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vendredi 2 décembre 2022

Tire-au-flanc (J. Renoir, 1928)





Dans ce film muet, Jean Renoir exprime plus qu’il ne le fera jamais son goût pour la comédie. Ici il tombe volontiers, par séquences, dans le burlesque.

Le film est très improvisé, avec des mouvements de caméra étonnants te improbables. L’on sent combien Renoir est à l’aise, malgré un petit budget, dans cet univers d’improvisation un peu folle où les séquences sont collées les unes aux autres, sans autre soucis que de faire vivre chaque séquence en elle-même, la remplissant de vie.

On trouve aussi des motifs qui inspireront rien moins que La Grande illusion, La Règle du jeu ou encore Le Caporal épinglé. Il faut dire que la vie de caserne a des passages obligés (les relations entre soldats, le théâtre, les rapports entre simples soldats et gradés, etc.) que Renoir peint volontiers. Et il joue aussi déjà, et avec beaucoup de facilités, de ce mélange entre riches et pauvres, entre officiers et soldats de seconde classe, entre aristocrates et gens du peuple.




samedi 3 août 2019

Le Déjeuner sur l'herbe (J. Renoir, 1959)




Avec cette comédie légère et aux personnages inintéressants (tous caricaturaux, monolithiques, certains tout à fait bébêtes), Jean Renoir semble bien loin de ses films d'avant-guerre. Non pas tant par le ton du film – puisqu'il y a souvent eu de la comédie chez Renoir, même dans ses drames les plus sombres – mais par cet aspect outrancier qui réduit considérablement l'épaisseur du film.
Paul Meurisse, par exemple, par ailleurs si grand acteur, parvient à grand peine à faire tenir debout son personnage, sans cesse excessif et fatigant, aussi bien dans ses pensées que dans ses manières, et qui va évoluer (si l'on veut) de façon attendue et sans grande finesse. Et assumer l'excès d'un personnage ne le rend pas plus léger pour autant.
La comédie file alors rapidement vers la farce, mais on sent combien les choses sont laborieuses et l'on n'est guère passionné par les aventures de ce professeur engoncé dans ses principes, qui s'éprend d'une petite paysanne fraîche et vive.
Renoir reste donc ici dans la veine comique  celle d'Eléna et les hommes, son film précédent   et qui, quand elle est assumée pleinement au lieu d'être mêlée à d'autres tons et à d'autres propos, ne lui réussit guère.

vendredi 13 juillet 2018

Le Caporal épinglé (J. Renoir, 1962)




Pour ce qui sera son dernier film, Jean Renoir revient sur le film de guerre. Mais si Le Caporal épinglé reprend des questionnements de La Grande illusion, le regard de Renoir y est très différent.
Pour son dernier film, Renoir ne fait plus appel à des acteurs stars ou immensément reconnus (La Grande illusion consacrait Gabin, Fresnay, Stroheim, Carette, Dalio, etc.) mais à des petits nouveaux (Jean-Pierre Cassel, Claude Brasseur, Claude Rich, Jean Carmet) qui sont tous parfaits (on regrette malgré tout le personnage de benêt bègue surjoué par Guy Bedos).
En déplaçant l’intrigue de la première à la seconde guerre mondiale, c’est une autre perception de son pays que filme Renoir. En effet il n’y a plus, ici, la moindre trace de patriotisme : la France a disparu des radars, seuls restent des individus qui se débattent comme ils peuvent, mais jamais pour leur pays ou pour sauver ce qui peut l’être. Caporal le dit bien (« c’est à nous de nous démerder tout seul ») et Ballochet fait ses petits arrangements sans autre préoccupation que son petit confort. Il y a bien quelques petites magouilles entre soldats, mais il n’y a nulle idée de collectif dans ces camps de prisonniers : la France est battue, les soldats sont perdus. En filmant cet élan national brisé, Renoir marque l’écart avec la situation des prisonniers de La Grande illusion qui, par exemple, apprenant la reprise de Douaumont, interrompent leur petit théâtre pour chanter la Marseillaise. De même, l’inutilité de la mort de Ballochet (qui se jette dans une évasion suicide sans illusion) contraste avec le célèbre sacrifice du capitaine de Boëldieu.

Le film suit alors les tentatives répétées et incessantes du Caporal pour s’évader (mais, s’il veut s’évader ce n’est pas pour reprendre le combat ou rejoindre la résistance, simplement il n’en peut plus d’être enfermé).
Renoir construit son film autour du même axe que La Grande illusion, à savoir le jeu entre les classes sociales qui se mélangent parmi les prisonniers et entre prisonniers et gardiens. Mais les choses changent : ce ne sont plus les aristocrates qui se retrouvent (de Boëldieu et von Rauffenstein qui fraternisent) mais le petit peuple (les deux adjudants qui se plaignent des tire-au-flanc). Et, on l’a dit, ce n’est plus de Boëldieu qui se sacrifie pour permettre à ses compagnons de s’évader mais l’intellectuel Ballochet qui se lance en solitaire dans une évasion-suicide. Et les classes sociales se mélangent davantage : Caporal et Papa, l’un bourgeois et l’autre homme du peuple, ne se quittent pas et s’enfuient ensemble. L'amitié de Papa qui reste collé aux basques de Caporal (« Ma terre à moi c’est là où est mon copain ») contraste avec la distance qui restera toujours entre Maréchal, l’homme du peuple, et de Boëldieu, l’aristocrate.
Le film marque une dernière fois la disparition de toute idée de patriotisme lorsque Caporal et Papa, qui parviennent jusqu’à la frontière, croisent la route de ce Français installé à deux pas de la France mais qui n’aspire pas à y rentrer : il se sent chez lui ici, au lieu d’être exploité sur les terres des autres en France. Là aussi le film creuse l’écart avec La Grande illusion, dans lequel Maréchal quittait Elsa pour rentrer au pays.
En plus de quelques jeux cinématographiques qui émaillent le film (par exemple le montage alterné entre le défilé allemand et le déplacement des prisonniers français), le coup de patte de Renoir transparaît dans le traitement chaleureux de ces hommes et dans cette multiplicité de petits portraits et de petites situations et cette amitié qui est toujours merveilleusement filmée.


Et, en revenant une dernière fois sur l’amitié qui traverse les classes sociales (avec Caporal qui promet à Papa, alors qu’ils viennent de rentrer à Paris, qu’ils vont se revoir très vite, à la grande surprise de Papa), Renoir choisit une fin résolument optimiste.


samedi 17 février 2018

Le Crime de Monsieur Lange (J. Renoir, 1935)




Grand film de Jean Renoir qui vaut d'abord pour sa maîtrise et sa virtuosité. Sur le fond le film est un peu manichéen (avec un patron odieux et des ouvriers gentils) et, même, le meurtre final est justifié. Mais, sur la forme, il est exceptionnel.
Renoir centre ses protagonistes sur une petite cour où chacun se côtoie et où le drame se noue. Fait remarquable, il fait effectivement construire un décor rassemblé autour d’une cour centrale (pavée de façon concentrique) et ce décor incite à une grande profondeur de champ, des travellings, des panoramiques et, de façon générale, à des plans assez longs plutôt qu’à des plans courts et un montage serré. C’est ainsi que Renoir joue avec sa caméra et expérimente mille plans-séquences et autres mouvements. Il multiplie les panoramiques incités par la disposition naturellement centrale de la cour.
A l’image de la virtuosité de Renoir, la fameuse séquence du crime s’impose : jouant avec son décor et plutôt que d’imposer un montage (même s'il y a un raccord sur Lange lorsqu'il arrive dans la cour, on aurait aisément pu avoir droit à un champ/contre-champ traditionnel), Renoir réalise un panoramique exceptionnel de 360°. Ce mouvement magistral a parfaitement été décrit par André Bazin : lorsque Lange tue Batala la caméra tourne sur elle-même dans une composition magique. Elle suit Batala, le perd, puis le retrouve à nouveau lorsqu’il se fait tuer. Bazin nous gratifie d’un fameux plan au sol de la séquence :



Plus qu’un exercice de virtuosité, ce panoramique exceptionnel est la concrétisation des tensions circulaires qui se nouent autour de la cour, et achève les nombreux mouvements qui ont traversé, en tous sens, cet immeuble et cette cour.






lundi 22 janvier 2018

Madame Bovary (J. Renoir, 1933)




Film mineur de Jean Renoir, où l’on retrouve assez peu son génie : il n’y a là ni chatoiement de l’image (comme dans Partie de campagne), ni personnages intensément fouillés (comme dans La Bête humaine), ni dissection fine des rapports humains (comme dans La Règle du jeu). Il reste une critique sociale, celle de Flaubert, mais qui est un peu biaisée : on a cette impression que Emma Bovary est victime de la société et de son égoïsme. Or Emma est d’abord victime de ses propres illusions.

Si Pierre Renoir campe parfaitement Charles Bovary, Valentine Tessier est une Emma que l’on oublie bien vite. Elle a été imposée par la production et, au-delà de son jeu moyen, elle est bien âgée pour le rôle. L’interprétation, de même que la mise en scène, construisent une certaine théâtralité qui semble bien empruntée et corsetée.




vendredi 6 mai 2016

Partie de campagne (J. Renoir, 1936)



Extraordinaire film de J. Renoir, qui distille dans cette adaptation de Maupassant tout son génie.
Sans chercher à réaliser une adaptation littéraire de la nouvelle de Maupassant, Renoir retrouve son esprit : la fraîcheur poétique et pleine de vie, la nature omniprésente qui est comme un cocon qui enveloppe et recueille les sentiments des personnages. La rivière, les herbes, le chant des oiseaux, la fameuse séquence de la balançoire : plus que dans tout autre film peut-être, chaque image est incroyablement  vivante. Le génie de Renoir est là : tout vibre, tout ondule, tout est animé. Avec cette intimité de l'homme et de la nature, Renoir marche dans les traces de son père et, dans de nombreux plans, on retrouve un tableau d'Auguste Renoir (depuis la balançoire jusqu'aux yoles, en passant par le bord de l'eau, etc.).



Le film est prétendument inachevé : il est en fait une quintessence de l’art de Renoir. Les scènes manquantes (la vie à Paris de la famille Dufour) sont superflues et l’ellipse finale ne gêne en rien. Renoir, comme il se doit, tape sur le mode de vie bourgeois (ridiculisant les parents Dufour et le futur gendre) et fait une ode à la pétillance du moment.


La séquence de la balançoire, où Rodolphe et Henry devisent sur les jupons d’Henriette pendant qu’elle se balance est merveilleuse, et la séquence où Henry et Henriette s’allongent dans l’herbe et s’embrassent, sous le chant incitatif du rossignol est éblouissante. On y trouve le gros plan qui, pour Renoir, est la substantifique moelle du cinéma, en ce qu’il crée un lien intime entre le personnage et le spectateur. Ce très gros plan sur les yeux embués d’Henriette est exceptionnel. En un instant la grâce et l'émotion affluent.


lundi 7 mars 2016

La Chienne (J. Renoir, 1931)



La Chienne Affiche du film

Premier film parlant de Renoir. Son génie diffuse au travers du film, par séquences, par exemple lors de l'assassinat de Lulu. La caméra se fait alors éblouissante pour nouer le drame.
Michel Simon est incroyable, en particulier dans les moments où, petit employé médiocre mais amoureux, il doit encaisser les moqueries de Lulu ou la suffisance de Dédé. Il montre ainsi un pan de l'éventail de son jeu, ici la sobriété et le ton dramatique, alors qu'il peut jouer, tout à l'opposé, le cabotinage comique (dans Boudu par exemple), mais avec toutes les nuances possibles selon les rôles.

La fin du film, étonnamment, annonce d'ailleurs directement Boudu sauvé des eaux.

Michel Simon La Chienne

lundi 20 avril 2015

La Règle du jeu (J. Renoir, 1939)



La Règle du jeu Jean Renoir Affich ePoster

C’est un film étourdissant, devant lequel – pour qui sait voir – on reste à la fois stupéfait et estomaqué. Aussi bien dans le déroulement du drame, que devant le délire fabuleux et inépuisable de toute la longue séquence dans le château, avec les intrigues des maîtres et des valets qui se croisent et se superposent, avec la mise en abîme du cinéma, avec la dissection aiguë de la société, et, bien sûr, la frénésie folle qui émane du film.
On sait que le film est passé par mille maux avant et après sa réalisation, depuis le choix des acteurs jusqu’aux coupures de post-production. On sait aussi combien il fut rejeté avant d’être réhabilité et devenir un film mythique. Sa facture est éblouissante, son propos dur et très dense.
Les personnages en sont maintenant légendaires, les acteurs collant à leur rôle. Renoir lui-même – qui avait conscience de ses limites en tant qu’acteur – joue un Octave à la fois drôle et pathétique qui parvient à lier entre eux les différents niveaux du drame : il est l'ami de Madame, tout en courtisant avec légèreté Lisette.
Une histoire d’amour – un amour sincère et tragique – traverse le film. Elle permet à Renoir de déambuler dans une société légère, décadente, tout en perte de repères. Cette décadence est l’expression pour Renoir des désastres à venir – désastres qu’il pressentait.

Renoir s’inspire des Caprices de Marianne, et, comme Musset, oriente sa comédie vers le drame. Renoir choisit donc un ton de comédie pour décrire la décadence qui conduit à la tragédie : l’assemblage des deux tons est au cœur de son idée.
Mais on n’a pas ici l’idée d’un film parfait, loin s’en faut. C’est plus une truculence incroyable que le déroulement exceptionnel d’une histoire. Quand on pense à un film parfait on pense à certains films de Hitchcock ou de Mizoguchi ou encore, en France, au Jour se lève de Carné. Mais Renoir a ce génie, cette folie créatrice merveilleuse.
C’est un film que l’on peut revoir infiniment. Claude Chabrol explique l'avoir vu une centaine de fois et François Truffaut disait à son propos qu’on pourrait le voir tous les jours, pour voir s’il s'y passait les mêmes choses.


La Règle du jeu Jean Renoir

dimanche 16 février 2014

La Grande illusion (J. Renoir, 1937)




Très grand film de Renoir, La Grande illusion éblouit par l’émotion qui se dégage autour d’un propos de plus en plus dramatique et fascine par sa construction qui propose, au fur et à mesure du film, de resserrer sans cesse davantage l’intrigue, avec de moins en moins de personnages, jusqu’à deux petites silhouettes perdues dans la neige.



Comme à son habitude, Renoir construit un film esthétique, d’une maîtrise totale, qu’il s’agisse de mouvements de caméra complexes et profonds pour peindre des mouvements avec de nombreux personnages, ou dans les moments intimes de la dernière partie.
L’interprétation est exceptionnelle (Renoir est entouré d’acteurs fabuleux) et les personnages sont devenus légendaires, depuis Rauffenstein jusqu’à Maréchal en passant par de Boëldieu.

L’histoire passionnante est d’abord un récit de guerre (mais sans combat : ce sont les personnages et ce qu’ils représentent qui intéressent Renoir) avec l’épisode dans le camp de prisonniers où Maréchal et ses compagnons tentent de s’enfuir. Renoir peint avec sa virtuosité, sa verve et sa truculence habituelles la vie dans le camp, émaillée de rires ou de moments sombres, de moments insolites et d’autres graves.



Puis l’intrigue se resserre et gagne en dramaturgie dans la forteresse allemande. Renoir insiste alors sur une solidarité de classe, qui transcende les nationalités (même en temps de guerre) : de Boëldieu est plus proche de Rauffenstein, le commandant ennemi, que de Maréchal, son officier en second. Mais cette solidarité est elle-même dépassée par la dignité, le sens du devoir : de Boëldieu se sacrifie sans coup férir pour ses hommes et Rauffenstein accomplit lui aussi son devoir.
Dans la troisième partie, consécutive à l’évasion, il ne reste que Maréchal et Rosenthal, le juif, qui seront recueillis par la jeune Allemande. Le ton dramatique est relevé par l’idylle naissante entre Maréchal et Elsa.



Renoir, comme souvent, a un raisonnement de classes et il part d’une vision humaniste construite en idéalisant chaque personnage dans une vision un peu rousseauiste, les faisant correspondre à un type (l’aristocrate, le prolétaire, le juif, etc.), mais sans que les traits ne paraissent trop forcés, et chacun, à sa façon traverse la guerre avec sa dignité, sa fierté, son humanité. La guerre est d’ailleurs présentée comme le moment où les classes sont rassemblées et mélangées (avec cette réflexion clef : « chacun mourrait de sa maladie de classe s’il n’y avait la guerre pour réunir tous les microbes »). Le Mal semble étranger à cette guerre, comme si elle se faisait malgré les hommes. Le film suggère que la classe aristocratique (Rauffenstein et de Boëldieu), lorsqu’elle aura disparu (et on la voit mourante), il ne restera personne pour faire la guerre. Et pourtant, si Renoir pense qu’une solidarité supranationale peut engendrer la paix ou l’harmonie (la complicité des officiers autant que la relation entre le prolétaire Maréchal et Elsa le montrent), il ne se fait pas d’illusion (le titre recouvrant ainsi le film d’une clairvoyance fondamentale) : le pacifisme universel qui se dégage du film est teinté d’une amertume lucide.

vendredi 29 novembre 2013

La Bête humaine (J. Renoir, 1938)




Magnifique adaptation de Zola, très sombre et pessimiste. Ce n’est pas le Renoir poétique, chatoyant et vivant qui agit ici (comme dans Partie de campagne), mais c’est le Renoir au regard social noir et acéré, qui lui fait disséquer l’âme des hommes et, surtout, explorer les rapports humains, dans tout ce qu’ils peuvent avoir de bas et de tragique.
Renoir filme passionnément la locomotive galopant sur les rails – la séquence d’ouverture est extraordinaire – et fixe son regard sur Lantier, le damné, coincé dans son dilemme et abîmé par sa folie héréditaire. Lantier, emporté par sa machine, semble foncer à pleine vapeur vers la tragédie de son destin.



Gabin est immense, avec cette rage contenue et qui explose par instants fugaces mais tragiques. Et, dans son sillage, toute la distribution fait vivre cette galerie de personnages, certains sombres, d’autres désespérés, d’autres encore goguenards.


lundi 6 mai 2013

Les Bas-fonds (J. Renoir, 1936)




Jean Renoir transpose dans le Paris des années 30 une pièce de Gorki et en fait un manifeste largement influencé par le Front populaire. Renoir adapte Gorki et met partout sa vision cinématographique : il en ressort une œuvre hybride, à mi-chemin entre la pièce russe et des thèmes alors chers au réalisateur : un regard naturaliste sur la vie sordide de la cave de l’usurier, une opposition de classes – quand bien même le baron est désargenté –, un meurtre final justifié (comme dans Le Crime de Monsieur Lange).
Par petites touches, comme il le fait si bien, avec une inventivité de caméra permanente, en insérant des respirations pour sortir de la cave sordide où l’action se déroule (la séquence au bord du canal), Renoir compose un film qui ne vieillit pas, qui garde son charme avec cette image qui vibre et s’anime sous nos yeux.


Et il s’appuie parfaitement sur Jouvet et Gabin (il s’agit de l’unique affiche partagée par les deux acteurs) qui sont parfaits, bien que dans des registres complètement différents (cette différence de jeux éclate à l’écran).

samedi 26 janvier 2013

Toni (J. Renoir, 1935)




Très important film de Renoir, qui aura une importance capitale dans le cinéma européen, Toni marque une rupture chez Renoir et annonce de grands chefs-d’œuvre à venir. Renoir filme en Provence, sur les terres de Pagnol (Pagnol qui finance le film, propose son équipe technique et même des acteurs).
Si la trame est simple (Toni, fraîchement débarqué d’Italie, se lie avec sa logeuse mais en aime une autre), Renoir filme l’impasse dans laquelle sont enfermés les personnages avec une tension et une rugosité qui semblent liées à l’univers social, lui-même contraint par la nature qui les environne. C’est ainsi que les accents, le vent dans les herbes, les moments de vie, les paysages prennent une dimension particulière.



Et si le film n’a pas le chatoiement de Partie de campagne, ce n’est pas tant que l’histoire s’y prête moins (elle est ici bien plus sordide) que parce que l’humeur de la Provence n’est pas celle du bord de l’eau champêtre de Maupassant. Or le génie de Renoir est précisément dans cette façon de saisir une ambiance, une diaprure, ou d’une teinte particulière d’un endroit ou d’un moment pour en faire vibrer l’image.
Visconti, assistant de Renoir sur ce film, saura retenir du maître cette attention au réel, cette façon de saisir l’humeur d’un pays, d’une parole ou d’un geste et de le raccorder à un univers. C’est ainsi que ce film est souvent cité comme précurseur des grands films italiens néo-réalistes de Rossellini, De Sica ou, bien entendu, Visconti.