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lundi 4 septembre 2023

Adieu au langage (J.- L. Godard, 2014)





Sans doute, pour comprendre le cinéma de Jean-Luc Godard à partir des années 70 (et ensuite, peut-être, parvenir à l’apprécier), faut-il accepter que ce cinéma, très expérimental, soit d’une grande prétention. Dès lors que cette prémisse est posée, on peut, si l’on en a le courage, essayer de ressentir ce que Godard, avec emphase et lourdeur, tente de saisir.
Et, dans Adieu au langage, du haut de ses 74 ans, l'on a vraiment l’impression que Godard est plus que jamais incapable de ressentir le murmure des choses, qu’il lui faut les asséner sans cesse avec grandiloquence et maniérisme dans un ton superfétatoire. C’est assez pénible et l’on se perd dans ces explorations et ces déambulations souvent anodines, puisqu’en réalité ces grandes émotions, ces grandes questions ou ces grandes révélations sont bien petites ou très convenues.






jeudi 24 novembre 2022

Une femme est une femme (J.- L. Godard, 1961)





Ce troisième long-métrage de Jean-Luc Godard ne lorgne plus du côté du polar (comme le faisait À bout de souffle) mais bien de la comédie, en particulier de la comédie musicale, qui tente beaucoup le réalisateur. On sent qu’il veut mettre de la légèreté dans son film, même si cela se traduit par des séquences faussement décontractées, peu naturelles.
Le film est empli d’innovations de la part de Godard (la couleur, le tournage en studio, le son synchrone), et c’est la première apparition devant sa caméra d’Anna Karénine – qui donne un certain peps au film –, elle qui sera si importante ensuite.

Mais, malgré son trio d'acteurs, malgré une liberté de ton (le sujet lui-même est sensible) et malgré son évidente modernité, le film peine à emporter le spectateur et il se perd dans ces jeux de dialogues qui n'en sont pas, dans le faux-semblant de son traitement et dans la superficialité, il faut bien dire, de son sujet.

 




 

samedi 24 septembre 2022

One + One (J.- L. Godard, 1968)

 



Godard, bloqué aux USA, réalise un métrage entre fiction et documentaire. Si les saynètes politiques qu’il intercale entre deux répétitions des Stones reflètent le climat de l’époque, elles donnent aussi l’indigence de la pensée politique de Jean-Luc Godard, en particulier dans cette fin des années soixante (La Chinoise, tourné l’année précédente, avait donné le ton).
En revanche, la manière dont Godard a saisi les Rolling Stones en pleine période créatrice est étonnante. On voit le groupe travailler, inventer, se perdre (Brian Jones est là sans être là), à la fois fusionnel (les improvisations des uns et des autres se répondent et une architecture prend forme) et individualiste (plusieurs membres du groupe jouent dans leurs box, sans les autres). On comprend que la création – ici celle de Sympathy for the Devil, un des grands hymnes du groupe – est un processus impalpable, qui procède d’une alchimie étrange, qui file dans une direction ou une autre sans que l’on sache où tout cela aboutira. Une idée est là (un rythme, quelques paroles, un riff), et puis, finalement, peu à peu, la chanson prend forme, des directions sont prises et tout se met en place.
Les longs plans-séquences de Godard qui promène sa caméra dans le studio captent comme rarement cette vibration créatrice d’un groupe et rendent One + One – pour peu que l’on fasse abstraction de la lourdeur politique des différentes séquences de fiction entremêlées – tout à fait fascinant.

 




vendredi 12 avril 2019

Nouvelle vague (J.- L. Godard, 1990)




Certes Jean-Luc Godard profite tout à la fois de son image de penseur solitaire à demi-maudit et de la résonance médiatique de la star Delon pour construire son film, mais Nouvelle vague (1) déçoit quelque peu. Moins abscons que ses précédentes réalisations des années 80, le film appartient à la catégorie de ces films pliés en deux, qui peuvent emporter le spectateur dans une autre dimension (on pense récemment à Copie conforme ou à Heawon et les hommes). Mais la froideur sèche de Godard et son incapacité à réfléchir à voix basse empêchent de plonger tout à fait dans l’histoire.
En effet, comme souvent (mais, encore une fois, de façon moins marquée que dans Sauve qui peut (la vie) ou Hélas pour moi), Godard ne veut pas d’une narration simple, mais il veut aussi qu’« on voit qu’il n’en veut pas ». Il en résulte toujours cette distance froide, lourde et singulière, très artificielle.



C’est tout à fait regrettable puisque l’argument du film est passionnant : il est question de rattraper le temps, de refaire les choses, mais différemment, pour ne pas décevoir, pour être celui qu’il aurait fallu être. Ce thème de la seconde chance, que permet d’évoquer à merveille le medium cinéma, est ici enrobé d’une lourdeur et d’une prétention pénibles.



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(1) : Le titre, s’il évoque bien sûr les années 60 du cinéma, peine à trouver sa justification dans le film lui-même.

lundi 25 mars 2019

Deux ou trois choses que je sais d'elle (J.- L. Godard, 1967)




Petit film de Jean-Luc Godard qui, malgré une liberté de style toujours manifeste, passe un peu à côté des choses. Les sujets qu’il aborde au cours de ce qui se veut un peu une enquête sociologique vont de la prostitution occasionnelle à la transformation urbaine avec le développement de la banlieue. Mais ces thèmes sont effleurés et Godard ne s’écarte guère des poncifs sur le sujet. Poncifs murmurés en commentaire (en voix off) comme autant d’aphorismes qui tournent à vide que ce soit sur la domination du marché et la surconsommation ou sur la construction de grands ensembles d’immeubles.


Il cherche, au travers de ces instants pris sur le vif et de ce jeu d’actrice éloignée d’elle-même (même si Marina Vlady n’a pas encore la froideur qu'on trouve dans
Sauve qui peut (la vie)), à saisir un moment de la vie de la banlieue et des rapports de force qui s’y cachent, tout en s’éloignant de la narration. Godard accole des moments, juxtapose des images que parfois tout oppose, exprime la perte de repères dans cette nouvelle société par la dysharmonie entre l’image et le son. Il montre les choses dans leur brutalité, de façon directe, sans enrobage narratif, même s’il n’abandonne pas encore toute narration comme cela viendra dans les années 80. Il parvient à peindre l’étrange communion entre cette femme et le monde autour d’elle ; monde pourtant impitoyable puisqu’il la contraint à se prostituer. Même si son traitement de la prostitution – montrée comme une banalité – pour exprimer la violence sociale est réussie, Godard nage au milieu de métaphores convenues (l’aliénation du travail exprimée au travers de la prostitution, le tout sur un fond très tranquillement et très naturellement anticapitaliste).

C’est ainsi que l’ensemble reste peu passionnant et donne une impression de prétention précipitée et décousue.

samedi 16 mars 2019

Histoire(s) du cinéma (J.- L. Godard, 1998)




Bien loin d’être une histoire dans le sens « historien » de terme, Jean-Luc Godard propose avec Histoire(s) du cinéma (1) un regard et une réflexion sur le cinéma. De sorte que son Histoire apparaît comme un mélange entre science et art.

Godard travaille en fait à partir de quelques grands principes :
- L’importance primordiale du montage (« montage mon beau souci »). Il utilise la juxtaposition de motifs et travaille sans relâche cet élément.
- Et, conséquence de ces juxtapositions : à partir de deux images entremêlées, diluées, compactées ou soudées l’une à l’autre, il en naît une troisième (1 + 1 = 3 pourrait-on dire). Il cherche ainsi sans arrêt à essorer les images pour en capter quelque chose.
L’ensemble évoque parfois un shaker agité d’où ressortent des images, des surimpressions, des scansions (avec la mitraillette répétitive de sa machine à écrire).

C’est là qu’est l’apport de Godard : à partir d’images qui ne sont pas les siennes mais qui sont empruntées à des films ou des documentaires, il ressort une nouvelle image, typiquement godardienne. Mais cette image reste très froide, avec bien peu d’émotion ou d’épaisseur. Godard utilise de multiples fragments empruntés à l’histoire du cinéma mais aussi à l’histoire de la peinture, ou à l’histoire du XXème siècle (l’horreur de la seconde Guerre mondiale en particulier). Il utilise ainsi le cinéma pour raconter l’histoire du cinéma. Histoire(s) du cinéma raconte l’histoire de l’Histoire en quelque sorte. Et Godard redonne aussi au cinéma sa place dans l’histoire de l’art, en héritier de l’art pictural – des impressionnistes notamment – reprenant en cela des réflexions d’André Bazin.

On pourra trouver cette Histoire(s) du cinéma géniale, mais on pourra aussi trouver l’ensemble assez confus, construit comme un déferlement d’images peu signifiantes, assorti, en surimpressions, des aphorismes de Godard. Car c’est là un des traits du personnage que de ne s’exprimer que par semi-truismes que, apparemment, il considère comme autant de pensées très puissantes. De même des nombreuses évocations (notamment d’œuvre littéraires) qui restent uniquement à cet état d’évocations et ne participent guère de la construction d’une pensée puissante ou nouvelle qui relierait des éléments ou construirait des ponts entre les arts.


Godard, derrière cette forme complexe, désordonnée et qui se dit géniale (et qui est décrite comme telle par les universitaires), s’exprime aussi par postulats, assénés avec cette façon particulière qu’ont les artistes d’être sûrs de leur fait. Ces postulats sont le plus souvent complètement dans l’air du temps et ils ne procèdent guère d’un regard particulièrement aiguisé – comme lorsqu’il expose qu’en ne filmant pas les camps de concentration, le cinéma a manqué à son devoir. Godard, enfin – ce qui s’accorde avec cette pensée délivrée frontalement par des textes – se met en scène comme un démiurge qui, non seulement est maître de son œuvre, mais est aussi le maître du monde. Il faut dire que Godard accorde un pouvoir total à l’image : pour lui, qui maîtrise l’image, maîtrise le monde.

Et on se rend compte, derrière cette forme sans doute foutraque, peut-être géniale, mais incontestablement originale, que Godard, bien que penseur permanent du medium, a peu de choses à dire.
Mais peut-être faut-il bien garder à l’esprit que les artistes sont davantage des personnes capables d’exprimer des ressentis que des penseurs. En effet ce n’est pas tant que l’artiste ressente quelque chose qui le distingue, c’est sa capacité à exprimer ce qu’il ressent (2). Ainsi ce qui est exprimé est un ressenti ou une émotion, beaucoup plus qu’une pensée complexe.

C’est peut-être ce qui explique l’un des paradoxes de Godard, lui qui a tant réfléchi au médium et tant cherché à comprendre comment le cinéma pouvait rendre compte de ce qui peuple son esprit, lui dont l’exploration du medium est fondamentale (par son approche, sa technique, sa liberté), ce qu’il a à dire, en revanche, laisse songeur : en tant que penseur ou qu’essayiste, Godard n’est guère percutant.




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(1) : Nous considérerons la série de 8 courts-métrages réalisés de 1988 à 1998 comme une seule oeuvre.

(2) : On est tous parcourus par les bruits du monde, par toutes ces lignes qui s’entremêlent en nous. Simplement il y a deux catégories de personnes : d’une part celles qui n’y sont pas attentives et qui n’en ont pas conscience ; d’autre part celles qui y sont attentives et en ont conscience.
Parmi cette seconde catégorie, il en est qui cherchent à exprimer et à faire pulser hors d’eux cette conscience des bruits du monde : ce sont les artistes. C’est donc une capacité à s’exprimer qui fait l’artiste, bien plus qu’une sensibilité : ce n’est pas qu’il ressent les choses qui le distingue, c’est qu’il cherche à exprimer ce ressenti.

mercredi 27 février 2019

Sauve qui peut (la vie) (J.- L. Godard, 1980)




Film assez froid et peu convaincant de Jean-Luc Godard, qui revient au cinéma (après quelques années où il s'en est éloigné) en filmant en Suisse, à cheval entre la ville et la campagne. Il mélange plusieurs histoires et construit un petit entremêlât, sans véritable centre et sans prendre de direction particulière.
Ce que Godard parvenait à saisir dans Le Mépris – il saisissait l’insaisissable, qui échappait même à Paul – il le fixe à grand-peine sur la pellicule avec de gros sabots maladroits. On sent qu’il veut nous dire plein de choses – mais des choses très basiques, car c’est un des grands paradoxes de Godard d’avoir un regard novateur et de travailler le medium cinéma sans avoir grand-chose à dire –, on sent qu’il veut capter des moments, des étincelles fugaces de vie, utiliser le cinéma pour échapper au cours de la vie et à son articulation mécanique. C’est ainsi qu’il joue de ralentis qui décomposent le mouvement (admettons), mais il n’a rien trouvé de mieux que la vulgarité frontale, articulée autour de l’idée de la campagnarde qui vient se prostituer en ville, en utilisant le visage figé  et dévitalisé d’Isabelle Huppert.
Mais, plus encore que ces moments qu’il cherche à capter, on sent que Godard veut « qu’on voit qu’il veut » capter les choses. D’où, sans doute, la sécheresse mécanique de son film et cette impression de platitude didactique.


vendredi 8 février 2019

Bande à part (J.- L. Godard, 1964)





Avec Bande à part, Jean-Luc Godard construit un film assez éloigné de ses grandes productions du moment (le film est tourné dans la foulée du Mépris et il précède Pierrot le fou) et il s’apparente donc à une série B (une série Z, même, dixit Godard). Sans beaucoup d’argent, sans grandes stars, avec un scénario très mince, Godard met en scène un trio de personnages et il les fait vagabonder, rebondir, jouer et flirter ensemble.
Comme dans les polars américains, le film s’appuie sur un coup qui est organisé et exécuté, mais, ici, le fameux coup, évoqué d’emblée, est ensuite relégué en fin de film (un peu comme dans le très bon Coup de l’escalier de R. Wise). C’est que Godard se concentre sur son petit trio et il préfère remplir son film de moments pris sur le vif, lors d’un cours d’anglais, dans un bar (avec la fameuse séquence où ils dansent le Madison), où lorsqu’il s’agit de traverser le Louvre au pas de course. Le film change alors continuellement de registre (de la comédie au drame, en passant par le burlesque) donnant à l’ensemble un aspect de patchwork mal assemblé.
Et il faut bien dire que si le film a une certaine légèreté – que les acteurs retransmettent très bien – il ne passionne pas non plus et l’inventivité de Godard tombe parfois un peu à plat (la répartie d'Odile à l’homme qui la drague par exemple). La fin tragique évoque À bout de souffle, avec les gesticulations d'Arthur qui reprend le même jeu final théâtral que Belmondo.
Mais ce petit film a malgré tout le bon goût de nous épargner toute la didactique lourde et glaciale de certains films du réalisateur.


mercredi 30 novembre 2016

Pierrot le fou (J.- L. Godard, 1965)





Film très célèbre de Jean-Luc Godard qui est emblématique de la modernité du cinéaste. Aussi bien dans le fond que dans la forme on tient là un parfait exemple des recherches de Godard et de sa volonté de rupture.

Formellement Godard continue de casser les codes du montage. Faisant fi des conventions habituelles du montage transparent, il impose des cut à tout va et multiplie les faux-raccords et les répétitions. De même il joue sans cesse avec la bande-son, avec une musique tantôt extradiégétique, tantôt faisant irruption, etc. Allant plus loin encore, il brise la narration classique. Par exemple, dans la séquence où Ferdinand et Marianne s’enfuient de l’appartement, on voit se succéder des allers-retours montrant le couple filant en voiture, puis descendant d’une gouttière pour s’échapper, puis la voiture démarrant, puis le couple montant en voiture. Un tel mic-mac a désarçonné les théoriciens, occupés qu’ils étaient à dresser une typologie soignée des séquences narratives. C. Metz, un des grands théoriciens français (auteur notamment de la Grande Syntagmatique), un peu coincé, dut développer de nouveaux outils théoriques jusqu’à l’apparition de l’idée de dysnarration. C’est cela : Pierrot le fou est dysnarratif, pas vraiment narratif mais narratif quand même.
Godard ne s’arrête pas là : il continue de remplir le cadre d’aplats de couleurs rouges et bleus qui envahissent chaque image, jusqu’au célèbre visage barbouillé de peinture de Belmondo. Il ponctue son film de lettres au néon, joue avec la graphie, opère des correspondances de formes ou de couleurs. Et, fidèle à lui-même, il cite à profusion : des films, des tableaux, des essais, des BD, tout y passe.
Enfin il s’en remet totalement à ses acteurs et les laisse improviser, s’arranger, discuter, se reprendre, vaquer. Belmondo est très à l’aise et Anna Karina, avec ses « je me demande, je sais pas quoi faire… », tient une réplique légendaire et symptomatique du cinéma moderne. On préférera peut-être l'étonnante intervention de Raymond Devos, tout à fait dans son registre habituel. Cette saynète intervient comme un ready-made, profitant de la présence de Devos et le laissant faire. Elle lui permet aussi, il faut bien dire, de rajouter quelques minutes, Godard étant éternellement tétanisé par l'idée de produire un métrage trop court.


Pour ce qu’il est de l’histoire elle-même, le film est un modèle du genre : les personnages errent et agissent sans but, le temps passe, ils vont et viennent, cela part de nulle part et n’aboutit à rien. Tout y semble banal et sans intérêt. On serait bien en peine de comprendre ou d’expliquer (là où, dans Le Mépris, Godard cherchait à comprendre un instant fugace dans un couple, bien plus qu’il ne cherchait à l’expliquer).
Mais le film reprend une nouvelle fois (c'était déjà le cas dans Le Mépris), la thématique de l'île, pris ici comme moment idyllique fugace, où le couple se trouve, avant de se briser petit à petit. Il s'agit bien sûr d'une réminiscence du fondateur Monika de Bergman qui suit la même structure.

Enfin, concernant l’esthétisme de son film (mot pris dans le sens d’un message artistique véhiculé par le film), si Godard casse les codes, il construit peu. Et, dans l’assemblage qui en résulte, on a fortement l’impression, que, au travers de cette mise en scène qui s’exhibe tant, Godard, à chaque plan, dans chaque scène, écrit un manifeste qui crie sans cesse « c’est nouveau, je sors des sentiers battus, c’est de l’art ! ». On comprend mieux, sans doute, d’une part que les films de Godard soient souvent obscurs et abscons et, d’autre part, qu'ils puissent ne faire naître que bien peu d’émotion.


mardi 29 avril 2014

Le Mépris (J.- L. Godard, 1963)




Très grand film de Jean-Luc Godard : il s'agit d'un film quasi-expérimental (dans le sens godardien : être en perpétuelle recherche) et qui reste regardable par le commun des spectateurs (c'est déjà, en cela, une belle réussite de Godard).
Godard cherche – et parvient – à fixer des instants précis de la vie d'un couple (un regard, un geste) et ce que cet instant introduit de doute, de méprise et, finalement, tout l'art de Godard est là, il montre comme cet instant de doute parvient jusqu'à l'incompréhension et, donc, au mépris. Il filme un petit quelque chose qui fait basculer et désordonne la vie du couple. Le génie de Godard, ici, est de parvenir à saisir ces moments qui semblent minimes mais sont les clefs du couple.
L'intelligence du scénario tient dans le couple lui-même : Paul (Michel Piccoli) qui pense beaucoup, psychologise, hésite à agir, se triture l'esprit et s’oppose à Camille, sa femme (Brigitte Bardot), qui agit ponctuellement, mais par instinct, sans passer par de longues cogitations.

Paul et Camille dans la splendeur de Capri
Camille, d'ailleurs se fie uniquement – et simplement devrait-on dire – aux regards que lui porte (ou ne lui porte plus) son mari. De là elle sait et elle sent, l'amour qu'il lui porte (d'où les célèbres questions de Camille à son mari sur ses fesses).
Le personnage de Fritz Lang – joué par F. Lang lui-même – sert de regard moral sur ce couple. Il permet de regarder le couple d'un point de vue extérieur et de sortir des points de vue, tour à tour proposés, du mari et de la femme.
Godard propose aussi, finalement, un film sur un film (on suit les relations entre un scénariste, un réalisateur et un producteur) avec une mise en abyme subtile puisque le regard de Godard sur le couple est porté à l’écran par Fritz Lang – c'est-à-dire par un réalisateur au sens le plus artistiquement génial du terme.



Le film évoque bien sûr Le Voyage en Italie où les errements d'un couple seront sauvés par la grâce. Et l’ouverture célèbre avec Bardot, fesses nues, sera reprise bien souvent. Par exemple Kubrick, dans Eyes Wide Shut, prend le même point de départ : les fesses nues de N. Kidman et le doute, qui s'immisce dans un couple.

samedi 7 septembre 2013

La Chinoise (J.- L. Godard, 1967)




Petit film de Jean-Luc Godard, qui continue de s’amuser à la réalisation en jouant avec des cuts étranges, des plans étonnants, des mouvements de caméra changeants, des jeux de couleurs. Mais tout cela ne mène pas bien loin, d’autant plus que le sujet même du film est d’une grande naïveté narcissique et vaine. Il s’agit d’un petit groupe d’étudiants bourgeois qui investit l’appartement d’un ami le temps de quelques semaines à l’été 1967 et disserte sans fin sur le communisme version Mao, en déclamant mille et une banalités à la fois sur les bienfaits de la révolution populaire et sur les méfaits du capitalisme.



On a donc un groupe de jeunes bourgeois bien au chaud dans leur appartement qui font leur petite crise anti-bourgeoise à propos de la révolution populaire chinoise (dont on sait qu’elle coûta bien du sang aux Chinois). Avant mai 1968, on a là un bon résumé de la pensée sous-jacente à de nombreux films de la période.
Si le cinéma de Godard est en rupture sur de nombreux aspects par rapport au cinéma des studios des années 60, il est en revanche totalement consensuel et de son temps en ce qui concerne ses développements intellectuels germanopratins.



lundi 3 juin 2013

A bout de souffle (J.- L. Godard, 1960)




Très célèbre premier film de Jean-Luc Godard, qui vient donner un coup de jeune au cinéma en réinventant constamment le rythme, le montage et la liberté de narration.
Tournant le dos au studio et aux producteurs, Godard sort dans la rue avec sa caméra, tourne sans décor ni lumière, et choisit de diriger très peu ses acteurs – Jean-Paul Belmondo et Jean Sieberg –, qui deviennent aussitôt des icônes de ce souffle de liberté.



La principale innovation est dans le montage qui permet un rythme et une narration débridée : Godard, tout en inventivité, utilise à l’ancienne des fermetures à l’iris, met des adresses face caméra, laisse ses personnages errer dans le cadre et multiplie les faux-raccords, les ruptures ou les enchaînements étranges (en début de film le montage fait correspondre, par ses coupures successives, l'image l'univers sonore, par exemple lorsque Belmondo chantonne « Pa-tri-cia » en changeant de plan à chaque syllabe).


Au-delà de son style, le film est aussi d’une très grande modernité en ce qu’il met en scène des personnages qui avancent sans trop savoir vers quoi, qui vont et viennent, qui tournent en rond et restent indéterminés. Michel, par ses facéties, son radicalisme (il refusera le compromis et ira jusqu’à la mort) et par la décontraction que lui prête Belmondo, marque le film de son empreinte.
On remarquera, cependant, que si le film donne un coup de fouet au cinéma, il propose une intrigue on ne peut plus lâche, vaguement construite à partir d’un scénario de film noir. Et le film a beau multiplier les citations et les références, il y a, de ce point de vue, un appauvrissement. Il ne reste du film noir que ce destin qui entraîne Michel vers la mort. Mort dont il se fiche un peu, pour tout  dire (il est fatigué et veut dormir), mort qui vaut mieux, dit-il, que le compromis.

On notera alors que, si le film, avec quelques autres, lance la Nouvelle Vague française, cette Nouvelle Vague, si elle est une nouvelle manière de faire des films, n’apporte pas grand-chose du point de vue des idées et des thèmes. C’est une différence majeure avec le Nouvel Hollywood qui, inspiré par la Nouvelle Vague, rompra lui aussi avec les studios et fera entrer le cinéma américain dans la modernité mais qui en profitera, surtout, pour parler de l’Amérique, celle que les grand studios ne montraient pas.
Rien de tout cela en France où, hormis ce qui a trait à l’industrie du cinéma elle-même et à l’exception de quelques films remarquables (Hiroshima mon amour ou Les 400 coups), la Nouvelle Vague ne se fera guère le miroir de la France puisqu’elle se contentera de mettre en scène, en boucle, les discussions germanopratines de jeunes bourgeois qui ne s’assument pas.