Affichage des articles dont le libellé est Wellman William. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Wellman William. Afficher tous les articles

samedi 12 février 2022

Convoi de femmes (Westward the Women de W. Wellman, 1951)


 



Western assez conventionnel, malgré le pitch qui se veut original : plutôt que de convoyer du bétail à travers le pays, ce sont cent cinquante femmes à qui Buck Wyatt doit faire parcourir plusieurs milliers de kilomètres, en direction de la Californie. Déserté par les hommes, le convoi avance coûte que coûte.
Mais il n’y a rien de bien original dans cette longue chevauchée : les difficultés rencontrées, les morts ou les épreuves qui se succèdent passent en revue les habituelles embûches (chariots embourbés, attaques d’Indiens, désert sans eau, etc.). Robert Taylor fait le job, mais là aussi sans surprise : son personnage très rigide rejoint celui de Tom Dunson dans La Rivière rouge et il nous rappelle qu’il faut des hommes très durs au mal pour mener à bien ce type d’entreprise folle.
Mais il n’y a guère d’épaisseur psychologique chez tout ce petit monde, guère d’élan ou de souffle épique, juste une illustration de la conquête de l’Ouest sous un angle certes orignal – les femmes viennent rejoindre les hommes exilés en Californie – mais qui, in fine, n’apporte pas grand-chose.

 

vendredi 16 août 2019

Wild Boys of the Road (W. Wellman, 1932)




Très bon film de William Wellman, nerveux et sec, construit avec énergie et qui nous emmène sur les routes de l’Amérique des années 30, bringuebalant sa cohorte de paumés rejetés sur les routes.
Wild Boys of the Road constitue un road-movie sans but et sans guère d’espoir, où une communauté de jeunes hobos est confrontée au délaissement, à la pauvreté et à la violence des autorités. Le film, emmené par un trio de personnages (duquel émerge le très bon Frankie Darro), est parfois très sombre (l’accident de Tommy, le viol de Sally). Et l’on reste surpris par la fin pleine d’espoir (mais qui est assez typique de la Warner) et qui constitue un happy-end somme toute assez artificiel.


On trouve une descendance à ce film jusque dans les années 70, quand Aldrich (dans L’Empereur du Nord) ou encore Scorsese (avec Bertha Boxcar) retravailleront ces motifs typiques de la Grande Dépression au cinéma.


vendredi 1 décembre 2017

Héros à vendre (Heroes for sale de W. Wellman, 1933)




Très grand film de William Wellman, qui montre qu’un format assez court (à peine 1 heure 10) permet néanmoins de raconter une histoire ample et qui s’étale sur de nombreuses années et en différents lieux, pour peu qu’on sache raconter une histoire. On a rarement vu un film avec une telle densité. Là où un réalisateur moderne aurait produit 3 heures avec un tel scénario, Wellman montre qu’il n’est nul besoin d’engraisser un film.
Héros à vendre est découpé en plusieurs tableaux (la guerre, la banque, la pension, l’usine, etc.) et Tom Holmes (admirable Richard Barthelmess) passe son temps à se faire littéralement éjecter de chaque tableau, les uns après les autres. Alors qu’il réussit pourtant à chaque fois, avec humilité et bonne volonté, sans cesse il se fait rejeter, repousser, il subit les événements et doit repartir de zéro. Le film est très dur pour l’Amérique : ce personnage magnifique n’est pas reconnu et, bien pire, il se fait persécuter (notamment par les deux flics qui chassent les communistes).


Le film, tourné en 1934 est dans cette petite période du pré-code où Hollywood  constitue son propre code de censure mais ne l’applique pas encore. Le film aborde plein de thèmes qui seront interdits ; on a même l’impression de voir un catalogue de tout ce qui sera censuré à Hollywood dans les trente années qui suivront Ces différents thèmes sont abordés avec une franchise incroyable : la peur et la lâcheté au combat ; un héros morphinomane, en manque et qui va se ravitailler auprès de son dealer ; le traitement des vétérans de la guerre ; les communistes clairement désignés (le simple mot mot « red » sera interdit) ; le baiser à la tante alors que sa femme est morte ; les flics présentés comme des mafieux persécuteurs ; la façon dont le film parle de l’Amérique (« l’Amérique est finie » ; « les rubans et les médailles ne valent rien »), etc. On est très loin de la morale que construira par la suite un Hollywood censuré par le code Hays avec lequel les cinéastes devront rivaliser d’inventions, de circonvolutions et de figures de style pour ne serait-ce qu’évoquer l'un de ces thèmes.


Mais l’altruisme de Tom Holmes – qui préconise, dans ses valeurs, le héros à la Capra (simple, humble, digne et intègre)  est récompensé : c’est bien son portrait qui orne le commerce familial et son fils veut lui ressembler (« mon père ce héros »). On peut admirer longtemps un film qui dit tant et si bien, avec une telle concision.


vendredi 15 septembre 2017

La Ville abandonnée (Yellow Sky de W. Wellman, 1948)




Western très réussi de William Wellman, qui vaut d'abord pour sa première demi-heure, très réussie, son ton général très sombre (on parlera volontiers de western noir à propos de ce style, qui imprègne aussi L’Étrange incident par exemple) et la virtuosité de nombreux plans, inventifs ou saisissants.
Wellmann réussit en effet parfaitement son entrée en matière : un braquage rapide d’une banque et une course-poursuite qui s’engage, de façon très classique. On est surpris de voir Gregory Peck en chef des bandits (il est toujours discutable dans ces rôles à contre-emploi, un peu comme dans Duel au soleil). On voit, ensuite, la bande s’enfoncer en plein désert alors que le shérif et ses sbires laissent le soin au soleil de punir les hors-la-loi.


Cette traversée du désert est remarquablement bien filmée, avec une détresse progressive, des chevaux qui trébuchent et s’enfoncent dans les croûtes de sel, des gourdes qui se vident et des solidarités qui disparaissent. Ces scènes écrasées de soleil rappellent la séquence finale des Rapaces.

La nuit, éclairée par la Lune, s'étend sur le désert de sel

La croûte de sel se craquellent sous les sabots des chevaux

La suite du film, avec l’arrivée dans l’ancienne ville minière, la fièvre de l’or et le jeu du chat et de la souris avec Constance (Anne Baxter et Gregory Peck qui se tournent autour : on a très vite une petite idée de la fin du film), est moins originale mais Wellman fait montre d'une étonnante vista, en proposant de nombreux images remarquables, originales ou inventives. La photo est très sèche et les ruines délabrées de la ville, la clarté blafarde de la Lune ou encore la chaleur qui écrase tout sont très bien rendus.
Et le duel final est remarquable : montré hors-champ on ne voit, depuis l’intérieur sombre du saloon abandonné, que la lumière des coups de feu échangés.

Extraordinaire vue subjective, prise depuis l'intérieur
du canon d'une carabine

Très beau plan de nuit, avec les violents contrastes de la Lune


jeudi 27 avril 2017

L'Étrange incident (The Ox-Bow Incident de W. Wellman, 1943)




Très intéressant western de William Wellman, qui ne cherche pas à être spectaculaire ou attrayant, mais qui interroge le thème de la justice. Il s’agit même, très précisément, au-delà d'une approche de la justice expéditive, d'une dénonciation de l'erreur judiciaire.
Reprenant le thème du lynchage populaire (déjà traité par exemple par Fritz Lang dans Furie), Wellman restreint le sujet et le creuse davantage encore.
Il livre un film sans véritable héros. En effet, Gil, joué avec beaucoup de finesse par Henry Fonda, s'il peut servir de relais au spectateur dans le film, reste finalement bien passif et ne se dresse pas plus que ça contre la horde vengeresse. De même pour Davies, qui, s’il cherche à gagner du temps et veut faire douter ceux qui ne demandent qu’à lyncher les suspects, n'obtient rien de plus qu'un vote. Vote inutile : la décision se faisant à la majorité, les sept qui doutent de la culpabilité de Martin ne changeront pas la donne.
On peut mesurer ici l'écart qui existe entre cette justice expéditive qui se satisfait d'une majorité (on en retrouve trace dans Le Passage du canyon de Jaques Tourneur) et la justice actuelle, qui demande une unanimité du jury pour condamner à mort. C’est cette unanimité qui est le ressort de 12 hommes en colère de Sidney Lumet : avec un tel système, Martin et ses deux compagnons auraient été acquittés largement. Un autre aspect relie le film de Wellman et celui de Lumet : ici il fait nuit et les hommes veulent finir vite leur besogne parce qu'ils ont froid, quand, chez Lumet, à l'opposé, certains jurés veulent en finir rapidement pour sortir de cette pièce où l'on étouffe. Mais, dans ces deux films, l'attitude des jurés est le vrai point faible de la justice : chez Lumet l’accusé s’en sortira car le juré N°8 (Henry Fonda encore) convainc les jurés tour à tour, à force de doute. Chez Wellman la charge est beaucoup plus violente. C'est que rien n’arrêtera les vengeurs et ils pendront les trois bougres, dont Martin qui, dans une lettre sublime et essentielle, prend une dimension christique.
En effet, les mots de Martin, innocent exécuté, enjoignent son épouse à pardonner à ces hommes qui, en le pendant alors qu'il n'a rien fait, « ne savent pas ce qu'ils font » et à prendre pitié d'eux car ils devront désormais vivre avec cette mort sur leur conscience. La lecture de cette lettre est le fruit d'un beau travail de mise en scène de la part de Wellman (on ne voit pas les yeux de Gil qui la lit, mais uniquement sa bouche) et, scénaristiquement, justifie le sujet du film : la justice est nécessaire pour épargner les innocents mais elle n’est possible que parce que les hommes ont une conscience.
On remarquera, au-delà de cette très belle séquence finale, les jeux de mise en scène magnifiques qui viennent marquer la narration : ici les ombres des trois cordes, là le mexicain qui se confesse, ici encore un plan aérien sur les trois futurs condamnés qui dorment.


Il est tout à fait évident que ce film, réalisé en pleine guerre mondiale, qui n'a aucune ambition d'être divertissant ou spectaculaire, qui est même extrêmement sombre et statique (les deux tiers du film se situent sur le même lieu, ce qui est rare pour un western), n'avait aucune chance d'être une réussite commerciale. Il n'en reste pas moins qu'il est une réflexion très dure et très pertinente sur la justice, filmée de façon sobre, âpre, mais efficace et intelligente.