vendredi 30 juin 2023

L'Attaque de la moussaka géante (I epithési tou yigantiéou moussaka de P. Koutras, 1999)

 



Volontiers kitsch, volontiers parodique mais franchement mauvais, L'Attaque de la moussaka géante est un éprouvant nanar. Le film revisite le fameux The Blob des années 50.

Le film bénéficie d’une certaine aura chez les amateurs de nanars, qui semblent ériger en qualité la nullité scénaristique autant que technique, nullité aussi du jeu des acteurs ou du rythme. On se demande pourquoi.

 


mardi 27 juin 2023

La Main de fer (Tiān xià dì yī quán de C. O. Cheng, 1972)

 



Film de Kung-fu hongkongais servi par un argument assez simple, La Main de fer, aujourd’hui, doit être vu comme appartenant à l’être « pré-Bruce Lee », donc réalisé au moment où le genre – déjà engoncé dans le cinéma d’exploitation – n’a pas encore conquis l’Occident. Son argument très simple et son déroulement presque mécanique (même si le film multiplie les rebondissements) le rapproche de la série.
Mais si le film n’est guère original, Tarantino y a pioché plusieurs petits motifs que l’on retrouve glissés dans ses Kill Bill (par exemple la façon qu’a l’un des tueurs d’enlever soigneusement ses sandales avant de combattre, geste que reproduit O-Ren Ishii juste avant l’affrontement final).

 





samedi 24 juin 2023

Jeanne d'Arc (L. Besson, 1999)

 



Alors en plein succès (le film vient juste après Léon et Le Cinquième élément), Luc Besson propose sa vision très hollywoodienne de Jeanne d’Arc. Mais, au-delà de ce traitement à grand spectacle, les mauvaises habitudes de Besson et le rôle principal bien décevant viennent foudroyer le film.
Il faut dire que Milla Jovovich est une actrice beaucoup trop limitée, bien incapable de tenir un tel rôle. Très fade, sans intériorité, elle est bien loin de dégager une passion et un magnétisme à même d’incarner ce que Jeanne d’Arc – personnage habité s’il en est – est dans la mémoire collective et ce qu’elle peut représenter à l’écran.

Et si, derrière l’actrice principale, le casting se veut riche et si plusieurs rôles sont bien tenus (John Malkovich, par exemple, est très bien en Charles VII et il rappelle à notre mémoire la composition de Richard Widmark dans le film de Preminger) d’autres jeux d’acteurs sont problématiques par leur outrance (Vincent Cassel, Tchéky Karyo, etc.). Mais, plus que les acteurs, c’est ce que fait Besson des personnages qui pose problème, comme souvent chez lui : dans des films qui se veulent des drames et qui n’ont pas de dimension comique, il met des personnages qu’il traite en caricatures et dans lesquels il ne croit pas vraiment. Et l’on se retrouve alors avec un mélange (qui ne peut pas fonctionner) de personnages sérieux et construits au premier degré avec d’autres qui sont des personnages de comédie, traités au second degré.
Ce déséquilibre, très présent chez Luc Besson, en particulier dans les films des années quatre-vingt dix, brise toute tentative de produire une émotion, car comment croire en la sincérité et au réalisme de certains personnages réalistes quand ils en croisent d’autres superficiels, stéréotypés ou symboliques ?




mardi 20 juin 2023

Amsterdam (D. O. Russell, 2022)

 



Film assez décevant, partant sur une histoire assez rocambolesque (pourquoi pas) mais relevant d’une esthétique assez pénible, qui consiste à raconter de façon décontractée avec une voix off très présente et très proche du spectateur (« style » assez fréquent et que l’on retrouve par exemple dans The Gentlemen ou encore L'Affaire des Panama Papers). Cette manière de faire coince finalement les personnages qui restent sans grande épaisseur et sans beaucoup d’émotion : quand un personnage nous dit ce qu’il ressent, il ne ressent pas réellement.
Et, comme souvent dans ce genre de manière de faire, certains personnages se veulent sérieux (le général campé par De Niro par exemple) quand d’autres sont du registre de la comédie. De même pour certains plans, pour certains axes de caméras ou pour le montage de certaines séquences qui, eux aussi, tirent la narration vers la comédie. Et, comme souvent, cet ensemble qui oscille entre drame et comédie est bancal et n’est pas bien convaincant.

 

 

vendredi 16 juin 2023

Annette (L. Carax, 2021)

 



Comédie musicale assez peu prenante, qui brasse des thèmes assez classiques, jouant sur le succès et l’échec (on retrouve le thème habituel d’Une étoile est née par exemple), tout cela mélangé avec l’arrivée de sujets plus modernes mais assez pauvres (l’arrivée d’un bébé dans un couple qui perturbe le père…). On regrette que, de ce mélange inégal (certaines séquences sont réussies, d’autres ennuient davantage), sorte une humeur assez prétentieuse un peu trop souvent présente chez Léos Carax.
On notera plusieurs références visuelles très nettes à La Nuit du chasseur qui sert, assez curieusement, de réservoir d’images à Annette.


mercredi 14 juin 2023

Volver (P. Almodovar, 2006)





Très beau film de Pedro Almodovar qui réussit une nouvelle fois à entraîner le spectateur dans une histoire abracadabrantesque avec une facilité déconcertante. C’est que l’histoire en elle-même est complexe, à multiples tiroirs, emplie de chausse-trappes, mais tout passe avec l’aisance narrative d’Almodovar.
Alors, après un premier meurtre qui suit une tentative d’inceste, puis une apparition de fantôme, un cadavre planqué dans un congélateur, une mère revenue d’entre les morts, le tout dans un étonnant manège de personnages, Volver amène le spectateur vers la révélation finale avec l’inceste primordial qui finit par percer.

Almodovar parvient à reléguer au second plan le meurtre du père, à jouer avec la figure de mère issue de Bellissima (cité en fin de film et à laquelle renvoie Raimunda). Volver, alors, renvoie aux fantômes du passé qui reviennent à la surface et Raimunda (magnifique Penélope Cruz), tout au long du film, semble avoir le choix entre continuer à avancer coûte que coûte ou bien se tourner vers ce traumatisme passé non réglé. On notera le magnifique moment où elle chante, pour, dit-elle, faire plaisir à sa fille alors que c’est sa mère, cachée un peu plus loin et montrée en contrechamp, à qui est destinée, in fine, la chanson (comme dans Bellissima où la petite fille joue pour sa mère).

Et, bien sûr, comme toujours chez Almodovar, des couleurs aux décors, des musiques aux ambiances, c'est l'Espagne, cœur battant du monde, qui est captée à chaque seconde avec une sensibilité magnifique.




lundi 12 juin 2023

La Dernière piste (Meek’s Cutoff de K. Reichardt, 2010)

 



Dans ce western minéral et minimaliste, Kelly Reichardt prend le parti de refuser de déborder vers l’évènement ou le narratif classique qui fait progresser l’ action.
Et si le dépouillement du film peut évoquer Monte Hellman (The Shooting notamment), Reichardt, derrière ce style épuré, loin de suivre une voie expérimentale ou psychologique, s’inspire d’une histoire vraie et revisite le mythe de la Destinée manifeste. Loin des héroïques traversées vers l’Ouest qui ont peuplé le cinéma (de La Piste des géants à La Dernière caravane), ici le film n’est qu’une errance dans le désert, errance dont on comprend immédiatement (avec le mot « lost » gravé sur l’écorce dès les premières minutes) qu’elle est sans issue.

L’esthétique du film, sa lenteur, l’alternance des plans larges et, peu à peu, des plans qui se rapprochent des personnages, la lumière (notamment les moments de veillées en lumière naturelle), les positions de la caméra (qui plante le spectateur au milieu des personnages), l’habileté à jouer du hors-champ, les choix de montage ou les personnages sans héroïsme, tout oriente le film vers l’authenticité, loin des atours de l’Hollywood classique.

Le personnage du trappeur Stephen Meek, censé guider le petit convoi, est bien loin des figures campées par John Wayne, Robert Taylor et autre Spencer Tracy. Derrière l'arrogance de celui qui sait et qui connait des récits mythiques, il échoue à mener les trois familles et tourne en boucle dans le désert.

La rencontre avec les Indiens, figure absolue de l’altérité de la Frontière, est, elle aussi, lue a contrario des images classiques : Emily finira par mettre en joue le trappeur pour protéger l’Indien.

Loin des fastes d’une représentation glorieuse mythifiée, loin des récits héroïques, loin des chants le soir au coin du feu, loin des promesses de l’Ouest, il ne reste ici qu’une confrontation avec la terre, sa minéralité et son immensité.

Et dans cet infini qui emprisonne, c’est le silence qui prévaut, et ce sont des petits signes, des petits gestes – beaucoup plus que des paroles – qui tentent de tisser, tant bien que mal, les relations entre ces personnages pris au piège.

La fin ouverte laisse au spectateur le soin de suivre encore cette piste incertaine, comme des pointillés épars et diffus perdus dans le désert sans fin.




vendredi 9 juin 2023

Nope (J. Peele, 2022)

 



Brillant et envoûtant film de Jordan Peele qui joue sur la thématique du monstre et oscille entre les genres. Après plusieurs films intéressants mais plus sommaires, Peele offre ici un film d’une toute autre ampleur et d’une très grande maturité.
Par moment horrifique (mais Peele a déjà montré qu’il aimait glisser des séquences gore dans ses films), le film lorgne d’abord du côté de Signes de Shyamalan, avant de partir dans une direction et une complexité très différentes. Cet étrange alien – alien à la forme changeante et que l’on ne peut regarder – pris d’abord pour un OVNI et qui est décrit ensuite comme un prédateur défendant son territoire, entraîne le film sur la double thématique de la verticalité et du regard.

Film sur le regard – et donc sur la mise en scène –, Nope joue sur l’impossibilité de regarder le monstre en face (avec de belles idées scénaristiques), sujet relayé par le caméraman aux allures de Werner Herzog, qui fixe le monstre de sa caméra avant de le regarder droit dans les yeux et qui en sera puni. Il faut tout l’artifice final, avec les flashs de lumière venus du fond du puits, pour saisir une image du monstre. Monstre détruit, dans une ironie délicieuse, par ce cow-boy gonflable qui s’échappe au gré du vent.

Peele rajoute intelligemment une étrangeté à son film, notamment par sa mise en scène très ample par moment (avec des plans larges splendides pour embrasser la vallée et l’offrir au monstre) entrecoupée des étonnantes séquences en flash-back du carnage du chimpanzé, où la caméra joue sans cesse du hors-champ. La façon de filmer le ranch de Otis comme une gigantesque arène dans laquelle il cherchera à dompter le monstre est magnifique. Les structures gonflables qui permettent de détecter le monstre résument parfaitement toute la dimension verticale du film (l’alternance des gonflements/dégonflements annonçant l’avancée du monstre). Et, comme un symbole de cette verticalité, on s’arrêtera sur l’étrange chausson taché de sang qui, sur la scène de carnage du plateau télé, reste mystérieusement planté tout droit, en équilibre.

Et Peele, comme pour sceller le tout, offre un bel hommage à Muybridge, non seulement en le reliant généalogiquement aux protagonistes, mais surtout au travers des photos finales du monstre, idée géniale et parfaitement mise en scène.

 

mardi 6 juin 2023

Le Festin chinois (Jīnyù mǎntáng de H. Tsui, 1995)

 



Il est bien dommage qu’un sujet original – la cuisine chinoise, traitée ici au travers d’un concours de haut vol  – soit dissipé dans une comédie trop burlesque, manquant de légèreté, et souvent fatigante.
L’idée était bonne, pourtant, de jouer sur les genres et de concocter une « cuisine kung-fu » qui s'inspirait des affrontements typiques du Wuxia et du chanbara en les mâtinant d’une mise en scène à la sauce western spaghetti.

Mais l’ensemble est pollué par des digressions, des lourdeurs et des personnages inutiles qui ternissent l’ensemble.

L’on s’amuse néanmoins de voir Tsui Hark – l’un des fers-de-lance du cinéma d’action hongkongais – se promener du côté de la comédie burlesque.

 


samedi 3 juin 2023

Une Vie (A. Astruc, 1958)

 



Cette adaptation de Maupassant déçoit : il s’agit simplement d’une mise en image appliquée qui est bien loin de saisir le spectateur comme le lecteur est saisi par le roman.
C’est que l’on n’entre jamais vraiment dans le quotidien de Jeanne, quotidien figé et comme arrêté à tout jamais, avec les coups de la vie qui s’abattent mais qui ne cognent jamais plus fort que ces années qui passent et semblent tout condamner. Et malgré les efforts de Alexandre Astruc, rien n’y fait : non seulement les personnages – leur for intérieur, leur façon de voir le monde – nous échappent à l’écran, mais on voit moins la Normandie, on la sent moins à l’image qu’à travers les lignes de Maupassant.

 


jeudi 1 juin 2023

L'Homme aux lunettes d'écaille (Sleep, My Love de D. Sirk, 1948)

 



Intéressant film noir qui montre que Douglas Sirk, dont on retient surtout des mélodrames magnifiques, a aussi traversé différents genres (western, film historique, polar, etc.) avec de bonnes fortunes comme c’est le cas ici.
Le film reprend la mode des thrillers psychologiques – avec Alison qui est manipulée et que l’on fait passer pour folle –  aux côtés de Hantise de Cukor ou du Mystérieux docteur Korvo de Preminger.

En plus de l’ambiance réussie et de la tension savamment dosée, on retrouve avec plaisir une distribution irréprochable (Claudette Colbert, Robert Cummings, Raymond Burr).