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lundi 11 mars 2019

Le Grand couteau (The Big Knife de R. Aldrich, 1955)





Célèbre film de Robert Aldrich, Le Grand couteau est une charge très féroce contre Hollywood, qui est présenté comme une machine à broyer qui écrase les talents et les modèle à sa botte. Le film est néanmoins décevant puisque, si le sujet du film est passionnant, son traitement manque d’ampleur. Il faut dire que l'action se résume à un quasi huis clos dans le grand salon de la villa de Charles Castle.
Charles Castle, l'acteur coincé par les producteurs, a dû faire le deuil de ses idéaux. Alors, comme une évidence, tout disparaît : il ne reste rien de sa vie.
Le film doit beaucoup à un excellent Jack Palance, qui – dès le générique – montre très bien cet écrasement permanent qu’il subit et qui le fait craquer peu à peu. Sa façon de se tenir et de parler (avec ce phrasé haché et hésitant si particulier), sa manière de s’alcooliser ou de s’affaler sur les canapés, tout montre comment Castle va succomber, saoulé de coups, piégé par la machinerie des studios qui tiennent sa vie, la broient et ne s’en soucient guère.


Ida Lupino, en épouse qui part et revient, est parfaite elle aussi, de même que Rod Steiger, incroyable figure mémorable de producteur-monstre, qui avale et détruit tout sur son passage.


mercredi 8 août 2018

Vera Cruz (R. Aldrich, 1954)





Extraordinaire western, virevoltant et haut en couleur, mais dont la truculence n’empêche pas une humeur amère et sombre : Robert Aldrich parvient à réaliser un film trépidant, empreint d’humour, chatoyant par moments (la séquence dans le palais de l’Empereur), tout en lui donnant une teinte nihiliste terriblement pessimiste.
Aldrich s'appuie sur son duo de stars (Gary Cooper et Burt Lancaster), pour secouer les conventions du western et l’emmener dans des directions inconnues du western classique. Il prend le contre-pied de la solide amitié hawksienne des westerns, le « à la vie à la mort » du western classique qui résiste à toutes les tentations : rien de tout cela ici, si Joe et Ben se sauvent la vie mutuellement, c’est uniquement par intérêt (ils ont besoin l’un de l’autre). Dès lors la nature humaine en prend un coup : il n'y a pas une action qui soit réellement due à un bon sentiment, tout n'est que trahison, fausseté et mensonge, que ce soit entre Ben et Joe, Joe et ses hommes, la comtesse et les deux compères, ou, bien entendu, Maximilien et les Américains. Tout n’est qu’égoïsme, individualisme et ambition.
Vera Cruz est ainsi, dans l'histoire du western, une des premières pierres qui vient dynamiter le genre en rendant floue la ligne de partage du bien et du mal, du héros et du anti-héros. Bien loin des belles ambitions qui motivent les héros du western (le rêve, l’amour, l’amitié), les aventuriers ne vivent que pour l'appât du gain. Si Gary Cooper garde encore l’apparence du cow-boy gentleman, que dire de Burt Lancaster, qui incarne une crapule détestable mais campée de façon incroyablement charismatique (l'acteur s'en donne à cœur joie avec son légendaire sourire) 


Il n’y a qu’à la toute fin qu’un soubresaut de morale vient sauver un peu l’ordre des choses, mais on est bien loin d’un happy-end, et Benjamin Trane s’en va, déçu, amer et sombre.

Le film annonce ainsi le western italien : aussi bien dans les ressorts de son action (une bande de mercenaires courant après de l’or annonce la trame générale du Bon, la brute et le truand), que dans ses personnages. Baignant dans l'amoralité, crasseux et mal rasé, Joe préfigure les crapules que camperont, dans les westerns italiens, une dizaine d’années plus tard, Thomas Milian, Gian Maria Volontè, Eli Wallach ou encore Jason Robards. Et la noirceur du film appelle la décadence morale des westerns italiens : Joe achève le capitaine d’origine allemande en lui enfonçant sa lance avec un rictus de contentement semblable aux actes des pires salauds. L'or vaut plus que tout et il justifie toutes les trahisons.
Et l’impact de Vera Cruz est aussi manifeste sur le plan du style : avec ses angles de vue étonnants ou sa profondeur de champ génialement employée, on voit ici une préfiguration du style exubérant si typique de Sergio Leone.


mardi 14 mars 2017

Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (Whatever Happened to Baby Jane? de R. Aldrich, 1962)




Excellent film de Robert Aldrich qui emmène sa situation initiale très loin, provoquant une outrance malsaine dont on ignore jusqu’où elle ira.
Préfigurant les films de séquestration, l’emprise sans cesse plus abominable de Jane sur Blanche va crescendo et, en fait, ne cessera jamais. On reconnaît là Aldrich, qui a le nez creux de réunir les deux stars qui n’ont plus la côte et qui se détestent, mais Aldrich tient son monde et parvient à rénover le genre du thriller horrifique en imposant un huis-clos névrotique, qui va jusqu’à la folie.


Le numéro d’actrice est fabuleux, avec Bette Davis qui trouve une seconde vie d’actrice en vieille acariâtre épouvantable (on la retrouvera, aussi épouvantable mais moins violente, dans L’Argent de la vieille). Le génie d’Aldrich explose dans la séquence finale.


samedi 24 mai 2014

En quatrième vitesse (Kiss me deadly de R. Aldrich, 1955)




Kiss me deadly (1) est un film éblouissant, un des plus grands joyaux du film noir qui illustre remarquablement le mot de Goethe quand il dit que « tout ce qui est parfait dans son genre transcende ce genre pour devenir quelque chose d'autre, d'incomparable »Si Robert Aldrich a plusieurs excellents films à son actif, il tient là son chef-d’œuvre.
Tout n’est que surprise, brio, énergie, noirceur, décalage. Le film propose un mélange incroyable de paranoïa, d’enquête, d’impasses, de personnages secondaires hauts en couleur, autour d’une violence parfois extrême (une torture à mort notamment), mais avec beaucoup d’intelligence (les multiples références au poème par exemple) et une bande originale surprenante et déroutante. Mike Hammer, le héros des romans de M. Spillane, devient un parfait anti-héros, imbu, indifférent, immoral. Il se confond parfaitement avec ceux qu’il poursuit.


L’ouverture éblouissante est à juste titre très célèbre : une femme en robe de chambre, pieds nus, court sur la route, à perdre haleine, en plein nuit. Et, après sa rencontre avec Mike Hammer, le générique défile à l'envers.


Et le final est époustouflant, il dépasse les dénouements habituels du genre (point de microfilms ici, point de liasses de billets, point de bijoux) puisque, le film s’étant attaché à recréer une boîte de Pandore, il ne reste plus qu’à l’ouvrir…





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(1) : On s'interroge : pourquoi un tel titre français ? La traduction naturelle en « Baiser mortel » eût été parfaite.