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jeudi 1 juin 2023

L'Homme aux lunettes d'écaille (Sleep, My Love de D. Sirk, 1948)

 



Intéressant film noir qui montre que Douglas Sirk, dont on retient surtout des mélodrames magnifiques, a aussi traversé différents genres (western, film historique, polar, etc.) avec de bonnes fortunes comme c’est le cas ici.
Le film reprend la mode des thrillers psychologiques – avec Alison qui est manipulée et que l’on fait passer pour folle –  aux côtés de Hantise de Cukor ou du Mystérieux docteur Korvo de Preminger.

En plus de l’ambiance réussie et de la tension savamment dosée, on retrouve avec plaisir une distribution irréprochable (Claudette Colbert, Robert Cummings, Raymond Burr).

 



mercredi 24 mai 2023

Paramatta, bagne de femmes (Zu Neuen Ufern de D. Sirk, 1937)

 



On retrouve déjà, dans ce film allemand d’avant-guerre, toute la substance des célèbres mélodrames américains de Douglas Sirk (qui signe encore de son nom Detlef Sierck). Le film est construit autour de personnages plus complexes qu’il n’y paraît, personnages qui hésitent, notamment Finsbury, indécis, que l’on pense frivole et cynique mais qui est, en réalité, on ne peut plus sincère. Regard sur la société et ses carcans, le mélodrame, empli de chants (que l’on retrouvera dans La Habanera par exemple), porte une humeur particulière, pleine de tristesse, de nostalgie d’une vie ratée, de sacrifices beaucoup trop grands. Cette beauté particulière, par moment tout à fait magnétique, donne au film une tonalité étrange qui annonce les plus grands films de Sirk.

 


jeudi 18 mai 2023

La Fille des marais (Das Mädchen vom Moorhof de D. Sirk, 1935)

 



Dès son deuxième film, la maîtrise et la sensibilité de Douglas Sirk éclatent à l’écran. Dans ce drame au ressort assez classique, c’est toute l’atmosphère créée par Sirk qui prévaut, avec, peu à peu, ces non-dits qui s’affirment entre les personnages, ces ressentis avec lesquels le film joue parfaitement.
La scène clé – lorsque Helga vient répandre de la cendre sur le poêle, façon pour elle de s’approprier la maison et de manifester son amour pour Karsten – est magnifique : Sirk joue avec élégance de sa caméra en suivant le regard d’Helga, la fait tourner sur elle-même et revenir vers les personnages en suivant leurs ombres conjointes. On tient là toute la virtuosité du réalisateur qui a parfaitement compris comment saisir le spectateur et lui faire ressentir, en même temps que les personnages, ce qu’eux-mêmes comprennent quant à leurs sentiments respectifs.

 


vendredi 29 mai 2020

Scandale à Paris (Scandal in Paris de D. Sirk, 1946)




Douglas Sirk surprend avec ce film historique, loin des mélodrames qui feront bientôt sa gloire. Mais, dans ce genre si particulier, il se coule avec une aisance sidérante dans les aventures de Vidocq. L'ouverture, avec le timbre si particulier de la voix off de George Sanders, est d'une fluidité étonnante (la naissance en prison), puis Sirk passe tranquillement d’un moment à l’autre, sautant sur quelques années, jouant des lieux et des décors, construisant des moments intimes, saupoudrant le tout d’intrigues policières et se permettant de jolies métaphores. C’est ainsi que Vidocq prête son visage à Saint-Michel avant, lui-même, en fin de film, de se transformer en Saint-Michel, en tuant en quelque sorte son dragon. Il exauce ainsi sa bien-aimée qui voyait un saint là où il n’y avait, encore, qu’un bandit.
George Sanders est remarquable dans ce rôle taillé sur mesure, avec sa prestance, son charme et son flegme britanniques. Il est parfait en gentleman cambrioleur fin, raffiné et machiavélique. Il donne aussi une distance doucement ironique à son personnage, qui rejoint le ton général de ce film brillant et savoureux.



dimanche 17 septembre 2017

La Ronde de l'aube (The Tarnished Angels de D. Sirk, 1957)




Très bon film de Douglas Sirk, La Ronde de l’aube est un mélodrame sombre et  tragique qui tranche avec beaucoup d’autres films du réalisateur. En effet, bien qu’il reprenne trois des acteurs qui formaient le quatuor d’Écrit sur du vent, réalisé deux ans plus tôt (Rock Hudson, Jack Stark et Dorothy Malone), le film ne distille pas du tout la même atmosphère. Bien loin du baroque haut en couleur, le noir et blanc est âpre et le ton très sombre et désespéré. On reconnaît parfaitement le ton de Faulkner (le film est une adaptation d’un de ses romans), avec des personnages à la dérive, chacun pris par des passions dévastatrices ou des démons dont ils ne s’extrairont pas. C’est l’Amérique de la Grande Dépression, emplis d’êtres perdus, torturés et désespérés (on pense aux Désaxés de Huston).
Les acteurs sont remarquables, en particulier Jack Stark qui interprète Roger, qui évolue dans un autre univers, sans rien voir autour de lui et qui sacrifie sa vie à une passion folle qui le condamne. Et il n’est que la mort de Roger – dans un sacrifice qui est un demi-suicide – qui puisse libérer Laverne. L’oraison funèbre prononcée par Burke est exceptionnelle.


On remarquera l’allusion nette de Sirk au paradis perdu, de même que dans nombre de ses films : ici Laverne lit Mon Ántonia de Willa Carther, qui évoque les champs de son enfance. Cette évocation (semblable à celle de Twain ou Thoreau dans d'autres de ses films) dispense Sirk de montrer à l'image ce paradis de l'enfance (comme il le fait dans Écrit sur du vent). Et, ici, ce paradis perdu ne sera jamais retrouvé (alors qu’il l’est, par exemple, à la fin de Tout ce que le ciel permet).


dimanche 19 juillet 2015

Tout ce que le ciel permet (All That Heaven Allows de D. Sirk, 1955)




Sublime film de Sirk qui, sous un aspect qui apparaît kitsch et naïf, propose une vision de l’Amérique à la fois très critique et très prophétique.
Tout ce que le ciel permet est d’abord une critique de l’Amérique des années 50. Critique dure qui prend comme déclencheur la situation d'une femme veuve qui aime un homme plus jeune qu’elle (quinze ans les séparent). Qu’il s’agisse du regard de la bonne société ou de celle de ses enfants, la condamnation est totale : Cary ne peut être heureuse comme elle l’entend. La scène où ses enfants lui offrent une télévision pour ne plus qu’elle soit seule est à la fois terriblement angoissante et terriblement prophétique.

Le reflet de Cary dans la télévision éteinte
Mais Sirk – et c’est là une richesse immense du film – ne se contente pas de critiquer, il propose des pistes pour se sortir de l’aliénation sociale qu’il décrit. En effet, par le personnage de Ron, Sirk fait allusion à la philosophie de H. D. Thoreau, allant même jusqu’à faire expliquer par un ami proche de Ron que « Ron n’aime pas Thoreau, il est l’incarnation même de cette philosophie ». Thoreau sera le philosophe majeur de la contre-culture américaine, qui se propagera dans l'Amérique qu’une dizaine d’années après le film. En ce sens, Sirk sent son pays d’accueil mieux que personne. Les producteurs ne jugeaient pas indispensables certaines scènes où il est fait allusion à Walden ou la vie dans les bois, c’est Sirk qui a insisté – on le comprend : une part de la substance de son film est là – pour que les scènes soient préservées.
Ron le jardinier qui cultive des plantes dans sa serre d'où il voit les étoiles et quelques arbres au dehors (« si on est impatient, on ne fait pas pousser des arbres ») ; Ron détaché de toute casification sociale, détaché de ce qui se fait ou ne se fait pas ; Ron qui construit, peu à peu, sa maison – son moulin – au bord de l’eau : il est la piste à suivre pour que la société américaine sorte de son carcan et revienne à des fondamentaux assainis. Sirk propose donc un retour à la Nature – rejoignant l’éthique d’harmonie proposée par Thoreau – tout en reprenant le mythe fondateur du pionnier qui construit son habitat.


Cary découvrant Walden ou la vie dans les bois de H. D. Thoreau
Il faut remarquer que le film décrit une société bien différente de celle montrée par N. Ray dans La Fureur de vivre (sorti la même année) où Jim (James Dean) cherche à secouer la société, en s’opposant à des parents beaucoup trop traditionnels. Chez Sirk les enfants ont les mêmes préjugés que les adultes et font partie des forces conformistes les plus puissantes.

Sirk parvient à résumer son film et son idée dans un ultime plan sublime.



mercredi 12 juin 2013

Écrit sur du vent (Written on the Wind de D. Sirk, 1956)




Grand mélodrame de Douglas Sirk, à la fois parfaitement conventionnel (dans les personnages, l’histoire, les sentiments exacerbés) et tout à fait baroque, de par son esthétique excentrique et haute en couleurs.
Les acteurs sont parfaits, avec la belle (Lauren Bacall) qui se tourne vers l’héritier raté et alcoolique (John Stark) et se détourne du bel homme intègre (Rock Hudson). C’est là le ressort du drame qui est l’occasion d’une description au vitriol d’une famille américaine très riche (même si le père est sauvé des divers vices familiaux) et que la fin, aux allures de fausse happy-end, condamne davantage encore. Dans de belles séquences Sirk évoque un paradis perdu de l'enfance, qui jouera comme ressort dramatique.


Les couleurs baroques, assorties de jeux de mise en scène détonants (exceptionnelle séquence que celle de la mort du père), font de ce film un bonbon acidulé et grinçant.


Et le derrick devient, entre les mains désespérées de Dorothy Malone, un beau symbole phallique.


mercredi 3 octobre 2012

Le Secret magnifique (Magnificent Obsession de D. Sirk, 1954)




Premier des grands mélodrames de Douglas Sirk des années 50, Le Secret magnifique, s'il n'a pas encore l'harmonie parfaite des prochains (Tout ce que le ciel permet en particulier), possède déjà une force lyrique étonnante.
La particularité de Sirk saute déjà aux yeux : à partir d'une histoire bien peu vraisemblable (un riche oisif devient un chirurgien émérite pour guérir celle qu'il aime et réparer ses torts), il parvient à rendre crédible l'histoire. On ne sait trop comment mais le récit, au lieu de s'écrouler sous les invraisemblances et les outrances, prend forme progressivement et s'élève.
Peut-être faut-il chercher du côté de la flamboyance du style de Sirk (déjà très présente, quand bien même elle n'atteint pas celle d'Écrit sur du vent), peut-être faut-il chercher dans la foi qu'il met dans le discours, remarquable, qu'il veut faire passer. Peut-être faut-il chercher dans la construction romanesque, complètement maîtrisée, qui emporte tout et accroche le spectateur qui adhère au récit et aux sentiments nobles qui se dégagent peu à peu. Peut-être faut-il chercher du côté des acteurs (Rock Hudson, que Sirk lance véritablement et Jane Wyman) qui composent parfaitement leur personnage.



Le personnage de Bob Merrick, notamment, se transforme du tout au tout et c'est sur cette évolution que se concentre toute la substance du film. Le secret, magnifique, qui lui est révélé consistant à servir autrui sans attendre rien en retour. Pour le personnage d'oisif insouciant qu'est Merrick en début de film, le chemin à parcourir est colossal : il va consister à commencer par prendre conscience d'autrui. Ensuite seulement il se rendra compte qu'il peut (qu'il doit) être utile et, enfin, que cette utilité doit être désintéressée.
Sirk explore donc le thème à la fois très riche et très peu traité directement de l'utilité de chacun dans la société. Dépassant donc la question de l'identité (qui suis-je) ou de la place dans la société (celle de l'existence sociale) mais bien de son rôle (ce qui, du coup, engage de se tourner vers autrui).

mardi 4 septembre 2012

Mirage de la vie (Imitation of life de D. Sirk, 1959)




Très grand mélodrame de Douglas Sirk, dont c’est le dernier long métrage, et qui semble s’orienter d’abord vers une histoire assez simple centrée sur Lora et ses rêves de gloire (elle sacrifie tout à son ambition d’être actrice, allant jusqu’à refuser une relation stable avec Steve Archer dont elle est pourtant éprise) mais qui s’enrichit en réalité considérablement en modifiant le centre de son propos, jusqu’à graviter de plus en plus autour de Sarah Jane, la jeune fille qui refuse sa condition noire et cherche à s’en émanciper, dans cette Amérique encore raciste des années 50. Ce que l’on a cru, le temps d’une séquence être très stéréotypé, devient en réalité un regard brûlant sur la société. Le film s’empare donc du problème du passing où des femmes noires à la peau suffisamment claire tentent de transcender leur condition en se faisant passer pour blanches. Le drame se noue alors à la fois dans les tentatives (qui échouent) de Sarah Jane d’intégrer le monde des blancs et dans le rejet très violent de sa mère, l’humble Annie, qu’elle renie. Comme Sirk dresse un portrait sur des années (avec de belles ellipses temporelles), l’on voit l’enfant devenir adolescent et affirmer sa volonté d’émancipation progressivement.

Sarah Jane en larmes devant le miroir qui lui renvoie
le reflet de sa mère noire qu'elle rejette
Le film construit ainsi, à partir de ces différentes histoires, un parallèle entre l’émancipation de Lora qui cherche à devenir actrice et celle de Sarah Jane qui cherche à devenir danseuse – blanche – dans un cabaret. L’une et l’autre, finalement, connaîtront bien des déceptions.

Mais la réussite de Lora apparaît bien superficielle et vaine de même que Sarah Jane ne parvient jamais à renier ses origines (et la séquence finale, même, montre ses regrets d’avoir rejeté sa mère noire). Sirk semble alors nous dire qu’il ne sert à rien de se mentir et que la vérité refera toujours surface. C’est un peu le sens du titre original (Imitation of Life) et du fameux générique où des diamants pleuvent sur l’écran.



La fin vient enrichir encore le récit puisque, plus le film avance et plus on se rend compte que le cœur du récit, l’âme du récit pourrait-on dire, n’est pas tant Sarah Jane que sa mère Annie. Face au rejet violent de sa condition noire par Sarah Jane, s’oppose la calme résignation de sa mère (elle va jusqu’à renoncer à sa condition de mère pour appuyer le mensonge de sa fille). La dernière séquence – à la fois lyrique et lacrymale – vient confirmer ce point d’équilibre d’Annie, où un immense hommage lui est rendu (avec des chœurs de Gospel, des chevaux blancs tirant le cercueil dans une grande procession). La position de Sirk sur les questions sociales qu’il aborde est sans doute à chercher du côté de cette position centrale donnée à une femme noire. Il montre que l’émancipation est vouée à l’échec (même s’il montre aussi les aspirations naissantes des femmes dans la société américaine) et que Annie, par sa résignation, semble plus digne, son film tient plus du regard acéré que d’une utopie sociale dénonciatrice.
Cette fin, cela dit ne résout rien, car on a peine à croire que la volonté d’émancipation de Sarah Jane, qui se réconcilie sur le cercueil avec sa mère, s’éteigne brusquement.



Sirk construit donc un film complexe, faisant résonner la chatoyance de certaines séquences avec d’autres glaçantes, des moments bouleversants avec d’autres très violents. Toujours pleine de symboles, la mise en scène, dont le cœur est ici le faux-semblant ou l’artificialité, accentue cette double impression – à la fois chaude et glacée –, jouant sur la lumière, les couleurs, les cadrages, les miroirs omniprésents qui viennent refléter la superficialité des aspirations, avec le monde de Lora et Sarah Jane, comme réduit aux deux dimensions d'une image, qui ne peut que les décevoir.