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vendredi 9 février 2024

Sur les ailes de la danse (Swing Time de G. Stevens, 1936)





Premier succès pour George Stevens, la comédie musicale Swing Time confirme le fameux duo Fred Astaire et Ginger Rogers en même temps qu’elle lance le réalisateur vers d’autres ambitions (avec à nouveau Fred Astaire dans les années qui suivent, avant de changer complètement de registre au cours des années 40 puis 50).
Le film met en scène de façon assez conventionnelle de nombreux morceaux musicaux aux registres incontournables (humour, hommage, émotion), développant  avec application les séquences attendues d’un genre alors en plein succès.

 



jeudi 14 janvier 2021

La Femme de l'année (Woman of the Year de G. Stevens, 1942)

 

Premier film mettant en scène Spencer Tracy et Katharine Hepburn (et c’est là l’essentiel de son importance cinéphilique), La Femme de l’année donne le ton qu’auront beaucoup de ses suites, qui verront ainsi toujours l’ami Tracy avec sa bonhommie tranquille secoué par le punch cassant de la femme indépendante surjouée de Hepburn.
Mais La Femme de l’année, comédie de mœurs et de remariage, manque de rythme (on n’est pas dans la screwball comedy et c’est un peu dommage) et le trait de la caricature est vraiment trop épais. Tess, la femme indépendante par essence, est une journaliste qui cumule les entrées dans toutes les ambassades, parcourt le monde, parle plusieurs langues, est d’une culture savante et aristocratique alors que, dans le même temps, elle ne sait pas casser des œufs pour faire une omelette (en particulier dans la très laborieuse séquence finale). Sam, de son côté, journaliste sportif qui ne demande qu’à boire un verre au bar du coin avec ses amis en discutant du match de baseball de la veille, devient donc, après le mariage, homme-objet, un peu encombrant parfois (lors des réceptions dans la haute société), en une inversion amusante du rapport homme-femme.
Mais si le film vient donc jouer avec autorité sur l’émancipation de la femme, la fin vient contredire tout le reste du scénario. En effet le twist final nous montre Tess qui assure être prête à renoncer à toute son indépendance, à mettre au second plan tous ses engagements professionnels et à apprendre à cuisiner, promettant ainsi de respecter son engagement marital pour se consacrer d’abord à son mari et au foyer familial. On conviendra que la ficelle est un peu grosse et date terriblement le film qui, dans ses deux premiers tiers – malgré des lourdeurs et un manque de rythme –, n’avait jusqu’alors pas trop vieilli. Mais, avec cette fin surprenante (et qui vient en conclusion d’une scène comique ratée), le film devient non seulement conservateur mais tout à fait rétrograde.
George Stevens est bien peu convaincant dans la comédie et l'on préférera nettement – pour rester dans ce genre avec les mêmes acteurs et des rapports de force similaires entre personnages – Madame porte la culotte de Cukor, qui est sans doute le meilleur film associant les deux stars.


mardi 3 juin 2014

Une place au soleil (A Place in the Sun de G. Stevens, 1951)




Remarquable film de George Stevens, qui, en adaptant l'extraordinaire roman de Theodore Dreiser, tisse un drame poignant et dur qui oppresse progressivement le spectateur.
George Eastman (excellent Montgomery Clift) se voit proposer par son oncle – un riche industriel – une place dans son usine. Il devient progressivement l’amant d’Alice, une ouvrière qui travaille à ses côtés. Mais, lors d’une réception organisée par son oncle, il côtoie la riche société et en particulier la belle Angela qui s’éprend de lui. Le voilà alors coincé entre deux mondes.
Au fur et à mesure du film, George est plongé dans un tourment inextricable – entre honnêteté morale vis-à-vis d’Alice ou ascension fulgurante rêvée aux côtés de la sublime Angela – dont il n’entrevoit pas d’autre issue que le meurtre. Cette situation est intelligemment accentuée par le scénario : l’amour sincère que se portent Georges et Angela est le seul sentiment réel et profond du film, toutes les autres relations étant polluées par le désir de paraître (superficialité du monde des riches) ou par le destin social (mariage forcé voulu par Alice). Et cette tentation du meurtre (doublée d’une tentative à laquelle il renonce trop tard) sera à l’origine de sa déchéance, quand bien même il n’a pas mis en œuvre, réellement et consciemment, le crime qu’il a imaginé.
Stevens décrit avec beaucoup d’acuité et d’acidité les relations qui se nouent entre, d’une part, George et Alice, l’ouvrière, et, d’autre part, George et Angela, la fille de bonne famille. Il montre ainsi comment deux mondes qui ne se mélangent pas sont ici raccordés sans même le savoir, et comment George, inévitablement, est écartelé entre les deux. Stevens filme parfaitement l’opposition des deux mondes : l’oisiveté facile et joyeuse d’un côté, le labeur triste et vain (sordide, même, finalement) de l’autre. Liz Taylor campe une Angela éblouissante et pétillante de fraîcheur quand Shelley Winters incarne parfaitement l’ouvrière d’abord souriante mais bientôt engoncée dans un destin social sinistre.


George devient l'amant de Alice la petite ouvrière...
... avant d'être séduit par la pétillante Angela.
Le film attaque violemment le modèle d’ascension social typiquement américain : il n’y a guère de possibilités, ici, d’échapper à son déterminisme social. Et si George voit une lumière, il la doit à son oncle, tout d’abord, qui lui permet de côtoyer Angéla, et ensuite à Angéla elle-même qui s’éprend de lui. Mais le destin le rattrape et c’est, au travers d’Alice, son origine sociale qui le tire en arrière de toutes ses forces.

Stevens filme remarquablement la première scène où George croise Angela : elle ne le voit même pas, il n’existe pas pour elle. Cette scène montre à la fois combien George est attiré d’emblée par Angela (mais qui ne le serait pas ?) qui va représenter pour lui le soleil qu’il rêve d’atteindre mais qu’il sait aussi inatteignable. Dès lors il ne peut guère espérer plus qu’Alice, la petite ouvrière.

Première rencontre avec Angela : Georges est transparent
Et c’est lorsque George sera dans les bras d’Angela (séquences où Montgomery Clift joue remarquablement la torture insidieuse que provoque sa situation), lorsqu’ils passeront un moment au bord du lac – moment cinématographique qui est filmé comme un jardin d’Eden – qu’il conçoit son idée de meurtre : il entrevoit là un moyen de résoudre son problème. L’enfer vient donc côtoyer le jardin d’Eden. Le ton du film, alors, sera de plus en plus ténébreux et désabusé.
La séquence sur la barque est extraordinaire. On pense évidemment à L’Aurore de Murnau où pareillement, le paysan ne parvient pas à aller au bout de son projet (la séquence est même répétée dans L’Aurore puisque le paysan fait un tour en barque avec sa maîtresse qui lui propose de noyer sa femme pour ensuite refaire le même tour en barque, précisément pour la noyer).

La séquence en barque dans L'Aurore de Murnau
La même séquence, dans Une place au soleil
George se tétanise au fur et à mesure, jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il ne pourra pas aller au bout de son projet. Cette franchise intime de George avec lui-même – franchise que connaît le spectateur – sera balayée par le procureur lors du procès mais rejaillit dans les doutes sur sa culpabilité lorsqu’il est en prison.

Woody Allen proposera, dans Match Point, un remake lointain du film. Les modifications apportées au scénario sont importantes (en particulier une fin totalement différente) mais la comparaison entre les deux films reste passionnante.