien sûr le colonel Savage. Alors bien entendu il n'y a guère de surprise : avec Stewart Granger dans les environs, on voit mal Ava Gardner filer avec un indien gentil mais insipide ou avec le triste Patrick. Mais c’est toute la qualité du film de rendre crédible, fluide et logique cette difficile recherche d’une identité.

Enfin La Croisée des destins est d'une très grande beauté formelle. Cukor a su profiter de la beauté d’Ava Gardner (et a sans doute été galvanisé par elle) et il la met en scène (et en images surtout) de façon éblouissante. Il l’éclaire de mille manières, tantôt éclatante au soleil, tantôt, dans la nuit, rougie par le brasier d’une locomotive. Il profite du scénario pour l’habiller aussi de mille façons, avec une robe blanche, une robe jaune (quasi fluo), un sari indien, une tenue militaire. Qui d’autre qu’Ava Gardner pouvait interpréter ce rôle ?

Ava Gardner et Stewart Granger 
Ava Gardner en jaune
Très beau plan de nuit, avec Ava Gardner en rouge...
En sari indien...
En blanc immaculé au milieu du déraillement
La tourmente de Victoria dans le reflet de l'âtre brûlant du train

Il y a quantités de belles actrices, mais, sans doute, aucune n’a été filmée avec un tel sens esthétique, une telle mise en image de sa beauté, 
que Ava Gardner, qu'il s'agisse de Pandora ou de La Comtesse aux pieds nus ou, donc, de La Croisée des destins.

Le génie de Cukor est bien sûr d’avoir su allier ces trois aspects cinématographiques, de les avoir mariés ensemble (et ce n’est pas toujours facile : la séquence de la tentative de viol ou celle du déraillement du train sont très durs à associer avec une beauté formelle ; Cukor y parvient par des éclairages, des contrastes, des jeux de caméras). L’intelligente voix off rajoute au liant de l’histoire. Et l’apparition fugace mais très forte de Gandhi fait accéder le combat du colonel à une hauteur supérieure encore. Certaines scènes sont magnifiques, bien des plans sont éblouissants.

mardi 19 février 2013

Indiscrétions (The Philadelphia Story de G. Cukor, 1940)




Amusante comédie romantique de George Cukor, au casting prestigieux (c’est la seule affiche que se partagent Cary Grant et James Stewart) et qui s’amuse à faire craquer le vernis brillant de la haute société américaine.
Lorgnant du côté de la comédie sophistiquée (autour du ressort du remariage) plus que de la screwball comedy pure (malgré Cary Grant qui s’y prête aisément, mais le rythme du film n’est pas du tout le même), Cukor reprend une recette déjà aperçue dans Les Invités de huit heures, par exemple, où il peignait déjà les mœurs et les travers aristocratiques.
Le récit s’appuie sur un personnage écrit sur mesure pour Katharin Hepburn dont la posture froide et cassante (et toujours un peu outrancière) passe très bien ici. L’enjeu du film étant dans le craquèlement de la carapace du personnage, à la fois sous les coups de butoir ironique de son ex-mari Dexter (Cary Grant) et des quiproquos liés au journaliste Macaulay (James Stewart). Chaque acteur, en fait, est dans son registre favori, ce qui contribue sans doute à la fluidité de l’ensemble, malgré le trait forcé de chacun des personnages.


Cukor joue avec les ressorts habituels du genre : jeux de séduction et luttes amoureuses, entremêlés ici avec une lutte des classes, entre la haute société et les journalistes venus incognito. On se chamaille, on s’embrasse, on se bat, on se supporte, etc. Le tout dans un élan comique incessant, avec des dialogues cinglants, des situations très drôles et des connotations sexuelles étonnantes.