Affichage des articles dont le libellé est Lee Spike. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Lee Spike. Afficher tous les articles

lundi 20 juillet 2020

Malcolm X (S. Lee, 1992)





Spike Lee continue son tour d’horizon de la cause noire aux USA et il se fixe ici sur un des leaders, par ailleurs contesté, des années 70. L’ensemble est très bien filmé, avec une dimension religieuse frappante, notamment lors de la conversion de Malcolm X en prison (avec le jeu des trappes de lumière dans le cachot ou lors de sa première prière) ou au moment de son assassinat (où Malcolm X est filmé comme s’il savait ce qui allait se passer et, sage et apaisé, acceptait sa mort). Et Spike Lee, à côté des passages obligés de sa biographie, s’autorise des entorses dont on sent qu’elles sont l’occasion pour lui de digressions et de prise de recul, jouant même avec de fausses images d’archives, et où il prend un plaisir de réalisateur à faire durer une séquence (par exemple lors du bal).
Les polémiques qui entourent le personnage sont mises de côté : ce sont surtout les dissensions au sein des mouvements musulmans qui sont montrés.
Denzel Washington, qui, après Cry Freedom, interprète à nouveau une figure du combat des Noirs opprimés, est remarquable.



vendredi 12 juin 2020

BlacKkKlansman : J'ai infiltré le Ku Klux Klan (BlacKkKlansman de S. Lee, 2018)




Comme souvent chez Spike Lee, BlacKkKlansman s’ancre dans l’actualité. Il s’appuie ici sur la personnalité et les discours de Trump et recherche d’où vient le mal. 1978 : le KKK, nous dit Spike Lee, vise la maison blanche. Quarante ans plus tard, avec les slogans de Trump et les manifestations de Charlottesville de 2017 en toile de fond, le film montre que le KKK est arrivé à ses fins. Dans cette perspective, Ron, le policier noir qui a su infiltrer le KKK et déjouer un attentat, a échoué.
Et, pour Spike Lee, la question souterraine et structurante demeure : peut-on être pleinement noir et pleinement américain (cette question était déjà formulée dans Malcolm X) ?

Spike Lee introduit dans son récit les grands films qui ont mis en place une imagerie du Sud esclavagiste, démarrant avec Autant en emporte le vent et, surtout, construisant toute une séquence autour de Naissance d’une nation, dont la projection devant les militants enthousiastes du KKK est montée en parallèle avec le récit du lynchage de Jesse Washington par un vieillard incarné par Harry Bellafonte. Le choix de Bellafonte n’est pas anodin, puisqu’il est un des premiers acteurs noirs très célèbres et qu’il s’est peu à peu détourné de son métier pour s’engager dans le combat pour les droits civiques. Un peu comme il l’avait fait avec Mandela qui apparaissait dans Malcom X, Spike Lee convoque donc à ses côtés une figure tutélaire majeure.
Spike Lee joue aussi de l’imagerie purement cinématographique en évoquant très nettement la blaxploitation (au travers de l’image finale de Ron et Patrice).


On notera malgré tout que l’approche de Spike Lee se tient puisqu’il met le film en résonance avec Trump, mais il en ressortirait une toute autre lecture s’il avait été mis en résonance avec l’arrivée d’Obama au pouvoir.


jeudi 23 avril 2020

Do the Right Thing (S. Lee, 1989)




Bien avant les prêchi-prêcha bien-pensants sur le « vivre-ensemble » (néologisme inventé quand la question a commencé à désespérer de sa réponse), Spike Lee brosse le portrait d’un quartier de Brooklyn, avec ses habitants et, surtout, les équilibres précaires entre communautés.
Il circonscrit la ville à quelques rues et restreint l’action à quelques groupes : les Noirs, les Italiens, les Coréens et, faisant irruption, les bad cops blancs. Et il met en scène son petit monde dans une atmosphère étouffante, qui va entrer progressivement en ébullition.
Et c’est avec une esthétique hip-hop assez innovante (le film épouse les codes musicaux du quartier qu’il met en scène) que Spike Lee donne la parole à chacun et se permet un ton tragi-comique avant que le film ne bascule vers l’émeute et la révolte urbaine.



Le cœur du cœur du problème, nous dit Spike Lee, reste l’impossible communication qui fait exploser les rages contenues. Le Coréen qui parle si mal anglais, la radio hurlante qui empêche de parler. Tout part de malentendus, d’incompréhensions qui s’incrémentent. Ces incompréhensions se cristallisent par l’image pour Sal dans sa pizzeria, avec les photos qu’il a affichées au mur et qui seront les premières étincelles décisives, ou par la musique avec Jackson le présentateur radio et, bien sûr, Rakeem qui ne quitte jamais sa radio hurlante.

Spike Lee se place au cœur de l’explosion de violence, à travers son personnage de Mookie qui, jusqu’alors, était davantage un trait d’union entre communautés (un Noir qui travaille chez les Italiens). Mookie est aussi l’occasion de filmer des moments doux, sensuels, que ce soit dans la rue, entre voisins, ou entre amoureux. Mais c’est aussi lui qui, après l’intervention dramatique des policiers, alors que l’instant était suspendu et que tout pouvait encore se calmer (1), met définitivement le feu aux poudres lors de l’émeute (fait-il, alors, « the right thing ? »). L’émeute, alors, se déchaîne contre la pizzeria de Sal. Mais comment exprimer sa colère contre des flics blancs qui ne font que passer, tuer et repartir ?
S’il donne bien des circonstances atténuantes aux Noirs ou aux Italiens, le regard du réalisateur sur les policiers blancs est lapidaire. La référence au prêche célèbre de Mitchum de La Nuit du chasseur (avec Radio Raheem et ses bagues en coup de poing américain qui le rejoue face caméra) prend alors tout son sens en désignant clairement les forces du mal.



Cette question du geste de Mookie reste en suspend jusqu’aux deux citations qui ferment le film, l’une de Martin Luther King et l’autre de Malcolm X, qui disent combien la réponse violente ou non-violente aux exactions est au cœur des questions de Spike Lee. Celui-ci continuera d’ailleurs à creuser la question (que faire face aux violences des Blancs contre les Noirs ?) de Malcolm X à BlacKkKlansman.
Spike Lee est ainsi plus que jamais d’actualité aux Etats-Unis puisque les dernières élections présidentielles se sont cristallisées autour de ces questions ethniques, avec Obama d’abord et avec Trump, plus encore, ensuite. On remarquera aussi que, s’il est un cinéaste très engagé, il réalise néanmoins des films qui ne sont pas des caricatures lourdes et vaines, mais qui cherchent à exposer avec une certaine volonté de nuances (au moins sur certains points) des situations sociales et communautaires complexes.



________________________________

(1) : Ce moment de suspension avant que tout bascule évoque la fameuse séquence finale de La Horde sauvage où, là aussi, le carnage aurait pu être évité.