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lundi 27 décembre 2021

La Double énigme (The Dark Mirror de R. Siodmak, 1946)

 



Ce film policier de Robert Siodmak, s’il n’est pas un très grand film, intrigue par son originalité : le nœud du mystère policier est levé très tôt et il ne reste plus qu’à découvrir qui, des deux jumelles, est coupable. Cette astuce juridico-policière une fois lancée, le film prend alors une tournure psychanalytique prononcée. Il n’y aura plus guère de surprise (on comprend assez vite où nous conduit le film) mais ce double jeu est très intéressant et donne le plaisir de voir Olivia de Havilland – très convaincante – camper deux personnages aux caractères très différents.
On se délecte aussi des trucages nombreux et très réussis qui émaillent le film et permettent aux deux sœurs de se partager à de nombreuses reprises le plan, sans recours à des abus de montage qui auraient décrédibilisé le film.



samedi 21 décembre 2019

Le Signe du cobra (Cobra Woman de R. Siodmak, 1944)





On est aujourd’hui un peu contraint, devant un film qui déverse autant de kitsch et de carton-pâte et qui met en scène un jeu d’acteurs à ce point théâtral et forcé, de prendre au second degré ce produit de l’Hollywood des années 50.
Ainsi, si le film n’est pas ridicule en soit, son traitement lui laisse peu de chances, tant l’évolution des studios a laissé derrière lui cette façon de faire.


On a peine à croire, aussi, que le film puisse avoir été réalisé par Robert Siodmak tant l'univers du réalisateur, habitué des films noirs, conduits dans des espaces restreints et faits d’ombre et de lumière expressionnistes, semble éloigné de ce technicolor grandiloquent, artificiel et surfait.


mercredi 22 mars 2017

Les Tueurs (The Killers de R. Siodmak, 1946)




Excellent film noir, à la narration en flash-back complexe mais passionnante et qui distille son atmosphère noire de fatalité avec efficacité. Ce destin implacable, si typique du genre, enserre impitoyablement Anderson (très bon Burt Lancaster dans son premier rôle, avec son grand corps athlétique, fragile et gauche) : manipulé par Colfax et ses sbires, il tombe sous l’emprise de la belle Kitty (Ava Gardner, parfaite femme fatale et envoûtante) ; Anderson névrosé, coincé dans son cauchemar, perdu, trahi, maudit, mort avant l’heure.
La narration est captivante : après que des tueurs ont exécuté leur contrat (dans un prologue éblouissant), on suit l’enquête de Reardon qui se révèle de plus en plus oppressante à mesure qu’elle permet de comprendre ce qui s’est passé (au niveau scénaristique – et non pas en ce qui concerne l’atmosphère – on retrouve les grandes lignes de Citizen Kane).
La première séquence, qui voit les deux tueurs arriver dans la petite ville de Brentwood, est exceptionnelle et peut être considérée comme un modèle du genre, avec sa photo contrastée, ses tueurs à gage venus de nulle part pour accomplir leur contrat et son atmosphère noire oppressante.



Le match de boxe est resté célèbre par sa violence qui rend le personnage infiniment loser, avec cette carcasse musclée qui semble trop grande pour lui. De même, le hold-up, filmé en plan-séquence depuis une grue, est une réussite spectaculaire. Ce mouvement contraste avec la multitude de plans en intérieur, serrés, qui écrasent les personnages dans un noir et blanc obsédant (on n’est pas loin de l’expressionnisme chez Siodmak, qui est resté influencé par les réalisateurs allemands, son pays d’origine).
Révélant Burt Lancaster et Ava Gardner, confirmant Siodmak comme maître du genre, Les Tueurs est un des plus grands fleurons du film noir.



On notera la reprise remarquable, mais en-dessous de l’original et avec une narration différente, dans A bout portant de Don Siegel. On s'intéressera aussi aux Tueurs de Tarkovski, court métrage qui reprend les premières séquences du film (l'arrivée dans le bar). La comparaison avec Siodmak est passionnante, d'autant plus qu'il s'agit d'une construction, d'un rythme et d'un thème que ne filmera jamais plus Tarkovski, dont l'oeuvre postérieure sera bien éloignée du film noir.


vendredi 28 octobre 2016

Le Suspect (The Suspect de R. Siodmak, 1944)




Très bon film noir, dominé par la figure ronde, calme et courtoise de l'excellent Charles Laughton. Robert Siodmak, dans un récit au rythme complètement maîtrisé, s’ingénie à montrer combien le mal est en chacun de nous puisqu’il est dans ce bourgeois tranquille et affable. Et le spectateur, placé du côté de ce doux monsieur Marshall, ne peut que constater combien le mal peut faire irruption dans une vie, non pas en fonction de la personnalité de chacun, mais bien plus en fonction des circonstances de la vie.
L’étude psychologique est très fouillée et le scénario joue entièrement sur la connaissance du spectateur des ressorts internes du personnage jusqu’au final original (mais tiré d’un fait réel). Siodmak comme souvent, filme avec une photo magnifique les rues de Londres emplies de brumes et d’ombres, où les pas claquent sur le pavé humide.



dimanche 10 avril 2016

Passion fatale (The Great Sinner de R. Siodmak, 1949)




Bon film de R. Siodmak qui explore le monde impitoyable des casinos et des tables de jeux.
Le scénario s'inspire fortement du Joueur de Dostoïevski, et l'intrigue mêle de nombreux éléments liés à la fois au roman et à Dostoïevski lui-même (jusqu'au nom du héros du film). La narration se complexifie encore puisque Fédor, héros du film, est un écrivain qui devient peu à peu le héros du roman qu'il est en train d'écrire sur l'univers du jeu. Et, mésaventure qu'a connue Dostoïevski, Fedor perd au jeu ses droits sur ses propres romans.
A ce jeu complexe de narration se rajoute l'intrigue elle-même (racontée en flash-back) où Fedor (impeccable Gregory Peck) est un écrivain amoureux de Pauline (Ava Gardner). Il parvient à la sortir de l'emprise du jeu, pour ensuite, dans un schéma de transfert très habilement raconté, tomber à son tour en addiction. La classe de G. Peck laisse alors place, peu à peu, à la fébrilité du drogué.
Le film est formellement très réussi, avec une ambiance riche et baroque (cet aspect baroque est beaucoup plus présent ici que dans les films noirs typiques du réalisateur). Siodmak appuie la tentation finale de Fédor par des plans étonnants.


jeudi 11 avril 2013

Pour toi j'ai tué (Criss Cross de R. Siodmak, 1949)




Très grand film noir réalisé par un des très grands maîtres du genre, Cris Cross (1) suit les codes habituels du genre et, comme tous les grands films de genre, le transcende par des apports originaux ou uniques.
On retrouve alors les éléments que maîtrise parfaitement Robert Siodmak (et vus, par exemple, dans Les Tueurs) : une photo magnifique, un personnage principal (Burt Lancaster, parfait comme toujours) enfermé dans un destin implacable, une femme fatale toute de fausseté, un monde de gangsters qui sont autant de petites frappes.
Si Siodmak maitrise à la perfection ces codes il construit, par-dessus ces éléments, une atmosphère étrange, onirique, comme détachée du monde. Les personnages – et notamment Thompson –, prisonniers de leur passé, semblent errer sans espoir dans un univers déconnecté de la réalité du présent. Cette sensation vient à la fois de l’assemblage de  plans larges et moyens de Siodmak, qui rejette les personnages loin les uns des autres ; de la musique lancinante ; de la photo qui découpe le cadre étrangement autour des personnages, les isolant dans un univers détaché et lointain ou d’une profondeur de champ qui étire les décors à n’en plus finir.



Siodmak, habilement, construit son intrigue à coup de flash-backs (là aussi comme dans Les Tueurs) et complexifie progressivement ses personnages. Thompson, obsédé dans son amour, sait parfaitement qu’il n’échappera pas à son destin, mais, comme pour les grandes figures du genre, fonce tête baissée.
La séquence du casse, enfin, est magistrale et le final est un aboutissement parfait et inéluctable.



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(1) : On préférera le titre d’origine, tellement plus évocateur que la platitude de « Pour toi j’ai tué ».