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mardi 14 septembre 2021

L'Opéra de quat'sous (Die Dreigroschenoper de G. W. Pabst, 1931)

 

Très grand film (1) de G.W. Pabst, dont la maîtrise et l’humeur très sombre envahissent chaque plan. La rigueur absolue de la construction se manifeste à chaque instant, avec des plans nets et très travaillés, avec des mouvements de caméra précis et envoûtants, avec des jeux de changements d’angles de vue perturbants, avec des contrastes tout en clairs-obscurs.
La noirceur du film s’exprime aussi bien dans cette mise en scène très formelle que dans l’histoire elle-même, qui nous fait naviguer de la pègre aux loqueteux, en passant par des policiers corrompus ou des prostituées. Aucune onde positive ne traverse l’écran : il n’y a ici que des renvois aliénants d’un monde obscur, noir, qui est comme une face cachée du monde apparaissant au cœur du plan. Les décors emplis d’ombre, d’entrepôts, de caves ou de cellules aux barreaux lourds façonnent une atmosphère où même un repas de mariage devient une farce grotesque, avec cet étalage d’objets volés et de victuailles. Et l’on pense à Stroheim devant cette bande de voleurs patibulaires qui s’esclaffent.

La morale, évidemment, est lapidaire : la pègre, l’autorité la plus corrompue et le capitalisme le plus sauvage sauront s’allier pour profiter des pauvres et les écraser.
Et, bien entendu, enveloppant tout cet attirail étrange et sombre d’une humeur triste, les chansons que Pabst essaime ici et là – à la fois comme des apartés et comme une sorte de commentaire off – achèvent de donner une noirceur terrible au film, tant le cinéma ne nous a pas habitués à des musicals sombres et cyniques
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(1) : Nous parlons ici de la version allemande, sachant que le film a été tourné simultanément dans une version française, moins happante et à l'humeur un peu différente.


vendredi 12 janvier 2018

La Rue sans joie (Die Freudlose Gasse de G. W Pabst, 1925)




Très beau film de Pabst, qui montre avec force les ravages de la grande pauvreté : il nous emmène dans le quotidien d’une rue de Vienne, où de nombreux personnages se croisent, chacun se rapportant à une situation donnée, toujours dramatique, et ce sont autant de destins qui se mêlent et rejaillissent les uns sur les autres. On a là, peut-être, une première idée d’un film choral, à la mode depuis Robert Altman.
Le film est tourné en studio et Pabst multiplie les scènes de nuit, ce qui renforce l’aspect oppressant et terriblement noir de la rue.



Pabst, avec un naturalisme à la Stroheim, montre combien, dans des conditions de vie déplorables, des profiteurs n’hésitent pas à faire leurs affaires, parfois sordides, comme le boucher qui, contre de la viande, propose aux femmes de coucher avec lui. Son regard social part des plus pauvres et va jusqu’aux commerçants et aux bourgeois, le tout sur fond d’inflation galopante et de grande pauvreté.
Et si l’argent qui corrompt et avilie les âmes est bien le fil rouge narratif (il est toujours question d’argent in fine, d’argent qui manque ou d’argent qui est amassé), une violence sexuelle, laissée hors-champ mais très fortement suggérée, envahit le film.


samedi 17 mai 2014

Loulou (Die Büchse der Pandora de G. W. Pabst, 1929)




Chef-d’œuvre extraordinaire de Pabst, qui parvient à lier dans son film le réalisme et l’expressionnisme, son film glissant, au fur et à mesure que la mort se resserre autour de son personnage, vers un clair-obscur de plus en plus menaçant. Il en ressort une peinture sociale complexe de Pabst et l’on passe de fêtes bourgeoises traitées de façon réaliste, à un Londres sombre, brumeux, gothique, expressionniste. Pabst, en cherchant à obtenir un jeu particulier d’acteurs, fit retourner maintes fois certaines scènes (ce qui était très rare à l’époque et ce qui plut beaucoup à Louise Brooks).

L'expressionnisme des dernières séquences
Loulou, femme légère et entretenue – qui est comme une lumière à laquelle viennent se brûler les ailes tous les hommes qui la croisent –, tout à fait consciente de cette attirance irrépressible qu’elle exerce sur les hommes, intrigue et manipule. Elle est ainsi une incarnation de Pandore, créée par les Dieux pour se venger des hommes, et à laquelle fait allusion le titre original (titre d'une pièce de F. Wedekind, dont le film est une adaptation). Mais ce jeu se retournera contre elle : elle ne peut que mourir, au contact de ces hommes qui ne parviennent pas à l’aimer. Le film est ainsi une espèce de danse de mort avec au centre, l’extraordinaire Loulou.

L'irrésistible Louise Brooks, au look éternel
Le tournage faillit se faire avec Marlène Dietrich, mais Louise Brooks, voulue par Pabst contre l’avis de plusieurs de ses collaborateurs, devint alors la première actrice américaine à tourner en Europe. Son interprétation est exceptionnelle : sa grande beauté, la sensualité naïve qui se dégage de son corps, la fameuse coiffure cernant le visage, tout cela contribue à faire de Loulou l’incarnation de l’innocence féminine pure, extrêmement attirante, irrésistible. De sorte que Louise Brooks, avec son jeu très moderne (elle ne surjoue pas comme dans le muet d’alors, son visage reste impassible et c’est dans le scintillement changeant de son regard qu’il faut lire ses sentiments) irradie complètement le film.
Il faut remarquer que le personnage de Loulou – femme libérée et manipulatrice – est beaucoup moins scandaleux aujourd’hui qu’à l’époque du film (film qui eut bien des démêlés avec la censure).