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mercredi 14 juin 2023

Volver (P. Almodovar, 2006)





Très beau film de Pedro Almodovar qui réussit une nouvelle fois à entraîner le spectateur dans une histoire abracadabrantesque avec une facilité déconcertante. C’est que l’histoire en elle-même est complexe, à multiples tiroirs, emplie de chausse-trappes, mais tout passe avec l’aisance narrative d’Almodovar.
Alors, après un premier meurtre qui suit une tentative d’inceste, puis une apparition de fantôme, un cadavre planqué dans un congélateur, une mère revenue d’entre les morts, le tout dans un étonnant manège de personnages, Volver amène le spectateur vers la révélation finale avec l’inceste primordial qui finit par percer.

Almodovar parvient à reléguer au second plan le meurtre du père, à jouer avec la figure de mère issue de Bellissima (cité en fin de film et à laquelle renvoie Raimunda). Volver, alors, renvoie aux fantômes du passé qui reviennent à la surface et Raimunda (magnifique Penélope Cruz), tout au long du film, semble avoir le choix entre continuer à avancer coûte que coûte ou bien se tourner vers ce traumatisme passé non réglé. On notera le magnifique moment où elle chante, pour, dit-elle, faire plaisir à sa fille alors que c’est sa mère, cachée un peu plus loin et montrée en contrechamp, à qui est destinée, in fine, la chanson (comme dans Bellissima où la petite fille joue pour sa mère).

Et, bien sûr, comme toujours chez Almodovar, des couleurs aux décors, des musiques aux ambiances, c'est l'Espagne, cœur battant du monde, qui est captée à chaque seconde avec une sensibilité magnifique.




lundi 14 octobre 2019

Kika (P. Almodovar, 1993)




Film de second rang de Pedro Almodovar, qui peine à captiver avec cette histoire, en se concentrant sur la figure attachante de Kika mais en déroulant une intrigue un peu mollassonne et qui ne mène à peu près nulle part.
La pauvre Kika subit mille malheurs mais elle garde son allant – fait de fraicheur et de naïveté – et se remet aussitôt en selle, après chaque coup dur, et elle avance. Autour d’elle, les personnages retors et malsains s’accumulent et profitent, à divers degrés, de ses faiblesses.
On retiendra la très belle séquence où Ramon comprend que Nicolas est le meurtrier de sa mère : reprenant l’idée de Truffaut dans La Sirène du Mississipi (où c’est devant une bande dessinée de Blanche-Neige et les Sept Nains que Louis Mahé-Belmondo comprenait qu’il se faisait empoisonner), c’est en voyant un extrait du Rôdeur de Losey qu’il comprend ce qu’a fait son beau-père. Cette idée sera reprise dans Parle avec elle, dans lequel Almodovar ira jusqu’à tourner le court-métrage muet qui inspire Benigno.
Pour le reste, le film se plait à flirter avec des idées immorales ou basses (notamment au travers du personnage excentrique, fatigant et assez ridicule de Andrea, joué par Victoria Abril), autant d’idées qui, si elles font partie de l’univers  habituel du réalisateur, sont exposées ici sans son génie narratif habituel. Plusieurs idées ou séquences de Kika seront d’ailleurs reprises, avec beaucoup plus de bonheur, dans La piel que habito.


mardi 10 avril 2018

Parle avec elle (Hable con ella de P. Almodovar, 2002)




Très beau film de Pedro Almodovar, peut-être son plus abouti à ce jour et, à la fois, son plus touchant. Almodovar abandonne une forme d’excentricité qui ne l’a guère quitté depuis ses débuts, excentricité aussi bien formelle que dans ses thèmes (il aimait mettre en lumière des personnages que l’Espagne regardait de travers, comme les transsexuels, les gays, etc.). Almodovar semble ici davantage apaisé depuis Tout sur ma mère (Parle avec elle, qui s’ouvre sur un rideau qui se lève, répond au rideau qui se baissait à la fin de Tout sur ma mère).
Le film met en scène plusieurs groupes de personnages qui s’entrecroisent (Almodovar donne des pistes – mais en élude certaines – en chapitrant rapidement son film) autour d’un couple visible (Benigno l’infirmier et Alicia sa patiente dans le coma) et d’un second couple, moins visible mais déterminant (Benigno et Marco, à la relation de plus en plus complexe et ambiguë). Le film est alors construit sur une complémentarité des personnages féminins et masculins, qui va jusqu’à une fusion des contraires (Marco rencontre Benigno du fait de l’accident de Lydia, et Marco lui transmet, en quelque sorte, son amour pour Alicia).



Une nouvelle fois on reste stupéfait de la qualité narrative d’Almodovar, qui mélange si facilement des histoires et parvient, en quelques plans, à épaissir de nombreux personnages (un gros plan de Marco, un mouvement habile de caméra, comme lorsque Lydia regarde Marco dans un rétroviseur). Et Almodovar, par un sens de l’image très puissant, parvient à saisir cette relation pour le moins étrange qui se tisse entre Alicia et Benigno, en partie racontée en voix off, en partie montrée, avec tous les gestes doux et attentionnés de Benigno, qui sont autant de caresses d’amoureux. Benigno, cœur battant du film, tout en parole et en douceur, que Almodovar filme avec une retenue étonnante, devient une belle forme cinématographique de l’amour fou. Almodovar concerve d’ailleurs tout au long du film une retenue qui le conduit à des ellipses décisives (on ne voit ni l’accident d’Alicia ni le suicide de Benigno).



Almodovar filme parfaitement la proximité et le dévouement de Benigno et, dans le même temps, l’incapacité de Marco à faire de même avec Lydia (Marco en reste aux regards, quand l’infirmier passe lui, sans cesse, du regard à la parole). Et cette mise en scène (construite avec des jeux de miroirs, de vitres, de lignes verticales qui séparent l’image) se retrouve dans la prison où Benigno est définitivement coupé, comme déjà parti. Le final du film se construit alors sur un renversement : Benigno devient un monstre alors qu’Alicia renaît. Ces deux trajectoires se rejoignent paradoxalement dans Marco qui, en fin de film, ne pleure plus Lydia mais bien Benigno, et dont la relation prometteuse à Alicia (présentée dans le film et qu’il nous est laissé le soin de créer comme bon nous semble) lui permet d’exaucer son ami.
Le film recèle d’ailleurs de nombreux indices que Benigno, progressivement, passe le relais à Marco : bien avant la violence dramatique de l’acte de Benigno (qui vient d’une interprétation tragique du court-métrage muet délicieux inséré dans le film), Marco est amené à se préparer à s’occuper d’Alicia. Le « Parle avec elle » du titre est le message ultime de Benigno à son ami Marco à propos d’Alicia.

Si le film d’Almodovar évoque Tout sur ma mère (avec cette théâtralisation de la vie), il offre aussi un amusant et bel hommage au film muet (en particulier bien entendu à L’Homme qui rétrécit de J. Arnold) mais aussi à la danse (avec une ouverture et une conclusion de film dans un spectacle de Pina Bausch) et à la sensibilité artistique en général, au travers notamment de cette idée magnifique et sublimement montrée de l’infirmier qui découvre les passions d’Alicia, pour pouvoir les lui raconter ensuite.

vendredi 4 novembre 2016

La piel que habito (P. Almodovar, 2011)




Remarquable film de Pedro Almodovar qui parvient, avec brio, à passer d'un thème à l'autre et, même, d'un genre à l'autre. Cette réussite met en avant ses qualités de conteur proprement exceptionnelles. En effet il parvient ici à mélanger tour à tour, le film fantastique, le film de vengeance, le film de séquestration, le mélodrame, pour se clore en film noir. Ce mélange passe facilement pour le spectateur qui s'attache d'abord à Robert, avant de comprendre ce qui s'est réellement passé et de s'attacher à Véra/Vicente. Cette facilité pour le spectateur de suivre les méandres de l'histoire proposée et de passer, ainsi, d'un personnage à l'autre est stupéfiante.
Sans qu'il y ait de référence explicite à des films (ce qui est le cas habituellement chez Almodovar), on pense évidemment aux Yeux sans visage de Franju où un père essaye, là aussi, de reconstruire un visage, de même qu'à Vertigo puisque Robert façonne Vincent à l'image de sa femme décédée.
Mais ici plusieurs thèmes viennent s'entremêler. On retrouve la question classique chez Almodovar de l'inversion des sexes, mais teintée de noirceur avec la double vengeance qui s'y exprime (celle de Robert sur Vincent, puis celle de Vincent/Véra sur Robert). A cette double vengeance, révélée assez tard, Almodovar n'hésite pas à multiplier l'épaisseur de son récit, non pas en multipliant les emboîtements comme dans d’autres de ses films (Tout sur ma mère par exemple) mais en raccordant plusieurs pistes, plusieurs ambiances (une première, froide et technologique, puis d'autres, plus chaudes). L'irruption du lubrique et violent Tigro (dans une séquence qui évoque Kika) déclenche ensuite tout ce qui était condensé, en suspens et que le spectateur ignore encore : les relations filiales, la vengeance de Robert, les deuils impossibles, etc.
Formellement, Almodovar est fidèle à lui-même : il garde son style brillant, plastiquement très riche, visuellement abouti et sûr de lui.


jeudi 28 août 2014

La Loi du désir (La Ley del Deseo de P. Almodovar, 1987)





Film assez sombre de Pedro Almodovar, qui mélange plusieurs thèmes, dans une intrigue nouée autour du milieu du cinéma. Sur fond d'amants et de meurtre, on retrouve des thèmes récurrents du réalisateur (l'homosexualité, la transsexualité) mais le film a un parfum triste et désespéré, Almodovar, pourtant si créatif, compose une vue bien terne, morne et résignée sur le cinéma.

lundi 7 avril 2014

Tout sur ma mère (Todo sobre mi madre de P. Almodovar, 1999)




Beau film à l'intrigue assez complexe, organisée comme autant de poupées gigognes. Almodovar y multiplie les références cinématographiques, en partant de la même séquence d'ouverture qu'Opening Night : un accident d'un jeune fan (alors qu'il veut voir son idole) lance l'action. Ainsi, en quittant Madrid (où son fils, donc, est mort) pour Barcelone, Huma, dans une narration riche et qui s’épaissit sans cesse, va à la rencontre de son passé.
Mankiewicz est aussi très présent : directement (dans le titre même du film qui fait référence à All about Eve ou par Esteban qui se met à écrire après avoir vu ce film), mais aussi dans le jeu double entre Manuela et Nina, même si, ici, il n'y a aucun arrivisme ni malveillance chez l'une ou l'autre (à l'inverse de la Ève de Mankiewicz).

Le film apparaît alors comme un des plus beaux exemples de tout le talent d'Almodovar, capable de raconter avec une facilité déconcertante des histoires complexes, d'épaissir de nombreux personnages en allant chercher l'humanité au plus profond de chacun d'eux, le tout au travers des thèmes chers au cinéaste : des filiations complexes, des sexualités refoulées ou débridées, des personnages aux blessures sourdes et profondes.