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mercredi 20 janvier 2021

Les Frères Sisters (The Sisters Brothers de J. Audiard, 2018)

 


Très belle surprise que ce western de Jacques Audiard. Trois ans après son très faible Deephan, le voilà qui change du tout au tout et s’attaque au western, genre très délicat pour un réalisateur français.
En effet, aborder le western est chose rare et difficile : il n’y a qu’assez peu de réalisateurs qui s’y sont frottés en France soit directement (par exemple Luc Moullet ou Jean Kounen, sans que le résultat ne soit jamais très convaincant) soit indirectement, en reprenant des codes du genre mais sans que le film soit directement un western (dans des films d’action souvent simplistes).
Mais, avec Les Frères Sisters, Audiard réussit au-delà de toute espérance : il parvient à suivre des codes du genre tout en les mettant à sa sauce. Il s’extirpe ainsi à la fois des films français et de leur pesanteur idéologique (après Deephan il fallait tourner la page) et il trouve, dans le très lourd héritage américain, quelques ornières qu’il lui plait de suivre. Refaire un western très américain en épousant des codes classiques est pourtant risqué. Ici les héros sont des tueurs et le film décrit des prospecteurs qui cherchent de l’or dans les montagnes : autant de personnages et de situations cent fois filmés. Mais Audiard parvient à s’approprier le genre et ses personnages, qui démarrent comme des antihéros rustres et antipathiques, suivent un long chemin de rédemption, avec, en particulier, l’étonnant moment où une improbable communauté se forme. Communauté d'ailleurs trop hétéroclite pour n’être pas éphémère.
Mais Audiard parvient à filmer l’Amérique, dans un moment clé du récit américain : les paysages puissants, la confrontation à la Nature sauvage, la loi des colts, la violence sans entraves, l’entraide pour y faire face. Il en ressort un film à l'humeur américaine étonnante. Et Les Frères Sisters gagne aussi beaucoup de l’épaisseur que prennent peu à peu les deux frères, au travers de la découverte de leur histoire personnelle, avec leur glissement vers leur métier de tueur, l’aîné – le moins dur des deux – qui n’a pas su protéger son jeune frère de leur terrible père. Et cette relation complexe entre eux devient le fil rouge magnifique du film. La séquence finale, qui raccourcit et agrège en un plan plusieurs moments chaleureux à demi-vécus et à demi-rêvés, est remarquable.


S’appuyant sur des acteurs très solides (Joaquin Phoenix, Jake Gyllenhaal et le très bon John C. Reilly), on retrouve, dans ce western très réussi, le parfum d’aventures de certains westerns de Jacques Tourneur (Le Passage du Canyon) ou d’Anthony Mann (The Far Country).


vendredi 29 avril 2016

Dheepan (J. Audiard, 2015)




Film sans grand intérêt de J. Audiard. Un ancien combattant Sri Lankais fuit son pays et se retrouve gardien dans une cité de banlieue. On se dit qu’il y a là quelque chose à creuser, mais en fait non : Audiard remplit simplement son film de poncifs (la banlieue c’est la guerre, le combattant endormi finira par se réveiller et leur mettra la pâtée, etc.). Rien de neuf sous le soleil, rien d’intéressant, rien de surprenant.
En fait Audiard présente la banlieue telle qu’on se l’imagine : c’est la loi des gangs, la police y est absente (les habitants aussi d’ailleurs car on n’en voit aucun, hormis la racaille qui trafique au pied des immeubles !). Les barres d’immeubles sont surveillées comme les Indiens surveillaient les collines, on fête un chef de bande en tirant en l’air comme en sortant du saloon. On a là une image d’Epinal (et Audiard ne cherche pas à en faire un symbole : il utilise des acteurs non professionnels, il tente de nous « immerger » dans cet univers, mais on a déjà vu ça cent fois). Et, sur cet arrière-plan bien consensuel, Audiard ne nous raconte pas grand-chose, ne construit guère d’intrigue. Les trois Sri-Lankais, fausse famille créée de toute pièce, pourraient se rapprocher, se construire, mais non, cela n’intéresse guère le réalisateur. Des liens complexes – surprenants – pourraient se faire entre guerriers de deux mondes différents, ou que sais-je encore. Mais non, Audiard a juste à nous dire que la banlieue, c’est la guerre, et qu'il y règne la loi de la jungle. Le final a des airs de Taxi Driver et voilà tout.
L’ellipse finale laisse perplexe (tiens, que veut nous dire Audiard ? Qu'en Angleterre, vraiment, l’intégration c’est autre chose qu’en France ? Hum, voilà qui paraît bien simpliste).
Qu’un tel film ait pu avoir la Palme d’or : on s’interroge. Le film n’était pas favori de la compétition cannoise, mais il a décroché la récompense : on en est navré pour la crédibilité de Cannes.

jeudi 29 octobre 2015

De battre mon coeur s'est arrêté (J. Audiard, 2005)




Intéressant film de Jacques Audiard, qui reprend la trame de Mélodie pour un tueur de J. Toback. Mais il modifie les rapports de force du scénario : ici Tom (Romain Duris) est tiraillé entre un monde dont il veut s’extirper et un autre auquel il aspire. Ces deux mondes prennent une portée symbolique forte puisque l’un est celui du père – le monde des magouilles, des petits arrangements, de la violence – et l'autre celui de sa mère, aujourd’hui morte et qui était pianiste. Cette dualité pèse terriblement sur Tom : il veut passer d’un monde à l’autre. Bien entendu cette dichotomie est un peu facile et artificielle (la réalité dure et prégnante du père, opposée à l’idéal de la mère) et enlève au réalisme auquel le film cherche à coller.
Tom parviendra à s’extirper du monde du père, non seulement par la mort de celui-ci, mais davantage par l’acceptation de cette mort en refusant de la venger : il sort ainsi de la spirale de ce monde violent et peut rejoindre, même avec fébrilité, le monde maternel de l’art et du piano.
Romain Duris est très bien et la caméra de Audiard se colle à lui, ne le lâchant pas une seconde, portée et tremblante, et elle scrute ses états d’âme, ses hésitations, ses basculements.

mardi 22 juillet 2014

De rouille et d'os (J. Audiard, 2012)




Le principe du film semble être une accumulation d'événements  – dont certains exceptionnels et tout à fait improbables – qui mènent la trame et, en même temps, parviennent à la perdre.
En vrac on a : Ali, personnage principal sans grande conscience, qui fait ce qu’il peut avec son fils et qui provoquera le licenciement de sa sœur qui l’accueille ; Ali toujours qui s’engage dans des combats de boxe clandestins ; Stéphanie qui dresse des orques et y perd ses deux jambes puis tente de réapprendre à vivre avec deux prothèses ; Sam, fils d’Ali, qui manque de se noyer dans l’eau d’un lac gelé ; son père qui se brise la main pour le sauver.
Il n’y a guère de liant dans toute cette accumulation hétéroclite et on ne sait pas trop où veut en venir Audiard. Est-ce un regard social (Ali qui rame, qui trouve un petit boulot, qui fait licencier sa sœur) ? Un regard sur le drame de Stéphanie qui perd ses jambes et se retrouve avec deux prothèses ? Audiard est-il intéressé par les combats de boxe, violents et destructeurs ? Il y avait sans doute un parallèle intéressant et complémentaire qui se dessinait entre la destruction du corps par la boxe et les prothèses de Stéphanie, avec la fascination d’Ali pour les prothèses : Crash n’était plus très loin.  Et que dire du dernier rebondissement, lorsque le fils d’Ali disparaît sous la glace, qui entraîne une réconciliation artificielle et tardive ?
De ce fatras il ne ressort rien réellement, l’émotion est téléguidée, avec Stéphanie sans ses jambes à l’hôpital, puis la sœur licenciée et enfin la peur d’Ali pour son fils.
La perte de 2 jambes plus le frère qui fait licencier par mégarde sa sœur plus le fils presque noyé ! Ouf ! L’ensemble, souvent outrancier et qui part dans tous les sens, est finalement bien décevant.