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samedi 13 juillet 2019

The Tree of Life (T. Malick, 2011)




Si c’est avec The Tree of Life que le légendaire (et très secret) Terrence Malick est récompensé par le monde du cinéma (Palme d’or à Cannes), le film est pourtant bien loin de ses meilleurs réalisations.
Le style si particulier de Malick, empli de lyrisme et de poésie, dessinant une nature comme un Eden envoûtant, avec un rythme calme et décalé, à la beauté ensorcelante et s’appuyant sur des acteurs qu’il révèle (Martin Sheen ou Richard Gere) trouve, comme par magie, un équilibre extraordinaire dans ses deux premiers films (La Balade sauvage et Les Moissons du ciel). Ce style, s’il traverse encore La Ligne rouge et s’il s’exprime encore magnifiquement dans Le Nouveau monde, semble ici, dans The Tree of Life, se perdre : ce qui était naturel semble forcé, ce qui était équilibré apparaît bancal et la voix off (qui fait pleinement partie de du style de Malick) devient lénifiante.
Il n’y a plus cette harmonie magique qui créait une alchimie étrange entre un jeune éboueur à l’allure de James Dean et le Gasenhauser de Carl Orff ou entre la plaine rougeoyante et les visages de Brooke Adams et de Sam Shepard. La sauce ne prend pas. L’incroyable fluidité narrative de Badlands n’est plus, l’extraordinaire beauté des Moissons du ciel est remplacée par des images très belles mais qui ne sont plus en mouvement dans le film : ce n’est plus une caméra qui embrasse la plaine.
Malick, malgré tout, garde une ambition esthétique totale, cherche et innove, crée des images et, comme toujours, emplit son film de fulgurances et capte des instants. Mais on regrette les psalmodies lénifiantes de la voix off quand la beauté pure des images emplit le cadre. Lui, l’esthète, devient maniériste : il caricature son propre style, sans parvenir à retrouver cette limpidité poétique de ses débuts.


jeudi 10 novembre 2016

Les Moissons du ciel (Days of Heaven de T. Malick, 1978)




Très beau film de Terrence Malick, d'une beauté envoûtante et d'un lyrisme absolu. Depuis l'arrière-plan du film (les moissons en cette fin de XIXème siècle, alors que la mécanisation envahit peu à peu les champs) en passant par la photo éblouissante (cette lumière de fin de jour qui envahit l'écran), jusqu'à cette histoire d'amour contrariée entre Abby, l’ouvrière, et le jeune propriétaire terrien.
Malick sent les champs, les filme en gros plan, pour y déceler les insectes qui s’agrippent aux épis, et les montre ravagés par un incendie. Richard Gere – dans un rôle bien éloigné de ceux qui l'emmèneront au fait de la gloire – campe un personnage complexe et contradictoire, à la fois protecteur pour sa sœur mais qui l'utilise à ses dépens.


C'est, peut-être, dès ce second film, que Malick parvient à toucher du doigt l'équilibre fragile et sublime entre le lyrisme qu'il recherche sans cesse et la liberté narrative, sans que l'un n'engloutisse ou ne dissolve l'autre.


dimanche 25 septembre 2016

Le Nouveau Monde (The New World de T. Malick, 2005)




Très beau film de Terrence Malick qui, prenant appui sur la fondation de la première colonie anglaise à Jamestown en 1607, raconte la rencontre de deux civilisations : celle des Anglais, arrivant en bateaux, avec leurs armes et leurs intentions de conquête et celle des Indiens, qui sont en communion avec la Nature. Il y a donc un choc entre cette Nature vierge, qui est présentée comme un Paradis, et la civilisation, qui tente de s’installer sur le rivage. Mais il y a aussi un choc entre une culture individualiste (querelle de pouvoir notamment dans le fort) et l’harmonie collective des Indiens, qui est manifeste dans les longues séquences pendant lesquelles John Smith est retenu dans le village. Le Nouveau Monde oppose ainsi une civilisation mortifère qui a tout rasé pour s’installer, à une civilisation libre de ses mouvements vivant en harmonie avec la Nature.
On remarquera le souci de réalisme de Malick : le tournage a eu lieu en Virginie, sur le lieu même de l’emplacement du premier fort, qui a été reconstruit avec les matériaux trouvés sur place. Les chefs de différentes tribus ont participé et jusqu’à des experts en langue Alqonquin pour traduire de larges portions des dialogues du script et pour l’apprendre aux acteurs incarnant des Indiens. De même, des résultats de fouilles (pour connaître la forme des maisons des Indiens) ont été utilisées ou encore un champ a été planté avec des graines se rapprochant le plus possible du maïs de l’époque.

Le film reprend à son compte l’histoire de John Smith, chef provisoire du fort précaire installé sur la côte, et de l’indienne Pocahontas, qui s’interposera en faveur du capitaine. La bienveillance de Pocahontas permettra aux hommes du fort de survivre en dépit des difficultés rencontrées (le fort est bâti sur des terres marécageuses insalubres, les cultures sont un échec, la nourriture se fait rare).
Mais Malick innove dans sa manière de raconter l’histoire. Avant même la rencontre effective, le spectateur vit l’intrusion des colons du point de vue des Indiens. Leurs déplacements sur les bords du fleuve accompagnent l’apparition des caravelles. Il ne centre pas son récit sur John Smith et ses hommes, ni même sur les difficultés d’installation des colons durant les premiers mois. Là n’est pas ce qui l’intéresse. C’est bien plus une vision personnelle de la Nature qui l’attire dans ce film.
En effet, comme dans tous ses films, Malick situe son histoire au sein d’une Nature qui enveloppe les hommes. Il n’oppose pas l’Homme et la Nature, mais il montre l’intégration de l’Homme dans une Nature indépassable. A ce titre la magnifique séquence d’ouverture (les caravelles glissant dans l’embouchure du fleuve) est exemplaire, avec ce ton lyrique et symphonique qui s’étend sur le film.


Et, ensuite, tout au long du film, Malick filme comme s’il ne prenait non pas le point de vue des hommes, mais, en le décalant légèrement, celui de la Nature. Les évènements eux-mêmes (le débarquement des colons, leur installation, la rencontre avec les Indiens, etc.) semblent ainsi passer au second plan. Et c’est la contemplation et la rêverie qui passent au premier plan. La bande originale très lyrique, les voix off (procédé typique de Malick) sont autant de moyens de prendre une distance avec l’action du film et les personnages. Cette manière de faire permet d’ailleurs de découvrir les personnages (Pocahontas et le capitaine Smith notamment) d’abord intérieurement plutôt que par leurs actions.

Le génie propre de Malick explose dans de longues séquences sans paroles, aux images somptueuses, au montage fluide, au rythme libre et très changeant, à la musique envoûtante, qui participent à la narration (cette manière de raconter sans parole est aujourd’hui très rare). Cette beauté formelle détourne le spectateur du récit lui-même et le conduit à ressentir cette bonté de la Nature, redécouverte par John Smith en débarquant, mais aussi par Pocahontas, qui, elle aussi, débarquera dans un nouveau monde, l’Angleterre, dans les jardins civilisés de Londres. Le récit dépasse alors la simple histoire pour prendre des allures de parabole et tendre à l’universalisme. C’est alors que l’on ressent pleinement l’inspiration transcendantaliste de l’univers de Malick, proche des poètes Emerson ou Whitman et de la philosophie de H. D. Thoreau (axée sur la bonté de la Nature et sur une harmonie entre l’Homme et la Nature). Malick n’expose pas ses idées au travers d’un personnage, mais il les exprime par les images, toujours, et par les sensations qu’il fait naître chez le spectateur. C’est en cela – en cette capacité à s’exprimer d’abord et avant tout par les sensations visuelles et sonores – que Malick est un créateur d’images.


mercredi 20 janvier 2016

La Balade sauvage (Badlands de T. Malick, 1973)



La Balade sauvage Badlands Terence Malick Martin Sheen Affiche Poster
  
Exceptionnel premier film de Terrence Malick qui, d'emblée, marque son œuvre par des tendances qu'il exprimera tout au long de ses films.
Le film est empreint d'une très grande liberté de ton, de tempo, de style. La voix off de Holly est légère et mélancolique, elle annonce la grâce de la caméra de Malick. Kit marche au hasard, au rythme sautillant de la petite musique du Gassenhauer de Carl Orff.

Malick part du trivial américain (un camion poubelle, une zone pavillonnaire) et extirpe ses personnages de la société - personnages qui s'excluent de fait, par la violence de Kit -, les ramène à la Nature, pour qu'ils oublient le monde dans un improbable cocon, avant de les abandonner sur Terre, où leurs rêves s'épuisent aussitôt.
Evidemment Malick distille dans son film le lyrisme qui le caractérise tant : la nature est omniprésente, avec des plans de coupe sur des animaux, des branches qui oscillent dans le vent, des nuages qui partent au loin, une ligne d'horizon qui n'en finit pas. Il trouve déjà ce ton méditatif qui le caractérise.
Martin Sheen se révèle en campant Kit - succédané avoué de James Dean - : tout est alors à créer pour interpréter un tel personnage, bien loin des canons des héros américains, bien loin aussi du ton des réalisateurs du Nouvel Hollywood.

La Balade sauvage Badlands Terence Malick Martin Sheen

A l'opposé de tant d'autres cinéastes de la période qui font exploser la violence à l'écran en la montrant tant et plus, chez Malick la violence n'est dure que parce qu'elle est soudaine et banale, mais, que ce soit à l'image ou dans le rythme de sa narration, Malick interrompt à peine sa poésie sensorielle et méditative, juste le temps pour Kit d'abattre un ancien ami ou un policier...