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vendredi 4 novembre 2022

Rue de l'Estrapade (J. Becker, 1953)

 



Si Rue de l’Estrapade est un film décevant, il permet en revanche de s’interroger sur la curieuse alchimie qui préside à la réussite ou non d’un film.
En effet, avec une équipe technique similaire, avec une distribution proche (Daniel Gélin, Anne Vernon), avec des histoires qui procèdent de la même humeur – celle de la chronique de mœurs qui cherche à saisir un moment de vie à la fois touchant mais sans être dramatique – Jacques Becker parvient à trouver l’équilibre
(avec Édouard et Caroline et, plus encore, dans Rendez-vous de juillet) et il est alors fluide, sans accroc, élégant et juste. Mais il peut aussi, au contraire – et c’est le cas, malheureusement, dans Rue de l’Estrapade – tomber à plat et s’essouffler, rester sans élan, sans que l’on croit aux personnages ou aux situations.
La faute peut-être à Louis Jourdain qui cabotine beaucoup trop. Ou à Daniel Gélin, lui d’ordinaire si juste, qui n’est pas à sa place. Mais son personnage est encombrant : la cour qu’il fait à Françoise n’est pas crédible et tourne à vide. Il y a donc les acteurs mais aussi les ressorts du scénario qui rendent un peu bancal ce film.

Rue de l’Estrapade, alors, permet de mieux se rendre compte, si besoin était, de l’extraordinaire réussite d’Édouard et Caroline et de Rendez-vous de juillet dont le rythme, l’équilibre et les personnages réjouissent continuellement.


mercredi 22 mai 2019

Casque d'or (J. Becker, 1952)




Grand film de Jacques Becker qui réalise une peinture sociale remarquable : à la description d’un milieu, il ajoute une série de portraits magnifiques qu’il brosse avec soin et humanité.
Becker le fait vivre sous nos yeux le Paris de la Belle époque, mélangeant les groupes sociaux, travaillant par petites touches, construisant des personnages de plus en plus complexes au fil du récit. On aime ces moments où Manda est chez le menuisier, à jouer du rabot ou encore lorsque Leca se taille les moustaches, tout en commentant le coup de la veille.
Le milieu interlope des apaches est très habilement montré, avec ses petits truands constitués en bandes, à la fois désinvoltes, fidèles (Raymond l’ami qui se sacrifie) mais aussi cruels (on tue un homme sans guère sourciller, car ainsi va la loi du milieu). Manda, simple, franc, sensible à la sincérité de ses sentiments, se prend de plein fouet la jalousie rustique de Roland et, ensuite, doit affronter la personnalité retorse de Leca.
L'amour magnifique de Manda et Marie transcende ce monde de petits malfrats et les élève loin au-dessus de cet univers sans pitié ni amour. Becker filme les amants avec douceur, finesse et un respect pour ses personnages qui contraste avec le machiavélisme avilissant qui les entoure et, fatalement, les contamine.


Simone Signoret signe l’un de ses rôles les plus célèbres (on sait que, dans sa carrière, l’aspect radieux de son visage, magnifiquement filmé, ici sera rapidement dépassé par sa dureté) mais, plus encore, ce sont Serge Reggiani (très humain dans ce rôle de bandit repenti qui tombe amoureux) et Claude Dauphin (parfait en chef de bande, tour à tour dandy, paternel, cynique et salaud) que l’on retient.


La séquence finale qui réunit, jusque dans la mort, les deux amants, est magnifique : construite, croit-on d’abord, pour montrer une prostituée qui fait une passe, elle élève au contraire le drame, en faisant communier Marie avec Manda guillotiné.

jeudi 23 octobre 2014

Le Trou (J. Becker, 1960)




Très grande réussite de Jacques Becker qui offre un film d’une sécheresse étonnante pour décrire une évasion à la prison de la Santé en 1947.
Les différentes étapes de la tentative sont décrites avec minutie, depuis le creusement du premier trou dans le sol de la cellule jusqu’aux efforts pour parvenir aux égouts. Les différents écueils rencontrés par les détenus (surveiller eux-mêmes leur cellule pour ne pas être surpris par les surveillants, mesurer le temps lorsqu’ils creusent, etc.) sont décrits et montrés précisément. Les relations de confiance ou de suspicion sont bien entendu au cœur même du film, en particulier du fait d’un nouvel arrivant dans la cellule : faut-il lui faire confiance ? Mais il n’y a guère d’alternative : si l’on ne peut lui faire confiance on ne peut s’évader.



On n’est pas, comme dans Un condamné à mort s’est échappé de Bresson, dans une quête métaphysique (qui est celle de la volonté de survie dans le film de Bresson), mais dans un récit d’un réalisme appliqué. Le style de Becker (absence de musique, des temps de creusements en temps réels, sobriété de la mise en scène) happe le spectateur tout au long de la tentative d’évasion. On tient là sans doute le meilleur film sur ce thème très classique.