lundi 31 octobre 2022

Glory (E. Zwick, 1989)





S’appuyant sur un fait historique (un régiment de Noirs (afro-américains) mis en place dans les rangs nordistes durant la guerre de Sécession), le film, sans être ennuyeux, apporte peu. Il se veut appliqué, relatant les problèmes rencontrés par le bataillon jusque dans ses détails. Le sacrifice final, pourtant traité rapidement, donne une coloration hagiographique que n’avait pas jusqu’alors le film qui cherchait à échapper au manichéisme.

Il faut noter que
Glory fait partie des films qui mettent sur le devant de la scène le sujet des Noirs (Afro-américains) au cinéma, et il sera suivi de nombreux autres sur ce sujet, films qui s’appuient, comme ici, sur un événement historique précis (par exemple Free State of Jones, The Birth of a Nation, etc.) ou bien sur un cas particulier (Amistad, Django Unchained, Twelve Years a slave, etc.). Mais, au-delà de la représentation du sujet à l’écran (avec la libération de la parole inhérente), ces films apportent en général peu au sujet abordé, Hollywood ayant réglé l'essentiel de ses comptes avec le sujet – et avec quelle puissance ! – depuis Mandingo.


 

vendredi 28 octobre 2022

De nouveaux hommes sont nés (Proibito rubare de L. Comencini, 1948)





Premier film de Luigi Comencini qui, dans la lignée du néoréalisme, nous emmène dans les bas-fonds de Naples. Mais on sent bien que Comencini s’éloigne déjà de De Sica ou de Rosselini et qu'à filmer la rue, il ne convainc guère. Et la tentation de la comédie, sans le dire, est déjà là.
Dès lors, De nouveaux hommes sont nés manque un peu son but en restant au milieu du gué : il ne saisit pas le réalisme (il reste simplement descriptif et il n’en a pas l’humeur) et il n’ose aller trop vers la comédie.
Le film reste dans un entre-deux que Comencini travaillera bientôt en osant davantage de décontraction (le néoréalisme rose de Pain, Amour et Fantaisie) avant de s’exprimer le mieux dans la comédie italienne pure qui, paradoxalement lui permettra de tracer des portraits beaucoup pertinents, que ce soit en peignant la pauvreté (L’Argent de la vieille, etc.) ou bien le drame familial (L’Incompris). Autant de films aux humeurs différentes mais plus convaincants que cette déambulation un peu naïve du père Don Pietro dans les rues de Naples.

 



jeudi 27 octobre 2022

I Feel Good (G. Kervern et B. Delépine, 2018)





Portrait drolatique et pitoyable d’un raté, I Feel Good suit d’un regard mi-amusé mi-navré les tentatives de Jacques Pora pour emmener au bout l’une de ses idées invraisemblables. Il faut dire que l’ambition d’être riche – qui apparaît ici comme la substance chimiquement pure de l’ambition dans la société moderne – est un puissant moteur qui le fait repartir sans cesse, incapable qu’il est de se rendre compte de ses incapacités. Le film joue à plein du contraste avec sa sœur, pragmatique, humble et consciente d’elle-même.

On apprécie qu’une star comme Jean Dujardin se mette dans la peau d’un tel hurluberlu, même si, il faut dire, ce Jacques Pora a beaucoup à voir avec nombre de personnage joués par l’acteur, personnages qui sont souvent gonflés d’égo et de suffisance mais très creux. Ici le vide du personnage éclate au grand jour.

L’idée de chirurgie esthétique est très bonne et Gustave Kervern et Benoît Delépine emmènent très loin leur situation, dans un final à la fois drôle et pitoyable.

Cela dit, situé dans le microcosme d’une communauté Emmaüs, on a du mal à voir dans I Feel Good une satire de l’ensemble de la société tant, dans cette communauté, il n’y a que Jacques qui ne jure que par l’ambition folle de la réussite, alors que tous les autres, autour, savent très bien ce qu’il en est de leur vie et apparaissent épargnés par les maux violents qui traversent le monde (l'ambition, la recherche de la richesse, le culte de l’apparence, etc.).

 

 

 

mardi 25 octobre 2022

The Nickel Ride (R. Mulligan, 1974)

 



Tout à fait dans l’humeur des années soixante-dix, The Nickel Ride réussit, tout au long du récit, à rester dans l’interrogation de ce qui se trame réellement. Cooper a-t-il tort de s’en faire ou est-il réellement en danger ? C’est que, dans ce monde de la pègre, la roue tourne facilement. Et Cooper sent que tout lui échappe : il rate un arrangement, un deuxième, et il ne sait trop que penser de cet étrange personnage de cow-boy kitsch qu’on lui colle aux basques (est-ce un tueur ?) ni de son supérieur qui se veut rassurant. La fin est remarquable, puisque, jusqu’au bout, à l’image, on ne sait que conclure : au petit matin, Cooper est affalé, il est mort, mais que s’est-il passé ?
Jason Miller est parfait, le charisme de cet acteur rare fait merveille. Et Robert Mulligan maitrise impeccablement les codes du genre, dans ce polar noir moderne : les extérieurs de rues filmés en plan large contrastent avec le bureau serré de Coop (« l’homme aux clefs » oppressé jusque dans son bureau). La lumière et les tonalités sombres envahissent l’écran. The Nickel Ride, avec sa tension presque paranoïaque, sa façon de descendre dans la rue illustre le passage entre le polar noir classique et le néo-noir, très typique des années soixante-dix.

 


vendredi 21 octobre 2022

Free State of Jones (G. Ross, 2016)





Sans grande saveur – mais sans être inintéressant non plus – Free State of Jones relate un fait historique autour du personnage de Newton Knight (en prenant sans doute quelques largesse avec la réalité historique, comme il convient à une œuvre de fiction).
Bien qu’il s’appuie sur le pourtant charismatique Matthew McConaughey et qu’il s’inscrive dans la tendance actuelle (depuis les années 90) à mettre sur le devant de la scène la question de l’esclavage (depuis Glory, Amistad jusqu’à The Birth of a Nation), le film n’apporte pas grand-chose au sujet. On y voit le racisme, la violence, l’injustice, le sort réservé aux Noirs, mais c’est une simple illustration appliquée, sans guère de motifs ou sans retravailler un thème précis ou y apporter un éclairage particulier.

 



jeudi 20 octobre 2022

Camille Claudel (B. Nuytten, 1988)

 



Grand succès critique à sa sortie, Camille Claudel est habité par Isabelle Adjani, qui façonne le film tout comme un sculpteur façonne la glaise.

Alors, bien sûr, comme tout acteur soumis à un public, celui-ci peut émouvoir ou laisser froid, happer l’émotion ou ne rien faire passer d’autre qu’une artificialité. Et Adjani, il faut bien l’admettre, si elle est une (très) grande actrice, à n’en pas douter, ne fait guère résonner en nous un quelconque tintement ou une quelconque vibration. Cela a sans doute à voir avec sa voix, avec la froideur de son style, avec une exubérance vite criarde, avec cette façon de s’agiter mais sans y mettre une humanité qui nous touche. Dès lors il est difficile d’être ému par un film où elle est de tous les plans.

Cela dit, au-delà de l’actrice, on regrette que, dans ce Camille Claudel ambitieux,  Bruno Nuytten passe un peu à côté de la ferveur créatrice. Quand l’héroïne est dans son atelier, le réalisateur joue sur la bande sonore, pour nous faire entendre la glaise qui est patouillée ou bien les coups de burin secs et répétés, mais tout cela est très rapide, sans que le film prenne le temps de s’arrêter. C’est un peu dommage dans un film de près de trois heures. Il faut se souvenir comment Jacques Becker, par exemple, dans Le Trou, filme les prisonniers en train de creuser : sans artifice, en temps réel, sans enfler le son, sans montage. Sans doute aurait-il fallu, pour saisir quelque chose de Camille Claudel, s’arrêter davantage, laisser les ciseaux marteler, les mains pétrir, les yeux contempler les formes naissantes, sans interrompre sans cesse le plan pour nous montrer le soir qui tombe, les pieds nus mouillés, le visage haletant de Adjani. Laisser un peu de côté le jeu d’ombres très (trop) présent et simplement filmer un sculpteur à l’œuvre. De sorte que Nuytten saisit bien peu, finalement, de la création du sculpteur.
Adjani incarne très bien son personnage, sans doute, mais celui-ci reste très superficiel, sans épaisseur (c’est le comble pour une créatrice de forme), sans bouillonnement intérieur. C’est l’amour qui la perfore de part en part, ce n’est pas la sculpture. Elle ne s’exprime pas ses mains qui pétrissent ou polissent, mais elle crie, s’agite, court, pleure. C’était là, peut-être, sa personnalité, mais toujours est-il qu’il devait bien y avoir des moments – très longs, secrets, loin du tumulte du monde, dans l’intimité du personnage avec lui-même – où elle était face à la matière – la glaise, le plâtre, le marbre – et où ce qui l’habitait sortait par ses mains.





mardi 18 octobre 2022

La Paloma (Große Freiheit Nr. 7 de H. Kaütner, 1944)

 



Le film, tourné pendant la guerre, est désavoué par la censure et suspecté de propagande, de sorte qu'il ne sortira (dans les pays alliés) qu'en 1944. Il faut dire que, loin de tout héroïsme et avec ses marins querelleurs, buveurs et parfois dépravés, on est bien loin de l’idéal du régime nazi.
Si le scénario est assez classique, en revanche, Grosse Freiheit Nr. 7 enthousiasme par l’ambiance qu’il crée et par ses personnages, à la fois hauts en couleurs et charismatiques. On pense à Hannes, à la fois dur à cuir et fragile, attachant et truculent. Le film, alors, propose un mélange étrange et très réussi de joie, d’espoir et de tristesse. Bercé de musiques et de flonflons, le tout distille une étrange humeur mélancolique.

Il faut remarquer comment Helmut Käutner fait graviter tout son film autour d’un lieu incroyable – à la fois bar, cirque et salle de spectacle – qui est montré comme le cœur battant du monde, à l’opposé de l’ailleurs qu’est la mer infinie à laquelle se rattache un idéal presque romantique.