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lundi 7 février 2022

Fantastic Mr. Fox (W. Anderson, 2009)





Dans cette adaptation de Roald Dahl, Wes Anderson s’en donne à cœur joie : optant avec brio pour le film d’animation, il parvient à libérer son style et à retrouver – et avec quelle facilité ! – le ton de ses personnages habituels, mélange de drôlerie, de dépression et de quête de soi.
Ici l’idée est d’une très grande richesse car il joue sur la dualité de ses personnages, tantôt infiniment animaux, tantôt infiniment humains. Mister Fox cherche à se comporter comme un humain (être un bon père de famille responsable) et, en même temps, ne demande qu’à suivre son instinct sauvage : voler des poules ! Il doit donc composer avec son naturel d’animal sauvage qui n’est jamais bien loin et qui revient sans cesse (il faut le voir dévorer son petit déjeuner !). Cette dualité est source à la fois de drôlerie dans de nombreuses situations et de cette déprime qui est consubstantiel à tant de personnages de Wes Anderson. Le film, alors, suit ce personnage plein de contradiction qu’est Mr. Fox, dont les états d’âme et les décisions sont le moteur de la narration. Sans lui, sans sa déprime, rien ne se serait passé. Il faut néanmoins ajouter les deux fils Ash et Kristoffersson, dont la relation de rivalité puis de complicité développe la difficile relation père-fils du père. Le film est alors dominé par ce ton étrange et décalé – ton qui domine tant de films d’Anderson –, à la fois triste et drôle (on parle à son propos de « mélancomique »).


Pour réaliser son film, Anderson s’est tourné vers l’animation de marionnettes : il a donc fallu fabriquer quelques cinq cents marionnettes en acier ou en aluminium, à différentes échelles (chaque personnage est réalisé à 3 tailles différentes, choisies selon les circonstances) et animées en stop-motion devant cent cinquante décors.
Le tour de force est que Wes Anderson, bien loin d’être déstabilisé par cette technique d’animation, y déploie tout son style si caractéristique. On admire alors les cadrages particuliers (gros plans, plans très larges, plongées surprenantes, etc.), le foisonnement de détails drôles, les constructions géométriques des plans qui utilisent parfaitement les décors, les travellings latéraux – spécialité du réalisateur – qui lui permettent de développer une action, d’ironiser, de surprendre. Les couleurs sont incroyables et les jeux de lumière tantôt illuminent le plan, tantôt deviennent menaçants (lors des cambriolages).
Wes Anderson, très satisfait du résultat de son Fantastic Mr. Fox, s’est d’ailleurs à nouveau tourné vers l’animation de marionnettes pour L’Île aux chiens en 2018.



lundi 24 janvier 2022

The French Dispatch (W. Anderson, 2021)

 



Le dernier film de Wes Anderson est bien décevant. Caricaturant son style et sa manière de raconter, Anderson vide le film de sa substance : oubliant de créer un tout harmonieux  et équilibré, il fait se succéder une série d’histoires (prenant le prétexte d’articles d’une revue) qui participent d’un regard sur la France, mais c’est un regard très caricatural, puisque les trois articles concernent l’art moderne, la révolution de mai 68 et la cuisine, thèmes abordés avec force circonvolutions.
Au-delà de la France, le lien entre ces historiettes est le style d’Anderson, toujours très géométrique, frontal, rapide, surprenant, au ton volontairement désuet et toujours au second degré. Mais, ici la sauce ne prend pas : c’est que l’on a juste le style « chimiquement pur » d’Anderson, mais sans histoire à raconter derrière. On est loin de La Famille Tenenbaum où le foisonnement de personnages et de situations formaient un groupe, une famille et, finalement, un ensemble cohérent.

Rien de tout cela ici : il s'agit d'un film choral avec une multitude de personnages et d'un récit construit sur le principe du cadavre exquis. Même les séquences animées sont très décevantes, notamment la dernière, avec la course-poursuite en voiture.

Et, comme une signature trop appuyée, le film est rempli d’acteurs connus, non seulement ceux de sa bande habituelle (Bill Murray ou Owen Wilson) mais aussi une pléiade d’autres (dont des français : Guillaume Gallienne, Mathieu Amalric, etc.). Mais chercher, repérer et reconnaître, même malgré soi, tous ces acteurs qui ne font parfois qu’un bref caméo distrait à peine et n’apporte, in fine, pas grand-chose.

 

lundi 18 octobre 2021

Moonrise Kingdom (W. Anderson, 2012)

 



Faisant suite à Fantastic Mr. Fox, on retrouve dans Moonrise Kingdom – et avec quel plaisir ! – tout le style de Wes Anderson, style affirmé depuis longtemps et qui est fait de jeux géométriques francs, d’axes de symétrie qui découpent le cadre, de mouvements de caméra angulaires, de champs-contrechamps accentués, d’une grande profondeur de champ qu’il s’amuse à remplir sans cesse, de cuts tout en rupture et d’une bande son à la fois désuète et drôle. A cela s’ajoute bien sûr ce second degré permanent, qui permet de mettre en scène des personnages décalés, certains déprimés et las de vivre, quand d’autres sont emplis d’énergie, virevoltants et aspirent à surgir et à traverser le cadre en courant (on trouve très tôt chez Wes Anderson ces personnages aux aspirations diverses, par exemple dans Rushmore).
Anderson mélange ce petit monde dans un univers délicieusement décalé, jouant d’aplats de couleurs sépia, d'images incongrues, de décors cartoonesques et d’accessoires désuets (il faut voir les deux jeunes héros fugueurs danser sur un vinyle de Françoise Hardy au bord de la plage !). Tout cela crée une atmosphère immédiatement reconnaissable et délicieuse, déjà parfaitement en place depuis La Famille Tenenbaum. Et – jeux de contradiction qu’adore Anderson – il donne à ses jeunes héros des aspirations et des préoccupations d’adultes, créant un décalage très drôle. De cette mixture improbable mais complètement contrôlée et génialement équilibrée surgit l’étrange tonalité wesandersonienne à la fois mélancolique et drôle (on a pu parler à son propos de mélancomique).


Et, comme toujours, Wes Anderson s’amuse avec un casting improbable et prestigieux, jouant de contre-emplois permanents (de Bruce Willis en flic pépère à Edward Norton en chef scout dépassé). Et, bien sûr, comme une signature, Bill Murray est toujours là, en quinqua bedonnant et déprimé. Il faut le voir l’œil vide et le torse nu, une bière dans une main et une hache dans l’autre, s’en aller couper du bois le soir venu.

 

jeudi 27 septembre 2018

La Famille Tenenbaum (The Royal Tenenbaums de W. Anderson, 2001)




Comédie décapante de Wes Anderson, qui impose son style si particulier, articulé autour d’un univers dépressif mais pourtant haut en couleur et d'une mise en scène décalée et jouissive. Sa caméra tantôt filme des plans frontaux et terriblement symétriques, tantôt s’agite et tourne brusquement à droite ou à gauche, tantôt elle s’arrête à la surface du plan, tantôt fonce dans la profondeur de champ.

Mais, sous ses dehors légers et sa mise en scène amusante, le film aborde des sujets graves (jusqu’aux images gore d'un suicide en filmant le sang s'écoulant des poignets de Richie dans le lavabo). Les enfants Tenenbaum ont beau être géniaux, ils deviennent des adultes asociaux et dépressifs : on retrouve le thème qui traverse bien des films de Anderson, à savoir cette quête existentielle, quête parfois achevée et vaine, avec des adultes, incapables d’agir ou puérils. Ici, tous autant qu’ils sont, parents et enfants, déchirés, perdus, maniaques, sont incapables d’aimer et d’être aimés.
Le cœur du film est la survenue du père qui veut se réconcilier avec sa famille. Et, des trois enfants, si Richie l’accueille volontiers, si Margot se veut indifférente, c’est Chas qui le rejette violemment. La réconciliation du père avec sa famille passera donc par une réconciliation entre Royal et Chas. Anderson choisit alors de les opposer une grande partie du film : on ne les voit pas ensemble à l’image. Ils se croisent bien une ou deux fois (ils sont par exemple filmés génialement de manière latérale dans la pièce de jeu), mais leur réconciliation passera par l’image : ils seront réconciliés lorsqu’ils pourront partager le cadre sereinement. C’est ainsi que, en fin de film, après que Royal sauvera les enfants, on les trouvera côte à côte. On comprend alors que Chas soit seul à assister à la mort de Royal et que, ensuite, il se retrouve seul dans le cadre. C’est ainsi que Anderson, derrière une apparence de truculence et de jeux tout feu tout flamme avec ses personnages, construit avec une rigueur parfaite chaque plan et fait progresser impeccablement sa narration.


Fort de ses succès précédents, Anderson se permet un casting prestigieux (tout en restant fidèle à plusieurs acteurs), au milieu duquel trône un Gene Hackman truculent. Il compose un Royal Tenenbaum au ton détaché, ironique, faussement affecté qui sert de ressort permanent au film. Il intègre complètement cet esprit décalé très wes-andersonien tenu par Bill Murray dans d'autres films (on le retrouve ici, toujours aussi dépressif et mutique, mais dans un petit rôle).

Et le film parvient à cet équilibre difficile entre rire et dépression, humour et tragédie, burlesque et profonde tristesse.


mercredi 19 septembre 2018

Rushmore (W. Anderson, 1998)




Plaisant film de Wes Anderson qui met en place son univers si caractéristique. Ce qui n’aurait pu être qu’un film de campus décolle vers un style bien marqué, fait de personnages étranges et décalés (avec notamment cette étrange symétrie qu’on retrouve souvent chez W. Anderson : d’un côté des adolescents déjà trop adultes et de l’autre des adultes trop adolescents), une esthétique innovante (cette façon de présenter les personnages ou les activités de Max) et des jeux de caméra amusants (par exemple en décalant la caméra vers un détail avant de revenir au sujet principal du plan).



Anderson parvient à trouver un ton comique léger et fin – bien loin de la vulgarité et de la lourdeur qui ont si souvent envahi la comédie –, très original, foisonnant (les mille et une activités de Max, ses mille et un rebonds pour conquérir Rosemary) et traversé, néanmoins, par une touche de mélancolie. Il faut dire qu’il s’appuie sur un Bill Murray impeccable qui trouve un équilibre improbable entre le burlesque et la mélancolie triste et insondable. Ce type de personnage sera bien vite une des marques de fabrique de Wes Anderson qui fait souffler un vent frais et très plaisant sur la comédie américaine, genre par ailleurs largement moribond (1).




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(1) : Le genre est moribond non pas au regard de la quantité de films produits ou de l’argent amassé mais au regard de la qualité des films réalisés. Wes Anderson apparaît alors à la fois comme une exception qui confirme la règle et comme une bénédiction.