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vendredi 13 décembre 2019

Lame de fond (Undercurrent de V. Minnelli, 1946)




Très intéressant film noir même s’il pêche par quelques éléments qui le rendent un peu artificiel. Il part sur les bases d’une comédie classique, avec un démarrage en conte de fée : Ann (Katharine Hepburn) qui se trouve un mari idéal (Robert Taylor), jeune, beau, riche et entreprenant. Mais, rapidement, la situation devient sombre et mystérieuse et Allan se révèle très différent de ce qu’il semblait être. Allan, dont on voit l’impeccable figure se fissurer progressivement, sous les coups de butoir de tout ce qu’il refoule, étend son pouvoir sur Ann.
Mais le film pâtit de la présence de Katharine Hepburn, dont le jeu – certes en phase avec l’époque – passe assez mal aujourd’hui, avec cette façon de mimer (bien mal) le naturel. Son visage se fige sans cesse en un masque de doute ou en une grimace inquiète qui donnent un aspect perpétuellement théâtral à chaque fin de scène. Robert Taylor, lui, est très monolithique, quand bien même c’est son personnage qui veut ça, coincé dans le carcan de tout ce qu’il refoule. L’écart est patent avec le jeu très naturel et beaucoup plus moderne, de Robert Mitchum (qui joue le frère), tout en retenue et en douceur. Du coup, on regrette de voir si peu Mike, ce frère mystérieux.



Et puis, il faut bien dire, le film se perd un peu entre ce ton psychanalytique poussé, un climax final qui laisse un peu perplexe et les symboles innombrables mis en scène par Minnelli (la rigidité de Allan opposée à la poésie de Mike, le ranch chaleureux de Mike opposé à la froideur du bureau d’Allan, etc.). Le happy-end, largement symbolique, exauce Ann, qui trouve en Mike les promesses de son enfance – promesses faites par son père – qui sont symbolisées par la symphonie de Brahms jouée au piano.
Mais le changement de ton (le passage de la comédie au film noir) et la construction de deux univers (la prison d’Allan, opposée au monde de poésie, de sensation et d’émotion de Mike) sont remarquables.

Le film évoque Soupçons mais avec une intrigue inversée : là où, chez Hitchcock, Lina (Joan Fontaine) devait apprendre à faire confiance à son mari (Cary Grant), ici Ann découvre peu à peu l’emprise terrible de son mari sur elle et le danger qu’elle court.


vendredi 27 novembre 2015

Comme un torrent (Some Came Running de V. Minnelli, 1958)


Comme un torrent Some came running Vicente Minnelli Affiche Poster

Film éblouissant de Vincente Minelli, qui explore la société américaine avec une finesse rare et une densité exceptionnelle. Minnelli dresse un portrait de l'Amérique, avec ses réussites, ses ratés, ses tares, ses tentatives, ses demi-mesures. On voit les personnages exister sous nos yeux, douter, s’affirmer, regretter, avancer, mourir.
Bien sûr les acteurs sont formidables, Shirley McLaine en tête, et son face à face avec l’Amérique honnête et propre sur elle – lorsque son personnage de fille facile et perdue rencontre l’institutrice – est extraordinaire. Et Minnelli n’oublie pas l’humour : faire chanter ensemble Frank Sinatra, Dean Martin et Shirley McLaine le temps de massacrer une chanson dans un bar est délicieux.

On a beau jeu de critiquer la toute-puissance hollywoodienne, il n’empêche que, des studios californiens, sortent sur l’Amérique des regards sans concession, au vitriol parfois, mais avec beaucoup de finesse et d'intelligence, bien loin d’un quelconque manichéisme. De sorte que, au travers de ses films, l’Amérique n’a besoin de personne pour être lucide sur elle-même.

Et on sait que bien des films sont incapables d’épaissir ne serait-ce qu’un personnage, quand, dans le même temps, Minnelli brosse quatre, cinq, six portraits, les affine, les confronte, les fait évoluer sous nos yeux. Il y a tant de films qui durent deux heures et qui nous montrent si peu de choses, nous font côtoyer si peu de personnages et nous amènent à si peu de réflexions ! Comme un torrent est un modèle magistral de ce qu’un film peut construire et apporter, aussi bien intellectuellement qu'émotionnellement.
Bob Rafelson reprendra les grandes lignes dramatiques du film dans Cinq pièces faciles, mais avec une forme très éloignée de Minelli et du classicisme hollywoodien.

Franck Sinatra et Dean Martin

jeudi 20 décembre 2012

Les Ensorcelés (The Bad and the Beautiful de V. Minnelli, 1952)



Étonnant film de Vincente Minnelli puisque, en plein âge d’or d’Hollywood et en plein succès personnel (il a déjà reçu plusieurs oscars), il réalise un film qui n’hésite pas à montrer toute la cruauté de l’envers du décor, écornant l’image de l’usine à rêves. Le récit développe en effet la personnalité complexe de l’ambitieux et égoïste producteur Jonathan Shields.
Mais, avec beaucoup d’intelligence, le portrait d’Hollywood, s’il est féroce, apparaît beaucoup plus contrasté que de prime abord : si le producteur Shields est un ambitieux sans scrupule, il y a néanmoins beaucoup de dualité dans cette personnalité très forte. Astucieusement, le film construit la personnalité du producteur à partir de de la vision qu’en ont trois acteurs, qui, tous ont bénéficié du producteur avant de s’être fait trahir sans scrupule. Le récit s’articule donc autour de trois flash-backs (technique de récit que l’on trouve notamment chez Mankiewicz) qui font une lumière progressive sur ce producteur pour qui la fin justifie les moyens : rien ne compte réellement – ni la reconnaissance artistique, ni la reconnaissance humaine – si ce n’est l’aspect financier : réaliser des profits à tout prix. La complexité des rapports entre les personnages vient de ce que chacun des personnages, s’il a pu être trahi par Shields, a aussi été amené à la gloire grâce à lui.


Au travers de ce portrait à la fois nuancé et sans concession, Minnelli montre combien Hollywood peut briser les carrières qu’il a contribué à façonner. Il montre aussi combien le miroir aux alouettes de la gloire ne peut s’exonérer d’une superficialité, combien le rêve, en fait, ne peut oublier la réalité. Et s’il est question d’ensorcelés, ce peut être tout à la fois Georgia Lorrison, Fred Amiel et James Lee Bartlow, ensorcelés par Jonathan Shields ; Jonathan lui-même ensorcelé par le cinéma pour lequel il sacrifie tout ; ou le spectateur lui-même, ensorcelé par la magie du cinéma, ce sublime art du faux. Car ce film, en plus d’une lucide prise de conscience du cinéma lui-même, avec ses interprètes magnifiques et légendaires, son propos nuancé et ironique, sa totale maîtrise formelle, son noir et blanc savoureux, est un magnifique exemple de magie que peut produire cet art du faux qu’est le cinéma.