samedi 29 août 2020

Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages (M. Audiard, 1968)




Michel Audiard, grand dialoguiste et auteur de tant de répliques cultes, n’est guère convaincant en prenant en main la réalisation. Son talent consistant à faire dire des tirades bien senties à ses acteurs, son film se résume à une collection d’adresses aux spectateurs pour déclamer des monologues semi-philosophiques qui se veulent drôles. Mais c’est oublier que l’on ne peut faire l’économie d’un scénario qui tienne debout et de personnages consistants : le résultat est catastrophique.
Alors Bernard Blier, Robert Dalban, André Pousse ou Françoise Rosay sont réduits à surjouer sans cesse même s’ils ont, de temps à autre, ce bon mot qui fait mouche. Mais l’humour potache lasse et le film sombre peu à peu dans le ridicule. Notons le jeu épouvantable de Marlène Jobert qui laisse perplexe, elle qui jouera si juste avec Pialat quelques années plus tard (dans Nous ne vieillirons pas ensemble).
C’est là qu’on mesure la difficulté, pour un réalisateur, de rester en équilibre : avoir de l’humour implique néanmoins une consistance et une crédibilité qui tienne le film. Lautner le fait parfaitement dans ses Tontons flingueurs, ici Audiard se fourvoie complètement. Il ne reste guère, ici et là, que la trogne inimitable de Blier, pour sauver (à grand peine) ce qui peut l’être.


jeudi 27 août 2020

La Plateforme (El hoyo de G. Gaztelu-Urrutia, 2019)

 

Thriller horrifique très quelconque, qui a la grande ambition d’une dénonciation sociale (anticapitaliste et anticonsumériste, du jamais vu), en mettant en scène une sorte de prison verticale où la survie des uns doit tout à la bonne volonté des autres. Bonne volonté qui est bien sûr tout à fait absente, puisque, nous dit le film de façon très originale, l’homme est un loup pour l’homme. Le gentil héros, alors, est un altruiste perdu au milieu des égoïstes.
À cette grosse ficelle volontiers trash (avec quelques scènes horrifiques bien au goût du jour), Galder Gaztelu-Urrutia propose une mise en scène on ne peut plus conventionnelle, jouant d'un univers bétonné, de lumières bleues froides ou de sang numérique. Il cherche à proposer une fin ouverte, comme s’il fallait comprendre toute l’installation qu’il nous proposait ou comme s’il importait de distinguer la réalité vécue par les prisonniers de leurs espoirs. En réalité – et contrairement à l’architecture de la prison – le film n’a que peu de profondeur ou de hauteur : ce petit jeu sadique ne propose pas grand-chose et ne mène à peu près nulle part.


 

mercredi 26 août 2020

Tango et Cash (Tango & Cash de A. Kontchalovski, 1989)



Prototype du film d’action bas de gamme des années 80, organisé autour de deux stars du film testostéroné. Qu’il s’agisse du scénario, des personnages ou de la mise en scène, rien ne vient sauver le film du désastre.
Certes Tango et Cash n’a pas de prétention et se veut un simple divertissement, mais il est surtout un gros hamburger indigeste, débordant de graisse et sans intérêt.
On regrette que le très bon et reptilien Jack Palance, à la voix et au phrasé si particuliers, vienne jouer les grands méchants dans ce divertissement commercial sans âme.



lundi 24 août 2020

Lady Snowblood (T. Fujita, 1973)

 

Film culte du cinéma d’exploitation japonais, Lady Snowblood a trouvé une récente notoriété à l’international en inspirant nettement Tarantino pour son Kill Bill.
On retrouve ainsi dans le film de Tarantino de multiples allusions et emprunts au film de Toshiya Fujita, aussi bien au niveau du fil rouge suivi par le film (une vengeance qui s’exerce tour à tour sur différents tortionnaires), que dans différentes séquences (les entraînements, les combats dans la neige), dans son style (gros plans, jeux de caméras, chapitres, etc.) ou encore dans son goût pour la violence (bras coupés, gerbes de sang, etc.).

Lady Snowblood – inspiré d’un manga – suit donc la lignée des films de King Hu (L’Hirondelle d’or, Dragon InnA Touch of Zen) ou de Chang Cheh (la série du Sabreur manchot) qui ont installé un cadre de référence pour le wuxia (le film de kung-fu asiatique) et souligne le développement du genre sur les écrans asiatiques. Mais le genre abandonnera assez vite ses bonnes idées de mise en scène pour nourrir bientôt un cinéma d’exploitation toujours plus avide de films réalisés à la va-vite.


vendredi 21 août 2020

Tootsie (S. Pollack, 1982)

 

Comédie légère dont la renommée doit beaucoup à Dustin Hoffman, qui s’amuse comme un fou à se travestir en femme. Mais, pour le reste, le film, qui flirte davantage par moment avec la comédie intellectuelle à la Woody Allen plutôt qu’avec la comédie légère ou burlesque, reste divertissant mais un peu trop prévisible.
On a beaucoup salué la performance d’acteur de Dustin Hofmann mais, s’il est un acteur exceptionnel, c’est bien plus dans la diversité de ses rôles que dans celui-ci, où le personnage de Tootsie est finalement peu approfondi. C’est d’ailleurs une des faiblesses du film que, comme dans tant de comédies, les personnages soient si caricaturaux. Mais le récit saura utiliser Tootsie comme révélateur, et ces multiples personnages – c’est là l’idée force du film – seront enrichis de leur rencontre avec Tootsie (y compris Michael lui-même). Paradoxalement, c’est peut-être en marge du thème central du rapport homme/femme que les idées sont les plus intéressantes, en particulier la difficulté d’exister en tant qu’acteur au milieu d’une production télévisuelle toujours plus commerciale et vulgaire. Cela dit, bien entendu, ce thème aujourd’hui très conforme aux idées du moment était alors très en avance sur son temps : c’est ce qui donnait alors la force au film, force largement perdue aujourd’hui.
Pour ce qui est du jeu d’acteurs grimés en femmes, on est bien sûr très loin des facéties merveilleuses de Tony Curtis et Jack Lemmon dans Certains l’aiment chaud (film qui, lui au contraire, n’a rien perdu de sa verve et de sa force comique) et, en ce qui concerne Dustin Hoffman lui-même, l’on retiendra bien davantage sa performance dans Lenny de Bob Fosse ou dans Macadam Cowboy de John Schlesinger que ici, dans ces travestissements amusants mais assez superficiels.


mercredi 19 août 2020

Trois pour un massacre (Tepepa de G. Petroni, 1969)

 

Étonnamment, Tepepa (on préférera le titre d'origine) n’est pas aussi systématique que la très grande majorité des westerns italiens de la période : le style, ici, ne copie que d’assez loin celui de Sergio Leone, il est moins marqué et caricatural. L'on saura gré à Giulio Petroni de nous avoir épargné les zooms violents, les cadrages dissonants et le montage tout en rupture : autant d'éléments si typiques des ersatz du maitre italien et qui n'aboutissent le plus souvent qu'à exagérer de banals moments du scénario.
Dès lors il est un peu dommage que l’histoire soit si peu originale et ne surprenne guère avec ce triangle de personnages très classiques (un pistolero, un méchant colonel mexicain et un européen mystérieux) qui se tournent autour sur fond de révolution mexicaine.
Thomas Milian fait le job et Orson Welles, que l’on sait très bon dans les rôles de méchants suants et sans scrupules (dans La Soif du Mal ou Le Procès), campe parfaitement ce militaire rond, gras et cruel. Le dénouement, lui, ne laisse guère de doute et rend Tepepa un peu décevant, alors qu’il avait de beaux atouts.