mercredi 30 juin 2021

Micki et Maude (Micki & Maude de B. Adwards, 1984)

 

Comédie amusante (bien qu’invraisemblable) de Blake Edwards, qui brode sur des thèmes assez modernes avec plaisir. Il faut dire que le sujet (la bigamie), rarement au cœur de films dramatiques (on se souvient, néanmoins, du très bon Bigamie de Lupino), est du pain béni pour une comédie.
Edwards s’appuie sur un bon trio d’acteurs, avec notamment Dudley Moore qui incarne parfaitement cet homme amoureux, sensible, perdu, à la fois menteur et sincère, fébrile et ne sachant pas se dépêtrer de la situation.
Edwards a le grand mérite d'aller jusqu'au bout de son idée et, après la double naissance, la fin est tout à fait réussie.



lundi 28 juin 2021

La Forêt interdite (Wind Across the Everglades de N. Ray, 1958)

 

Très intéressant film de Nicholas Ray, au thème très novateur. Dans la lignée du Walden de Thoreau, Ray film une confrontation entre une civilisation destructrice et une Nature sauvage mais qu’il faut préserver. Le film, si l’on veut, expose une conscience écologique, un peu comme le fera Elia Kazan dans Le Fleuve sauvage quelques années plus tard.
Avec l’affrontement entre Murdock le garde-chasse et Cottonmouth le braconnier, ce sont deux conceptions de la liberté qui s’affrontent, deux faces d’une même pièce pourrait-on dire. Murdock veut préserver la liberté de la Nature, qui doit rester épargnée de la civilisation mais aussi des hommes ; Cottonmouth revendique une liberté, liberté prédatrice mais émancipée de la civilisation. Ce personnage annonce le Kurtz de Coppola, qui reprend lui-même le personnage de Conrad dans Au cœur des ténèbres : perdu dans les marais, Cottonmouth édicte ses propres règles et règne sur son univers. Dans tous les cas c’est la civilisation – et non directement Cottommouth nous dit Ray – qui est coupable, en créant un marché pour les plumes d’oiseaux.

Réalisé par un Nicholas Ray chaotique et alcoolique, La Forêt interdite, avec son rythme changeant, son regard sur les marais, sa contemplation calme des bandes d’oiseaux qui s’envolent ou des canots qui se perdent dans les méandres, annonce le style élégiaque de Malick et démarre une lignée qui va jusqu’aux Bêtes du Sud sauvage ou Mud (qui cite clairement le film de Ray, notamment avec le thème autour des morsures de serpent).

 

vendredi 25 juin 2021

Baccara (Y. Mirande, 1935)





Beau film, assez typique de cinéma français des années trente, qui nous montre comment la guerre a pu laisser des traces souterraines chez les uns, comment elle a pu souder les autres, ou comment elle les a rendus plus durs au mal face à la société. Au cœur du film, le personnage d’André Leclerc, joué par Jules Berry, est magnifique, d’abord ironique et désabusé et peu à peu cynique. Ce personnage montre comment on peut être marqué tout en étant amoureux, de façon folle, justement parce que la vie l’a déjà épuisé.
Le ton si particulier de Jules Berry fait merveille (sa tirade lors du procès face à l’opinion publique est remarquable) et André Leclerc offre un pendant aux personnages taiseux qui, au travers de Jean Gabin notamment, traversaient alors le cinéma. Volubile et ironique, ou alors taiseux et le regard vide : le cinéma offre deux images qui illustrent des individus dont la vie, d’une certaine façon, s’est déjà éteinte.




mercredi 23 juin 2021

Raoul Taburin (P. Godeau, 2019)

 

Sans grande prétention et construit autour d’une évocation nostalgique de la vie d’un village, le film vaut surtout pour le duo Benoît Poelvoorde-Edouard Baer, qui apparaissent à la fois complémentaires et opposés. Chacun, dans son style, joue sa partition avec plaisir. Malgré le charme indéniable du scénario adapté de Sempé (mais qui impose des flashbacks avec voix off sans saveur), le film est trop gentillet pour réellement séduire.
Néanmoins, avec cet état d’esprit simple et doux qui respire la France d’antan, Pierre Godeau a saisi quelque chose de l’esprit de Sempé dont le trait sait si bien saisir toute la poésie du monde ce qui n’est pas rien.



lundi 21 juin 2021

The Father (F. Zeller, 2020)

 


Remarquable premier film de Florian Zeller, qui nous fait voir le monde à travers le cerveau vieilli et toujours plus altéré d’Anthony (magnifique Anthony Hopkins, qui oscille entre une sobriété désemparée et un petit cabotinage). L’habileté du film, bien sûr, est de nous montrer le monde depuis le point de vue du vieil homme et uniquement depuis ce point de vue. Bien qu’annoncé d’emblée (avec la musique du générique qui est en fait celle qu’écoute Anthony dans son fauteuil), le spectateur ne le perçoit pas tout d’abord, puis, quand tout se mélange, il comprend : tout ce qui est simple devient compliqué, la linéarité du temps lui échappe, les jours se passent et tout se mélange ; les noms, les visages, les évènements, tout se perd et devient trouble, pour Anthony comme pour le spectateur qui ne sait plus, bientôt, si Anne est mariée ou non, si elle doit partir pour Paris ou non, si l’on est le matin ou bien le soir.
Pour parler d’un vieil homme qui mélange tout, The Father nous entraîne donc dans une narration qui mélange tout elle aussi et où le spectateur, à l’instar d’Anthony, ne sait à quoi se raccrocher : cette correspondance entre le fond et la forme est une des grandes clés de voûte du cinéma, puisque, comme le disait si bien André Bazin, « la technique et le style ne sont pas seulement une façon de mettre le récit en scène, ils mettent en cause la nature même du récit ». L’on est particulièrement touché, alors, quand le fond et la forme se rejoignent. Ce que n’a pas su faire faire Phillips dans son Joker (pour prendre un exemple récent qui appelait à une forme exaltée), Zeller le fait parfaitement. Sans doute est-ce là la meilleure façon pour le cinéma de montrer la détresse et la déchéance d’un vieil homme.

 



samedi 19 juin 2021

Topaze (L. Gasnier, 1933) et Topaze (M. Pagnol, 1951)



 


Adapté plusieurs fois à l’écran à partir de la pièce de Marcel Pagnol, les différents Topaze sont toujours un peu décevants. Même s’ils ont des moments savoureux, la transformation du personnage de Topaze – qui constitue bien sûr le cœur du film – semble par trop improbable. D’ailleurs, les comédiens – bien que prestigieux – qui l’ont incarné ont toujours peiné à être crédibles, qu’il s’agisse du Topaze naïf du début du film ou bien du patron dur en affaires de la fin. Dans le film de Gasnier, plus on avance et plus Jouvet est à l’aise alors que dans le second film de Pagnol, plus Topaze gagne en sérieux et moins Fernandel est à l’aise. Cela montre sans doute les limites de la pièce de Pagnol.
Il reste néanmoins le charme de ces acteurs si magnifiques (la présence de Louis Jouvet est un délice constant) mais aussi celui de seconds rôles souvent savoureux (Pierre Larquey en particulier, dont le phrasé et la bonhommie font toujours merveille).