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lundi 19 février 2018

La Sirène du Mississipi (F. Truffaut, 1969)




Film souvent mal aimé dans la filmographie de François Truffaut mais qui prend pied sur un parti-pris original et très bien traité : Louis Mahé abandonne tout par amour, jusqu’à s’exposer aux blessures de l’autre qui le blesse et le reblesse.
L’idée du film est que jamais Louis ne se défendra ni ne s’écartera de cet amour qu’il fantasme. Truffaut lui-même résume très bien l’idée force du film : « La Sirène c'est finalement l'histoire d'un type qui épouse une femme qui est exactement le contraire de ce qu'il voulait. Mais l'amour est apparu et il l'accepte tel qu'elle est ». 
La séquence auprès du feu décrit tout ce dont Louis souffre : un amour fou, presque fantasmé par Louis (« ça me fait mal aux yeux de te regarder », etc.).



Bébel apparaît aujourd’hui à contre-emploi (mais il ne l’était pas à l’époque), puisqu’il ne fera plus guère de rôle travaillé (et c’est bien dommage) où il compose un personnage apparaissant terne et lisse, empli d’illusions et de fantasmes et qui est une victime, à bien des égards, consentante.
Truffaut parvient parfaitement à jouer sur des frontières qui ne sont pas claires, entre la sincérité et le mensonge, entre l’amour et l’escroquerie. Catherine Deneuve réussit à cultiver une fausseté qui perdure jusqu’au bout et on s’interroge sur son rôle précis (a-t-elle suivi son amant Richard ?, l’a-t-elle poussé au crime ?, a-t-elle tué elle-même Julie ?). Et jusqu'au bout on restera dans le doute, Marion semblant se repentir (mais est-elle sincère ?) de la tentative d’empoisonnement.
Truffaut remettra dans Le Dernier métro les mêmes paroles finales dans la bouche de la même Catherine Deneuve (« Je viens à l'amour, Louis, ça fait mal. Est-ce que l'amour fait mal ? »), faisant résonner entre les deux films cette question laissée sans qu’une réponse claire ne soit proposée.



mercredi 7 décembre 2016

Les Quatre Cents Coups (F. Truffaut, 1959)




Film plein de charme, Les Quatre Cents Coups, s’il fait partie des films qui lancent la nouvelle vague, est moins radical dans sa forme que chez Godard (A bout de souffle notamment). Truffaut donne une forme de chronique, tantôt touchante et naïve et tantôt lourde de sens, à ces quelques jours de la vie d’Antoine, coincé entre ses parents (Antoine, très clairement, aime sa mère qui, de son côté, lui manifeste bien peu son amour maternel) et son instituteur. Le réalisateur joue avec les symboles : celui d’une école qui échoue à sociabiliser l’enfant, d’une ville qui l’accueille et le nourrit, d’une incapacité à s’exprimer (il écrit sur les murs de la salle de classe, vole une machine à écrire, etc.), d’un appartement familial qui l’emprisonne. Tout s’organise autour de cette relation enfant-mère-ville. Où la mère d’Antoine, elle aussi, fait l’école buissonnière en allant retrouver son amant dans les rues de Paris…
Et le film saisit merveilleusement ces improvisations d’enfant, ce milieu familial un peu bancal, avec Paris qui l’englobe comme un tout.

Jean-Pierre Léaud, dans la première apparition de son célèbre personnage, est formidable. Il montre déjà ce mélange de détachement et de spontanéité qui fera son succès. L’interrogatoire par la psychologue, en fin de film, est superbe, révélateur et très drôle.


On remarquera aussi la fin délibérément ouverte et qui annonce, d’une certaine façon, la suite des aventures de Doinel : échappé du centre de redressement, il arrive sur la plage, auprès des vagues, et la caméra saisit son regard interdit. Arrêt sur image et générique : le jeune adolescent qui recouvre sa liberté n’exprime pas une joie simple, mais une expression plus complexe que prévu et ambiguë (et qui oblige à ressentir autrement les épisodes qui précèdent).


samedi 6 septembre 2014

La Femme d'à côté (F. Truffaut, 1981)




Un des meilleurs films de François Truffaut, sur le thème simple et rebattu de la passion amoureuse. Mais Truffaut parvient à mener son couple à un point d’incandescence rarement atteint, montrant combien la passion et la destruction sont proches et combien la morsure de l’amour peut faire saigner.
Car la passion qui relie Bernard et Mathilde est absolument incontrôlable et irrésistible, fatale. Le film montre l’irruption de cette pulsion sauvage au sein de la société civilisée et policée. Et Mathilde agit et tente, quand Bernard, lui, succombe (le titre signale ce mouvement de lui vers elle).
Truffaut glisse dans son film, au travers de Mme Jouve, porteuse du récit, qui ne veut pas revoir cet ancien amant qui revient, la seule issue possible : ne plus voir l’autre. Or Bernard et Mathilde se revoient et, tour à tour, s’écroulent sous le poids de leur passion ; passion qui, à nouveau, fatalement, emporte tout. Et il n’est rien qui puisse l’apaiser, ni le quotidien, ni le temps, ni la vie de famille, ni les convenances sociales, ni les bonnes résolutions.
Et Truffaut met toute sa vista pour conduire avec une limpidité évidente cette histoire brûlante. Quant à Gérard Depardieu et Fanny Ardant, ils forment un couple exceptionnel, lui faisant bouillir en lui cette passion, elle se consumant.


dimanche 20 juillet 2014

Baisers volés (F. Truffaut, 1968)




Truffaut reprend son personnage fétiche Antoine Doinel (porté par son acteur emblématique) et il lui fait subir une série d’initiations qui le conduiront, finalement, au mariage.
Le film est délicieux, Jean-Pierre Léaud est au summum de son expression détachée et un peu naïve, les seconds rôles sont savoureux (Michael Lonsdale et Delphine Seyrig en particulier).

Antoine Doinel, Antoine Doinel, Antoine Doinel, etc.
Antoine Doinel est chassé de l’armée, il découvre alors la vie (enfin surtout les femmes) au travers de petits boulots qui se succèdent, comme une sorte d’initiation vers l’âge adulte. Il y rencontre un mentor (Monsieur Henry qui, après lui avoir fait une filouterie, l’engage comme détective) et, tout en étant amoureux de Christine, file au bordel et s’éprend de Madame Tabard.  Le film part un peu dans tous les sens : c’est un peu une éducation sentimentale et en même temps presqu'un film à sketchs.
On notera que toutes les expériences que vit Antoine Doinel tournent peu ou prou autour des femmes, depuis l’adjudant qui nous fournit une explication lumineuse sur le déminage (« le déminage, c’est comme les gonzesses. Faut y aller doucement. Une fille vous lui mettez pas directement la main au cul. Non, vous lui tournez autour. Eh bien les mines antichars, c’est pareil. Faut tourner autour ») jusqu’à l’initiation concrète (si l’on peut dire) par Fabienne.

Antoine Doinel, bientôt initié par Fabienne Tabard
Truffaut joue avec le schéma œdipien. Quand Antoine annonce à son patron qu’il a couché avec Fabienne, Monsieur Henry meurt dans une crise cardiaque : successivement Antoine épouse symboliquement sa mère et tue son père. Dans le film cela équivaut à un passage vers l’âge adulte : Antoine a franchi un cap, il peut aller coucher avec des prostituées (pour lui-même et non plus seulement pour les autres), il pourra bientôt se marier.


lundi 15 avril 2013

Tirez sur le pianiste (F. Truffaut, 1960)




Ce second film de François Truffaut est très réussi. Après la chronique douce et géniale des 400 coups, il réalise un film noir qui montre bien la très forte influence du cinéma et du polar noir américains à cette époque en France. Il reprend plusieurs codes du genre, en particulier la difficulté de s’extraire de son passé (le film se construit autour d’un long flash-back) et une certaine fatalité qui s’abat sur le héros. Mais Truffaut, à partir de ce matériau qui aurait pu être pesant, façonne un film avec une patte personnelle très réussie. Le film commence dans l’ambiance des cafés-concerts, autour du jazz et de la nuit, et s’achève dans le blanc des montagnes (annonçant la fin de La Sirène du Mississippi). Truffaut distille une certaine drôlerie – entre les deux hommes de main parfois burlesques et la chanson légendaire de Bobby Lapointe –, choisit des interprètes épatants, avec le jeu teinté de timidité de Charles Aznavour, loin des canons hollywoodiens (Bogart, Mitchum, Lancaster, etc.) et dresse (déjà) de jolis portraits de femmes autour desquelles, finalement, chaque protagoniste tourne.



Ponctué de moments étranges, originaux, expérimentaux ou laconiques, qui donnent au film une humeur singulière, Tirez sur le pianiste est une étonnante fusion entre un univers classique et une narration libre et légère.

samedi 29 décembre 2012

La Nuit américaine (F. Truffaut, 1973)




Film sur le tournage d’un film, La Nuit américaine est avant tout une déclaration d’amour de François Truffaut pour le cinéma. Réaliser un film n’apparaît pas tant comme l’entreprise d’un seul homme, comme on pourrait s’y attendre de la part du grand inspirateur de la politique des auteurs, mais comme un travail d’équipe, organisé, équilibré, avec mille et une personnes qui, toutes, à leur niveau, participent de la création.
La création n’apparaît donc pas comme l’activité d’un démiurge, ou l’idée folle d’un visionnaire (comme a pu l’être Herzog par exemple) mais comme la réalisation, organisée et faite pas à pas, d’un projet.



Et, dans ce projet, tous ont un rôle : des techniciens aux producteurs en passant par les acteurs, les régisseurs ou le réalisateur, concourent. Un film, nous dit Truffaut, c’est un travail d’équipe, qui demande de trouver des équilibres, entre les personnes, entre les  contraintes, entre les situations.
On retrouve alors une idée fondamentale de Duchamp, quand il explique qu’il y a toujours un gap entre l’intention du créateur et l’œuvre finale. Ici le film obtenu résulte d’une quantité de petits arrangements, de compromissions, de choix, de gestion pragmatique. La Nuit américaine nous plonge alors, avec délice et par l’exemple de mille anecdotes, au plus près de cet acte de création.
Il montre aussi, ce faisant, la passion qui anime François Truffaut à réaliser des films.
A voir le film on sent la réalisation davantage comme un artisanat, complexe et brillant, que comme un art. Cet aspect est très surprenant, puisque Truffaut est l’un des premiers instigateurs de la politique des auteurs. Or il se livre ici à une désacralisation puissante : son regard de réalisateur a considérablement évolué depuis quelques années, à l'époque où il n’était que critique et spectateur. Peut-être que son expérience à la réalisation lui montre combien l’écart – l’écart duchampien – entre l’intention et l’œuvre finale est plus grande que ce qu’il pensait.
Il n’en reste pas moins, et le film en est une preuve manifeste, qu’un film peut avoir la patte typique de son auteur, ce qui constitue un second message, moins direct mais tout aussi évident de la part de Truffaut. Sa Nuit américaine est un plaidoyer magnifique et un film réjouissant.