mercredi 29 juillet 2020

The Irishman (M. Scorsese, 2019)



Immédiatement, on comprend que The Irishman vient clore une série de films, venant à la suite des Affranchis et de Casino, et mettre un troisième volet à une  trilogie magistrale et essentielle dans l’œuvre de Scorsese. Après la jeunesse folle (Les Affranchis), la maturité (Casino) – à chaque fois construit autour d’une trajectoire de grandeur puis de décadence – arrive la vieillesse. Les Wiseguys ont bien vieilli, ils sont assagis. Et, plutôt que de finir comme des ploucs (selon le mot final des Affranchis), ce sont des vieillards en chaise roulante que nous montre Scorsese.
Pour le reste les grands principes restent les mêmes : on retrouve ce monde de mafieux où un claquement de doigt suffit à faire incendier un restaurant ou abattre un homme et où l’on descend sans sourciller, parce qu’ainsi sont les ordres, celui avec qui l’on trinquait hier.
Et l’on voit, assit calmement dans un restaurant, Joe Pesci, le légendaire fou bouillonnant à la voix aussi coupante que ses couteaux, assagi et lent ; Al Pacino aboie mais ne mort pas ; De Niro, lent et bedonnant, boitille et trébuche. Le monde est le même mais le temps a passé. Vient alors le moment tant redouté de l’introspection et du regard sur la vie passé. L’ouverture et la fermeture du film sur le couloir de la maison de retraite, sont, à ce titre, lapidaires.


On regrette un numérique trop voyant, autour du visage d’Al Pacino, et, surtout, avec les yeux beaucoup trop bleus de l’ami De Niro. Il y a là un aspect artificiel gênant pour qui est habitué à l’acteur.
Mais on est aussi heureux de retrouver De Niro dans un grand rôle (depuis Heat en 1995, il n’avait pas fait grand-chose) : il a fallu pour cela qu’il se retrouve face à la caméra de son vieux complice Scorsese. L’un et l’autre, décidément, se seront beaucoup apporté.

Il faut aussi regretter que le film ne soit pas sorti sur les écrans des salles de cinéma : Martin Scorsese, ne parvenant pas à se faire produire par les majors (ce qui est tout à fait sidérant), s'est alors tourné vers Netflix, trop heureux d'accrocher le prestigieux réalisateur à son tableau de chasse. Hollywood, en refusant de produire puis de distribuer de tels réalisateurs, se tire une balle dans la pied et sera bien mal placé pour se plaindre quand Netflix et consorts auront pris des parts de marché et donné de nouvelles habitudes aux spectateurs qu'il sera bien difficile de faire revenir dans les salles de cinéma.


lundi 27 juillet 2020

Le Temps du massacre (Tempo di massacro de L. Fulci, 1966)



Western italien très conventionnel, sans grande inventivité et qui vient se perdre dans la masse de ces westerns réalisés dans la foulée de l’énorme succès de Sergio Leone avec sa Poignée de dollars. On voit que, de façon très mécanique, les ressorts scénaristiques et stylistiques de Leone sont repris tels que.
S’appuyant sur la star Franco Nero, Lucio Fulci ne propose pas grand-chose, les personnages restant insipides et les situations courues d’avance. On n’a même pas droit à la touche fulcienne – sanguinolente et même volontiers gore – qui, de L'Enfer des zombies à La Guerre des gangs, envahira plus tard les films du réalisateur.


vendredi 24 juillet 2020

La Main du diable (M. Tourneur, 1943)




Ce film fantastique original et intelligent bénéficie d’une belle idée scénaristique et d’une histoire en flash-back bien menée. Si l’on comprend assez vite le piège tendu, on suit avec délice la descente aux enfers (ou plutôt les rencontres de plus en plus compromettantes avec le Diable) de Roland Brissot (impeccable Pierre Fresnay, comme toujours).
Le film propose ainsi une variation originale du mythe de Faust, distillant une peur croissante chez Brissot et, par là-même, chez le spectateur. Des scènes de comédie (à l’auberge notamment) se mêlent pourtant à cette peur grandissante et créent une étonnante dissonance. De la même façon, d’autres scènes surprennent par leur accent expressionniste violent (lorsque Brissot rencontre les malheureux qui ont, comme lui, signé un pacte diabolique).
Mais Maurice Tourneur construit son film avec sobriété, en particulier dans la représentation de l’effroi, évitant le plus souvent de montrer directement cette main effrayante (1). Un parti-pris de mise en scène qui, on le sait, sera magnifié par son fils
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(1) : L’étrange plan de coupe où l’on voit directement le contenu du fameux coffret avec la main qui bouge n’est pas de Tourneur mais de Jean Devaivre, son assistant, qui prendra le relais quand les circonstances difficiles de la réalisation l’exigeront (le film est tourné pendant la guerre dans les studios Continental-Films aux mains des Allemands).


mercredi 22 juillet 2020

Blonde Crazy (R. Del Ruth, 1931)




James Cagney, avant de devenir la super star des films de gangsters, construisant, film après film, un personnage qui traversera les décennies, personnage excessif, explosif, voire complètement ingérable (dans L’Enfer est à lui, summum de ces rôles de gangster durs à cuire), a aussi su laisser de côté ce personnage en allant du côté des comédies, dans lesquelles il a parfois su se couler avec délice (on pense à The Strawberry Blonde de Walsh). Mais, ici, dans cette histoire de duo d’escrocs à leur tour escroqués, il est assez peu inspiré. Lui qui sortait juste de L’Ennemi public – premier rôle qui aura une grande résonnance – il cabotine beaucoup et toute la mécanique un peu artificielle du film s’en ressent. Blonde Crazy eut pourtant beaucoup de succès et lança définitivement l’ami Cagney en premier rôle.

S’il est néanmoins plaisant, on retiendra surtout le caractère par moment volontiers provocateur et immoral du film, assez typique du Pré-Code, quand Hollywood n’était pas encore bridé par le code Hays.


lundi 20 juillet 2020

Malcolm X (S. Lee, 1992)





Spike Lee continue son tour d’horizon de la cause noire aux USA et il se fixe ici sur un des leaders, par ailleurs contesté, des années 70. L’ensemble est très bien filmé, avec une dimension religieuse frappante, notamment lors de la conversion de Malcolm X en prison (avec le jeu des trappes de lumière dans le cachot ou lors de sa première prière) ou au moment de son assassinat (où Malcolm X est filmé comme s’il savait ce qui allait se passer et, sage et apaisé, acceptait sa mort). Et Spike Lee, à côté des passages obligés de sa biographie, s’autorise des entorses dont on sent qu’elles sont l’occasion pour lui de digressions et de prise de recul, jouant même avec de fausses images d’archives, et où il prend un plaisir de réalisateur à faire durer une séquence (par exemple lors du bal).
Les polémiques qui entourent le personnage sont mises de côté : ce sont surtout les dissensions au sein des mouvements musulmans qui sont montrés.
Denzel Washington, qui, après Cry Freedom, interprète à nouveau une figure du combat des Noirs opprimés, est remarquable.



samedi 18 juillet 2020

Armageddon (M. Bay, 1998)




À force de dire sans cesse que les héros hollywoodiens en font des tonnes et sauvent le monde, Bruce Willis relève le gant et, avec sa fine équipe de bras cassés, sauve, effectivement, le monde.
On laissera de côté, bien entendu, tout ce qui peut avoir trait à une quelconque plausibilité, un quelconque réalisme, un quelconque quoi que ce soit, d’ailleurs, tant le film sombre peu à peu dans un n’importe quoi ridicule mais que l’élan du film porte, comme s’il n’avait pas conscience de son extravagance. Mais il faut reconnaître que assumer son jusqu’au-boutisme et sa surenchère sans limite est une qualité de cet Hollywood bulldozérien.



jeudi 16 juillet 2020

Conan (Conan the Barbarian de M. Nispel, 2011)




Cette resucée du fameux film de John Milius oublie les particularités de l’original qui était certes kitsch mais qui construisait un univers étonnant. Il démarre comme Le Seigneur des anneaux et déroule ensuite une soupe banale et sans saveur, commune à toute l’héroic-fantasy actuelle.
Le personnage de Conan, qui renvoie inévitablement à Schwarzenegger, se veut plus moderne (c’est-à-dire plus conforme aux héros du genre qui peuplent le cinéma depuis quelques années) et il est aussi beaucoup plus arrogant. Il n’a plus ce côté massif, taiseux et sombre de l’original.
Le film est un gros échec commercial, ce qui, finalement, rassure, mais surprend également : il y a tant de films tout aussi nuls qui sont des succès que l’on a du mal à comprendre pourquoi celui-ci, plutôt qu’un autre, est sanctionné par le public.


lundi 13 juillet 2020

Les Valseuses (B. Blier, 1974)




Ce fameux film de Bertrand Blier est un grand coup de pied lancé contre la France giscardienne. Les deux compères Depardieu et Dewaere, trublions lâchés devant la caméra, franchissent sans cesse toutes les lignes jaunes que la société, dans ses normes tranquilles et bourgeoises, tend sous leur nez. Et l’on s’amuse de cette façon qu’a le film de toujours provoquer et de faire sans cesse des pieds de nez, rebondissant d’un fait d’arme à un autre, de petit délit en petit délit, d’une rencontre à l’autre, d’un vol de voiture à une course-poursuite ou à une tirade le nez au vent, déroulant un road-movie improbable et d’humeur joyeuse. Le rapport aux femmes est bien sûr au cœur des rencontres de Jean-Claude et Pierrot qui, non contents de s’accaparer Miou-Miou comme compagne de route, croise une adolescente (Isabelle Hupert), une femme allaitant son bébé (Brigitte Fossey) ou encore une femme mûre (Jeanne Moreau), au milieu de claques sur les fesses et autres facéties du même acabit.
Le film révèle évidemment le duo Depardieu – Dewaere (et il faut d’ailleurs tout le talent de Dewaere pour équilibrer la puissance de Depardieu) dont les facéties secouent constamment la torpeur de la France bien comme il faut.


Ce film représente parfaitement le ton acide et volontiers provocateur de Blier – et c’est là qu’est le meilleur de Blier –, dont la puissance corrosive s’émoussera rapidement (dès les années 80), en réalisant des films plus consensuels et qui n’ont plus la même légèreté insouciante.


samedi 11 juillet 2020

Breakdown (J. Mostow, 1997)

 
 



Thriller banal, médiocre et immédiatement oublié, ce Breakdown de Jonathan Mostow joue uniquement de la popularité de Kurt Russell.
Si celui-ci, via John Carpenter, a pu obtenir de bons rôles dans des films marquants dans les années 80 (The Thing, New York 1997), il n’est ensuite qu’un des nombreux acteurs d’action testostéroné des années 90. Mais cela suffit pour en faire un acteur passé peu à peu de star à star oubliée, puis transformée, par le jeu savant de la mémoire des années passées, en acteur culte, ce qui conduira Tarantino – qui n’aime rien tant que les acteurs cultes oubliés – à le remettre sur le devant de la scène.





vendredi 10 juillet 2020

Le Diable probablement (R. Bresson, 1977)




Le Diable probablement s’ouvre par un flash-forward (ou, si l’on préfère, l’essentiel du film n’est qu’un grand flash-back), mais, passée cette originalité dans sa construction, la conduite du film et sa mise en scène conservent le style austère et sobre si typique de Bresson.
Le jeu d’acteur, d’ailleurs, qui se veut justement dénué d'un « jeu » particulier, restant neutre et sans particularité, en devient immédiatement reconnaissable (ce qui est bien un paradoxe). La façon de parler monocorde et détachée, la manière de marcher les bras ballants sont tout à fait typiques. Cette façon de parler ou de marcher se retrouve d’ailleurs chez des réalisateurs qui font souvent appel à des comédiens non professionnels (on pense par exemple à Emmanuel Schotté dans L’humanité de Bruno Dumont) et qui, du coup, évoquent Bresson.

Pour le reste le film est sombre et trace le chemin vers la mort de Charles, une mort choisie, pour ne pas avoir à faire face au monde et un chemin que Bresson scrute, comme à son habitude, en se focalisant sur les détails, les moments clefs intimes, les petits basculements,
Bresson y joue aussi de signes et d’une ironie noire : finalement c’est chez le psychanalyste que Charles, venu le consulter, trouve la clef de son destin : il s'agira de se faire assister pour se suicider, comme dans la Rome antique où les esclaves aidaient leurs maîtres à se suicider.


mardi 7 juillet 2020

Alice et le Maire (N. Parisier, 2019)




Alice et le Maire appartient à ce vaste ensemble des films français contemporains, qui se veulent propres sur eux, s’appuyant sur un scénario pépère, sur quelques acteurs (ici le solide Luchini et la pimpante Anaïs Demoustier) et qui, sans se donner l’air d’y toucher, ambitionnent un regard un peu critique sur le monde. Le tout saupoudré d’une humeur de comédie au travers de quelques personnages ou de quelques bons mots.
Sans être bien sûr aussi rentre-dedans que Costa-Gavras, Lioret ou Brizé, Nicolas Parisier distille bien sûr son petit message politique, avec un faux détachement : il ne parle pas de politique (puisque ni Alice ni le maire, finalement, ne parlent jamais réellement politique hormis à un moment précis, celui du discours), mais en fait la petite bien-pensance se fraie son chemin bien comme il faut, ici au travers du discours soigneusement préparé et que ne prononcera pas le maire.
Le film évoque à la fois Nelly et Monsieur Arnaud de Sautet, par l’amitié (et uniquement l’amitié) qui se noue entre Alice et le maire et aussi, dans une moindre mesure, L’Arbre, le Maire et la Médiathèque de Rohmer. C’est à la fois Luchini qui fait se rejoindre les deux films, mais aussi Alice, qui est un personnage assez rohmérien.
Alors on passe plutôt un bon moment mais il y a bien peu d’émotion, bien peu d’éléments sortent de l’écran pour venir cogner un peu le crâne du spectateur, qui comprend rapidement qu’il est assuré de ne jamais sortir de sa zone de confort et de n’être pas touché, brusqué, surpris, interloqué. On passe un bon moment et puis tout se passe comme prévu : au fil du temps le souvenir s’estompe, le film devient de plus en plus lisse, la mémoire glisse progressivement dessus et puis, peu à peu, on l’oublie tout à fait…


jeudi 2 juillet 2020

Bonjour sourire (C. Sautet, 1956)



Premier film très faiblard de Claude Sautet qui s’égare complètement dans cette comédie sans intérêt dont l’intrigue elle-même (faire sourire une princesse dépressive) est particulièrement naïf. Les acteurs cabotinent péniblement, avec même Louis De Funès – encore méconnu – qui répète ses grimaces à l’envi, mais tout cela ne mène à rien. On n’est pas surpris, en fin de film, que tout se termine par une course-poursuite en accéléré : il fallait en finir vite, au bout d’un moment ça n’est plus supportable.
Heureusement, après ce premier essai, voilà Claude Sautet vacciné : il délaissera la comédie. Il s’essaiera au polar (avec plus de bonheur, tout de même, que la comédie) avant de trouver sa voie dans l’étude de mœurs. Mais, tout de même, on reste surpris que Sautet, qui a réalisé des films si riches et si fouillé, soit parti d’aussi bas.