jeudi 29 novembre 2012

L'Anguille (Unagi de S. Imamura, 1997)




Beau film de Shōhei Imamura, qui décrit avec une humilité et une simplicité remarquable la renaissance – complexe, entourée de symboles – d’un homme qui a tué sa femme surprise avec son amant.
Si Yamashita a tué sa femme et qu’il reconstruit une autre vie, il ne peut gommer tout à fait ni l’évènement lui-même, qui le hante encore, ni les raisons qui l’ont poussé à l’acte, dont les scories viennent polluer sa relation avec Keiko, qu’il a sauvée du suicide et qui évoque étrangement sa femme assassinée (Vertigo apparaît alors en filigrane). Ne voulant pas voir resurgir le passé, Yamashita semble s’interdire le moindre sentiment.
L’histoire de cette renaissance, après huit ans de prison, dans la campagne aux abords de Tokyo, dans un petit salon de coiffure, loin du bruit et de la fureur, mais entouré de quelques personnages décalés ou humains a quelque chose d’Ozu, et peut-être, aussi, de Kurosawa (on pense à Dodes’kaden au travers de certains personnages loufoques).



Imamura laisse planer une ombre étrange et onirique, avec toujours, immuable et immobile dans son aquarium, l’anguille à laquelle se confie Yamashita.



mardi 27 novembre 2012

Quand la ville dort (The Asphalt Jungle de J. Huston, 1949)




Quand la ville dort est le prototype du film de casse (un groupe de malfrats qui attaque une bijouterie, la nuit, en forçant le coffre-fort après avoir contourné alarmes et gardiens) et il inspirera beaucoup le genre.
La séquence du casse est en elle-même assez courte : elle ne constitue pas le cœur du récit qui s’attarde davantage sur les trajectoires des protagonistes, depuis le recrutement jusqu’à la chute. Huston prend donc le temps de creuser plusieurs personnages (l’ouvreur de coffre-fort, le dur à cuire, le chauffeur, le bailleur de fond, etc.) et de les épaissir, faisant de chacun d’eux plus qu’un simple homme de main. On suit donc le recrutement du petit groupe, avec les jeux de faux-semblant avec la police, le casse lui-même et l’échec, ensuite, des différents protagonistes, arrêtés ou abattus, tombant sous le coup de leur destin.

La séquence du casse inspirera beaucoup les réalisateurs puisqu’il est repris à l’identique par J. Dassin dans Du rififi chez les hommes et qu’on retrouvera – avec une sécheresse formelle encore plus accentuée – des accents hustoniens dans le casse filmé par J.- P. Melville dans Le Cercle rouge.


samedi 24 novembre 2012

Les Amants diaboliques (Ossessione de L. Visconti, 1943)




Premier film (1) de Luchino Visconti qui jette un pavé dans la mare fade du cinéma italien éreinté par le satrape mussolinien.
S’il reprend un polar américain (Le Facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain), Luchino Visconti se désintéresse largement de l’intrigue elle-même (il se contente de suivre la structure générale du récit) et son vrai propos est ailleurs : le drame social qu’il décrit lui sert de support à une peinture de la campagne pauvre de l’Italie, une campagne miséreuse et frappée par le chômage et que Visconti scrute et filme avec une touche réaliste tout à fait absente, alors, du cinéma italien (embourbé dans les fadaises du cinéma des téléphones blancs). Ce que fouille Visconti ce n’est pas le drame qui se noue (le meurtre du mari gênant est même traité par une ellipse), c’est l’analyse psychologique de chacun (avec les hésitations de Giovanna, les remords et les tentations de Gino) et l’arrière-plan social si dur.
Assistant de Renoir sur plusieurs films (notamment Les Bas-fonds et Toni), Visconti en retient une attention décisive sur les détails, les petits riens qui font tant, auprès de chaque personnage, qui est dépeint avec une justesse et une puissance visuelle étonnante. Et le film est enveloppé d’une noirceur rare.



Le film est ainsi le premier qualifié de « néoréaliste », quelques années avant que Rossellini ou De Sica ne filment, aux-aussi, l’Italie de la rue, telle qu’elle se présente à leurs caméras. Il faut noter, cependant, que si Ossessione, à l’époque, semble particulièrement réaliste, on peut lui trouver, aujourd’hui (surtout par rapport à d’autres films néoréalistes ultérieurs), un certain lyrisme, avec, par exemple, une caméra qui innove beaucoup ou encore ces airs d’opéra que glisse Visconti ici et là.





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(1) : Film dont on préférera le titre original Ossessione, le titre français sonnant terriblement faux et racoleur.

jeudi 22 novembre 2012

Zodiac (D. Fincher, 2007)




Film surprenant de David Fincher, dont on pouvait attendre, face à un pitch annonçant la poursuite d’un serial-killer qu’il mette en avant le serial-killer, avec ses effets de manche racoleurs habituels. Mais rien de tout cela ici : Fincher a remisé ses manières aguicheuses pour un film étonnamment sobre, calme, lent, concentré davantage sur le travail d’enquête qui tourne en rond, avec les enquêteurs et les journalistes qui s’interrogent et pataugent.

On a bien une petite complaisance dans les meurtres (Fincher ne pouvait pas se retenir tout à fait) mais pour le reste la sobriété et l’accroche au réel sont de mise (l’enquête est basée sur deux romans eux-mêmes inspirés du fait divers réel).
La durée inhabituelle du film (2h40) répond à la durée très longue de l’enquête et Fincher, à coup d’ellipses temporelles, montre le travail journalistique qui vient polluer l’enquête, les fausses pistes longuement suivies pour rien, les soupçons que l’on ne parvient pas à transformer en preuves, etc. Et l’on voit peu à peu combien tous s’épuisent et se consument, tour à tour, dans cette recherche vaine qui les obnubile.



mardi 20 novembre 2012

King Kong (E. Schoedsack et M. C. Cooper, 1933)




Film légendaire au succès colossal, King Kong est un des premiers mythes entièrement cinématographiques (non issu de la littérature, à la différence de Dracula, Frankenstein ou encore Tarzan) et qui a eu une influence considérable. Le film marque par ses trucages, son exotisme aventurier mais aussi, bien entendu, par son érotisme puissant.
Pour ce qui est des trucages, le film propose un ensemble de techniques qui seront des grands classiques des effets visuels et qui seront utilisés pendant des décennies (jusqu’à la révolution numérique). Bien plus qu’une simple démonstration technique, ces trucages participent d’une ambiance onirique, étrange, renforcée par la très bonne photo avec des oppositions marquées de noirs et de blancs.



Bien plus qu’une version revisitée et exotique de la Belle et la Bête, le film est à la fois riche en symboles et prête à réfléchir. En premier lieu les relations entre les villageois indigènes et King Kong sont complexes. Pour les villageois King Kong est bien plus une divinité qu’une force destructrice, divinité crainte et qu’il faut apaiser (et remercier, via des sacrifices humains, de sa protection contre les véritables monstres que sont les ptérodactyles et autres dinosaures). Cette complexité des relations villageois-King Kong s’exprime au travers de la gigantesque porte qui barre l’entrée du village : si l’on comprend qu’il faille un mur infranchissable, on s’interroge sur la nécessité de faire une porte à l’échelle du monstre, alors que celui-ci n’est pas destiné à entrer dans le village. Pourquoi, dans ce cas, une porte à sa taille (Spielberg en reprendra l’image dans son Jurassic Park) ? Cette porte, qui est une frontière entre deux mondes qui s’opposent, peut être comprise en interprétant le rôle de King Kong dans l’inconscient des villageois (les monstres expriment le plus souvent des fantasmes ou des blocages inconscients individuels). Tant que l’équilibre est maintenu entre Kong et les indigènes, celui-ci ne franchit pas la porte et reste sagement « de l’autre côté ». Mais, aussitôt que la puissance du monstre est libérée, celui-ci foncera et pénétrera dans le village.



C’est que l’arrivée des aventuriers américains va détruire cet équilibre et rebattre les cartes de rôle. Car, au lieu de dévorer séance tenante la jolie blonde qui lui est sacrifiée, le gorille emporte, protège, et finalement aime celle qui était sa proie. King Kong, tout à coup, n’agit plus comme un monstre. Au contraire, King Kong est devenu une proie pour les aventuriers – et notamment Carl Denham, dépourvu du moindre sens moral et qui semble uniquement guidé par le profit. Et, le bel équilibre mis à bas, King Kong se transforme alors vraiment en force destructrice.
Ensuite, de l’île à New York cela ne change rien, il ne s’agit que du passage d’une jungle à une autre : la force destructrice continue de s'y déchaîner...

lundi 19 novembre 2012

Cette sacrée vérité (The Awful Truth de L. McCarey, 1937)




Excellente comédie, archétype du genre dans le cinéma américain d’avant-guerre. Léo McCarey brode infiniment sur un thème classique : le mari et la femme se séparent au début du film, on sait pertinemment qu’ils se retrouveront à la fin et l’heure et demie entre ces deux moments est le prétexte à tous les marivaudages, les petits pièges pour éliminer des prétendants, les tentatives d’aller voir ailleurs, etc. le tout sur fond de dépit amoureux et de jalousie.



Le sel du film consiste dans le jeu des acteurs, magnifié par la mise en scène de McCarey, maître du genre, qui joue avec adresse sur la longueur des scènes, sur la variété des situations, utilisant avec aisance un héritage venu tout droit du burlesque pour faire se répondre le comique de gestes, de situations et de dialogues. C’est là que le jeu des acteurs est décisif : Cary Grant à l’aise comme un poisson dans l’eau dans ce registre, avec son débit de parole si rapide et son second degré si naturel. Avec des tels acteurs toutes les situations, même les plus improbables, mêmes celles qui sont emmenées le plus loin, passent avec aisance.



mercredi 14 novembre 2012

Edward aux mains d'argent (Edward Scissorhands de T. Burton, 1990)




Très joli conte (signalé d’emblée et de façon très poétique par la neige qui recouvre le logo de la 20th Century Fox) où Tim Burton fait débarquer dans une banlieue proprette, sucrée et sans âme, son étrange et poétique personnage d’Edward, homme construit par un créateur isolé dans son château gothique, construit mais inachevé. Toute l’âme du film, sans doute, est dans cet inachèvement. C’est de lui, essentiellement, qu’Edward tire sa différence, son étrange attraction, mais aussi sa fragilité. Edward ressemble alors à un Pinocchio en bois qui n’a pas encore été métamorphosé en petit garçon.
Petit Pinocchio qui va tenter de se fondre dans la masse, acceptant d’être manipulé, apprenant l’hypocrisie, découvrant la méchanceté. Burton joue tout au long du film sur cette partition du monde : la vie réglée, morne, stupide, superficielle des humains et celle, féérique, d’Edward. La petite vie américaine en prend pour son grade, notamment au travers de cette hypocrisie de l’assentiment superficiel. Les femmes, en particulier, si elles sont un temps fascinées par Edward qui taille buissons, chiens et bientôt cheveux sans équivalent (avec une scène de coiffeur érotico-comique remarquable), voient bientôt titillée leur frustration, frustration qui règne dans le lotissement. Et ce monde rose et sucré va bientôt dégoupiller et rejeter Edward avec violence.


Les scènes en flash-back auprès de son créateur sont amusantes (l’esprit créatif et gothique de Burton s’en donne à cœur joie) ou touchantes : son créateur meurt avant de le doter de mains.
Mais, pour que Pinocchio devienne un petit garçon il eut fallu être accepté par la petite société du lotissement. Las, pour Burton – dont le manichéisme un peu facile passe bien, genre oblige – tout n’est que façade et illusion. Être accepté n’est pas possible pour le pauvre Edward : Pinocchio ne se métamorphosera jamais en petit garçon. Edward alors, qui ne peut être accepté par tout le monde va accepter la solitude.
Être comme tous ou rester seul : la leçon du conte, derrière sa féerie, est très acide.


lundi 12 novembre 2012

Classe tous risques (C. Sautet, 1960)




Intéressant deuxième film de Claude Sautet, qui reste sur le film de gangster. Mais, s'il s'appuie sur un très bon Lino Ventura, il délaisse sans doute trop les autres personnages. Par exemple les trahisons que subit Abel ne sont guère fouillées (on ne voit guère ceux qui le trahissent) et on regrette que le scénario cherche à isoler toujours plus Abel en ne s’attardant pas davantage sur Erik Stark (si ce n’est pour offrir un happy-end étrange au personnage), où on retrouve Bébel un peu dans le même rôle que dans Le Doulos, mais avec une autre morale.
Dès lors le film contraste avec ses films suivants (bien loin des films de gangsters) où il brillera à explorer plusieurs personnages en même temps, épaississant ainsi considérablement les drames intimistes qu'il aimait filmer. Il abandonnera donc Lino Ventura au profit d'Yves Montand ou de Michel Piccoli, qui excellent aux aussi, mais dans un tout autre genre.


samedi 10 novembre 2012

La Cérémonie (C. Chabrol, 1995)




Grand film de Claude Chabrol, qui s’appuie sur un thème classique chez lui (peindre des rapports de classe tout en tirant à boulets rouges sur la bourgeoisie) mais qu’il amène et construit parfaitement, en articulant son propos sur la rencontre de deux femmes, Sophie (Sandrine Bonnaire), la bonne analphabète, et Jeanne (Isabelle Hupert) la factrice. Ces deux femmes se trouvent et se liguent contre la famille Lelièvre, devenant en quelque sorte sœurs spirituelles, dans leur nihilisme et dans leur action destructrice et jusqu’au-boutiste.



Le film semble alors montrer que, pour Sophie et Jeanne, nulle intégration n’est possible : la structure de la société les exclut. Sophie ne peut occuper la place que lui assignent les Lelièvre. L’exaltation qui emporte Sophie et Jeanne entraîne la perte totale de toute morale et de toute distinction entre Bien et Mal. Ce ne sera donc pas en gagnant une place que les sœurs criminelles avanceront, mais en détruisant les autres.
Chabrol réussit parfaitement à conduire son récit, distillant un certain malaise, utilisant merveilleusement les dissonances entre ses deux actrices (l’une renfermée, l’autre beaucoup plus extravertie) et disséquant avec beaucoup d’acuité cette monstruosité qui gonfle sous le toit des Lelièvre.



jeudi 8 novembre 2012

Cinq femmes autour d'Utamaro (Utamaro o meguru gonin no onna de K. Mizoguchi, 1946)





Très beau film de Mizoguchi, dont la perfection formelle frappe encore. Chaque plan est une peinture précise, fine et composée. Leur composition touche la nature même de ce que dit Mizoguchi qui filme les femmes différemment des hommes (ici avec douceur et volupté, là en découpant différemment) ou qui met en valeur avec beaucoup de finesse Utamaro quand il peint. Utamaro est un double du réalisateur, évoluant pour son art, dans un milieu de femmes.


Mizoguchi rend ici un magnifique hommage à l’art, en passant par le dessin (art par lequel Mizoguchi s’est d’abord exprimé), mais qui est bien entendu une réflexion sur l’art en général et sur la passion dévorante pour l’art. Utamaro s’exprime au travers du dessin, c’est avec ses portraits qu’il dit sa passion pour les femmes qui l’inspirent. Mizoguchi relie donc infiniment l’inspiration de l’artiste à sa passion.
Mizoguchi, comme souvent, dresse de magnifiques portraits de femmes, qui doivent toujours lutter pour s’émanciper, exister ou se libérer. Femmes dont la passion amoureuse va jusqu’à la tragédie. Et, au milieu d’elles, l’esthète, artiste pur et inouï.
Le moment où Utamaro est condamné à vivre les mains liées (ce qui l’empêche d’exercer son art) permet de dénoncer la censure (censure qui a touché Mizoguchi, pendant la guerre mais aussi après, du fait du contrôle du Japon par les Américains). Au travers de cette censure, Mizoguchi montre aussi combien l’unique possibilité de vivre, pour Utamaro comme pour lui, ne peut se faire qu’au travers de l’art. La censure est plus qu’une simple réduction des thèmes que l’on peut aborder, elle devient une véritable amputation : l’artiste ne peut plus saisir ni l’humeur du temps ni la passion de la vie.

mardi 6 novembre 2012

Les Oiseaux (The Birds de A. Hitchcock, 1963)




Célébrissime film de Alfred Hitchcock qui continue d’innover et de chercher à surprendre le spectateur. Il démarre ici sur une thématique déjà croisée (l’exploration d’un espace mental – ici celui de Melanie – rappelant Vertigo, Psychose ou encore Marnie) mais qui prend une tournure fantastique étonnante au fur et à mesure de l’avancée du récit.
Le film, comme Hitchcock sait si bien le faire, commence sur des bases bien différentes de là où nous emmènera le récit (sans aller jusqu’à une rupture totale comme dans Psychose). Il nous intéresse à Melanie (Tippi Hedren), en fait un portrait somme toute très négatif (à tel point que la première attaque de mouette semble une punition dirigée précisément contre elle), en la montrant jusqu’alors imbue d’elle-même, hautaine, affabulatrice et capricieuse. C’est elle le centre du récit, dans son rapport à Mitch, puis dans la famille de Mitch où le tableau se complexifie puisque Melanie est présentée en rivale de la mère de Mitch. Mais, dans le même temps, on apprend que Melanie a souffert de l’absence d’affection de sa mère. L’évolution de la situation (due aux attaques d’oiseaux qui se multiplient), va permettre à Melanie de changer du tout au tout, en abandonnant progressivement sa carapace distante, jusqu’à l’attaque finale dans la chambre, filmée comme un viol. Les scènes qui suivront accompagneront une renaissance à venir qui sera celle d’une autre Melanie.


Hitchcock parsème son récit de touches angoissantes qui prennent place progressivement (depuis les premières mouettes du premier plan), jusqu’à ce que les oiseaux envahissent tout le cadre ou que l’horreur de leurs attaques s’invite dans le cadre (le fermier trouvé mort, avec des plans rapprochés de son visage). Le climax sera atteint avec l’assaut final où les oiseaux retrouveront une part effrayante de hors champ (avec les coups de becs qui crèvent petit à petit les panneaux de bois).
Plusieurs séquences sont ainsi légendaires, en particulier celle de l’école. Melanie attend que la classe se termine, elle s’assoit le temps de fumer une cigarette et les oiseaux s’amoncellent peu à peu sur le portique derrière elle. La construction de la scène est parfaite, donnant à voir au spectateur ce que Melanie ne voit pas, en alternant les cadrages, jusqu’à ce que le regard de Melanie suive un corbeau et l’amène jusqu’au portique couvert d’oiseaux.



L’aspect fantastique est recherché par Hitchcock qui emmènera son idée jusqu’au bout : rien ne viendra rassurer le spectateur en donnant une explication rationnelle aux attaques d’oiseaux (les discussions dans le bar à ce propos se contentant de refléter des réactions d’habitants). Les attaques d’oiseaux s’amplifient, sont coordonnées, mais on ne saura rien de ce qui les détermine.
Le film prend alors une dimension originale, en montrant l’affrontement entre l’espèce humaine et son environnement qui l’attaque. Il est alors, en quelque sorte, le premier film sur le thème de « la nature se venge », annonçant les films écologiques ou apocalyptiques qui fleuriront à partir des années 70 (le très médiocre Phénomènes de M. N. Shyamalan en étant un exemple récent ou, bien entendu, l’assaut final d’Avatar).

samedi 3 novembre 2012

J'ai le droit de vivre (You Only Live Once de F. Lang, 1937)




Grand film de Fritz Lang qui, après Fury, continue de taper sur la société américaine (et, à travers elle, sur la société en général) : ici ce n’est plus une foule qui se déchaîne, c’est la société elle-même qui rejette Eddie Taylor, l’empêche de se réinsérer et ne lui donne aucune chance.
Eddie Taylor (excellent Henry Fonda, dont la douceur de jeu convient très bien) est un détenu libéré mais il est surtout un homme bon qui cherche à réintégrer la société. Mais celle-ci va s’acharner sur elle, de même qu’une malchance qui vient enfoncer le couple (Eddie n’est guère soutenu que par sa femme) et, très vite, on comprend que Lang ne laisse aucune issue à son personnage et que le happy end (qui lui avait été imposé sur Fury) ne sera pas de mise ici.


Eddie est finalement condamné à mort pour un crime qu’il n’a pas commis, et la fin dramatique (qui montre combien, malgré sa volonté de s’amender, il a été détruit par la société), est inéluctable. Le pessimisme de Lang s’exprime pleinement au travers de cet homme qui ne parvient jamais à s’extraire de la fatalité qui l’accable.
La mise en scène est classique, sobre mais extrêmement efficace (il enferme constamment Eddie dans des cadres qui l'emprisonnent). Lang distille malgré tout quelques séquences au style délibérément plus expressionniste (lors de la séquence de la prison en fin de film). L’ensemble est totalement maîtrisé (on retrouve la maestria de Fury) et Lang montre combien il est capable d’emmener l’émotion du spectateur précisément pour appuyer ici son idée d’une société responsable, in fine de la perte d’un homme qui voulait se racheter.