vendredi 30 août 2013

Le Pays de la violence (I Walk the Line de J. Frankenheimer, 1970)




Intéressant film de Frankenheimer, différent des films brillants qu’il a pu faire dans les années 60 (son style s’est maintenant très assagi) et bien plus intéressant que nombre de films qu’il fera plus tard. A partir d’un ressort classique (un sheriff entre deux âges happé par le charme d’une jeune fille qui fait partie d’une famille de trafiquants), le film distille un malaise constant.
On voit très vite et très nettement ce que le sheriff Tawes (impeccable Gregory Peck) ne voit pas : Alma, la jeune fille pimpante, est un appât destiné à le corrompre. Le film, alors, resserre peu à peu son étreinte, à mesure que Tawes s’illusionne, et il se dirige fatalement vers une issue tragique et déchirante.
Frankenheimer dresse un portrait d’une bourgade perdue, qui est comme une face cachée que l’Amérique n’aime pas voir, Amérique repliée sur elle-même, emplie de vieux, où la vie s’est arrêtée et qui s’accroche à des baraques de tôles et des distilleries clandestines. La voix mélancolique de Johnny Cash enveloppe tout cela d’une nostalgie triste et désespérée.



On notera que le titre original (I Walk the Line) est bien plus pertinent que celui proposé en français : le franchissement de ligne jaune qu’il évoque correspond tout à fait aux tiraillements de Tawes, coincé entre le poids de cette vie minable et sa tentation de tout plaquer pour partir avec Alma.

mercredi 28 août 2013

The Chaser (추격자 de H. Na, 2008)




Très bon film noir – très noir – de Na Hong-jin, qui fait un premier long métrage étonnant de maturité et de technique.
The Chaser s’appuie sur un certain réalisme descriptif, en nous faisant voyager dans des quartiers étroits et escarpés de la ville, en multipliant les détails précis qui teintent le film d’un ancrage dans le réel et en s’attachant à des personnages bien peu héroïques. Sur ce point l’anti-héros Joong-ho (très bon Kim Yoon-seok) est très réussi : il mettra bien du temps – et devra encaisser les coups et enchaîner les rencontres – avant de s’éveiller et d’oublier ses vils motifs pour de plus nobles.



En mélangeant ces ingrédients avec un style dynamique et explosif, Na Hong-jin parvient à ce style violent, noir, exubérant des polars coréens, tel qu’on le trouve chez Bong Joon-ho ou Park Chan-Wook. Avec ses gerbes de sang, ses coups de marteau, ses traits ironiques, on sent d’ailleurs l’influence de Old Boy.
On regrettera le dernier quart d’heure, peut-être inutile, et le goût très prononcé de Na Hong-jin pour le sang, qu’il aime répandre sur les murs en longs giclements. On retrouvera d’ailleurs largement cette dernière tendance dans ses films suivants.



lundi 26 août 2013

Rocky (J. G. Avildsen, 1976)




L’immense succès populaire ne doit pas faire oublier le succès critique du film qui a remporté trois oscars dont deux majeurs (meilleur film et meilleur réalisateur). Il consacre Sylvester Stallone, à la fois comme acteur mais aussi comme scénariste puisque c’est lui qui a écrit le scénario et l’a porté devant les producteurs (quand bien même il ne le réalise pas, c’est son film).
Le film reprend une trame classique et suit le même fil que Marqué par la haine, avec un petit boxeur qui devient grand. L’Amérique adore ce type de réussite, touchante et humble. Humble parce que Rocky Balboa vit dans les quartiers pauvres, ne rêve pas de gloire mais simplement de retrouver une estime de lui-même (et de trouver l’amour d’Adrienne). Stallone est très bien dans ce rôle de petit boxeur un peu minable, au front bas, qui fait ce qu’il peut, tente de se dépêtrer bon an mal an de la vie triste de cette banlieue. Son rêve américain à lui n’est pas de gagner le combat, mais de tenir jusqu’au bout. D’encaisser et de rester debout coûte que coûte.



L’immense succès du film entraînera de facto une ribambelle de suites, de moins en moins humbles et de plus en plus glorieuses.
Malgré ses qualités (complètement oubliées lors des différentes suites) et s’il est sans conteste le film de boxe le plus connu, Rocky reste toutefois loin des meilleures réussites du genre (Nous avons gagné ce soir, Fat City ou encore Raging Bull).


samedi 24 août 2013

L'Homme pressé (E. Molinaro, 1977)




Film assez quelconque qui souffre de tels défauts que le spectateur qui suit, sans passion mais avec ennui, les va-et-vient au pas de course de Pierre Niox.
Choisir Alain Delon pour incarner ce personnage qui vit à cent à l’heure est déjà, en soi, une bien mauvaise idée. On sait l’acteur exceptionnel dans sa réserve, sa capacité à fixer la lumière sur lui quand il ne dit rien, à rester mutique et expressif en même temps. Ici Delon qui s’agite, court, ricane et grimpe les escaliers quatre à quatre devient un acteur tout à fait quelconque et, même, donne cette impression constamment d’en faire trop. Dès que Delon se remue un peu il en fait trop, voilà bien la limite de son jeu (il n’y a guère que dans Le Guépard que sa fougue est maîtrisée, ailleurs elle passe assez mal).
Tous les personnages, ensuite, à l’image du Pierre Niox au centre du récit, sont tout à fait caricaturaux et inintéressants. On ne sait rien d’eux, ils n’évoluent pas d’un iota au cours du film, le traversant sans que rien ne se passe.


On se demande un peu où va mener la course folle de Niox, ce que va en faire Molinaro. Une vie sans jamais se poser, à foncer sans cesse tête baissée mène à la crise cardiaque. Voilà le propos fin et hautement original d’un film qui n’a à peu près rien à dire.

vendredi 23 août 2013

Vingt mille lieues sous les mers (20,000 Leagues Under the Sea de R. Fleischer, 1954)




Bon film de Richard Fleisher, qui distille beaucoup de ce charme désuet qu’ont certains films hollywoodiens. Aujourd’hui cela transparaît avec les effets spéciaux qui sont ce qu’ils sont mais les décors sont une réussite (très beau travail que celui de l’intérieur du Nautilus) et James Mason est un très bon Nemo. On regrette peut-être que son personnage ne soit pas davantage fouillé. Mais le rythme du film est parfait, le charme opère et on retrouve à l’écran l’esprit du roman de Jules Verne.


mercredi 21 août 2013

Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin (Big Trouble in Little China de J. Carpenter, 1986)




Minuscule série Z de John Carpenter, à la fois vaine et kitsch. Carpenter lorgne vers la comédie, mais ce film fourre-tout, pastiche des films d'aventure, tourné avec une dérision assumée, fatigue terriblement. Et que Carpenter ait parfaitement conscience de réaliser un nanar parodique ne change pas grand-chose à l’affaire. On notera que, pour une fois dans sa carrière, Kurt Russel semble changer légèrement de registre (en campant un anti-héros au lieu des rustauds habituels).
Carpenter, capable du meilleur (The Thing), est décidément capable du pire. On comprend qu’après un tel film les studios lui aient claqué la porte au nez.

lundi 19 août 2013

L'Opération Corned-Beef (J.- M. Poiré, 1991)




Petit film comique sans grande prétention qui se veut une parodie des films d’espionnage et dont l’intrigue, de ce fait, devient très vite tout à fait invraisemblable. Le film pâtit d’une mise en scène quelconque et du jeu de Christian Clavier qui en fait des tonnes. Pour lui le comique naît de l’excitation en tous sens et le film, qui se veut dynamique, devient rapidement épuisant.
On peut trouver un intérêt au film en y voyant un galop d’essai pour Jean-Marie Poiré et le trio d’acteurs Lemercier, Reno et Clavier avant leur grand succès des Visiteurs. Reno et Clavier font ainsi leurs armes dans le cadre du duo mal assorti, cherchant leur voie dans le sillage de prestigieux ainés, tels que Lino Ventura et Jacques Brel dans L’Emmerdeur ou, bien entendu, les excellents Gérard Depardieu et Pierre Richard.

samedi 17 août 2013

Je suis une légende (I Am Legend de F. Lawrence, 2007)




S’il est un remake du Survivant de Boris Sagal, Je Suis une légende s’écarte des idées écologiques qui y prévalaient. On voit que, les années de guerre froide laissées derrière nous, le souci nucléaire est passé au second plan et ce sont les risques microbiens qui motivent les scénaristes (depuis Alerte jusqu’à Contagion en passant par L’Armée des douze singes). Si le thème de la lutte contre le progrès est délaissé (au contraire le scientifique, plus encore que dans Le Survivant, en poursuivant ses expériences avec soin, est montré comme la seule chance pour l’humanité de s’en sortir), le film intègre en plus la mode des zombies chers à Romero (un peu comme le fera World War Z) pour tendre vers le film d’horreur.
Bien sûr le casting est celui d’un blockbuster : il faut sacrément croire aux sciences pour voir en Will Smith non pas un athlète bodybuildé mais un scientifique de renom.
Les premiers plans (repris au Survivant) sont une belle image d'un New-York déserté.


jeudi 15 août 2013

Le Gendarme de Saint-Tropez (J. Girault, 1964)




Un acteur seul, fut-il exceptionnel, ne peut s’affranchir d’un scénario convenable ou d’un réalisateur capable. Ici Louis de Funès, dont le génie comique n’est plus à démontrer, s’agite tout à fait vainement et fait des mimiques comme dans une glace : rien ne vient justifier ou surenchérir ses colères, ses airs d’hurluberlu ou ses grimaces.
On est dans la comédie pataude, lourde, qui ne vaut que pour sa star, mais où la volonté qu’a le film de la mettre en avant a tout submergé. L’intrigue est tout à la fois simpliste et fatigante et le personnage de de Funès est une caricature ambulante, puisqu’il se voit attribuer toutes les particularités auxquelles on le rattache volontiers : colérique, père couvant sa fille, tyran de ses subordonnés, mielleux avec ses supérieurs, plein de mauvaise foi, dépassé par les événements, etc.

Le Gendarme de Saint-Tropez est bien loin des meilleures réussites de l’acteur (La Grande vadrouille notamment) et seule la renommée du film (à propos de laquelle on ne cesse de s’interroger) et ses innombrables suites ont empêché qu’il ne sombre dans l’oubli.

mardi 13 août 2013

Raccrochez c'est une erreur (Sorry, Wrong Number de A. Litvak, 1948)




Intéressant film noir qui vaut surtout pour son déroulement implacable : la fin terrible est une vraie réussite.
L’idée de jouer à coups de flash-backs est classique (même si Litvak en rajoute avec plusieurs flash-backs dans le flash-back), celle de passer par d’innombrables coups de téléphone reçus par une infirme est plus originale mais tourne un peu à vide : on a bien du mal à donner une substance aux différents personnages, en particulier Henry (malgré Burt Lancaster), qu’on ne voit longtemps que sous forme d’évocation. Du coup une certaine superficialité emporte le film. Et, même si son rôle accepte qu’elle soit hystérique, Barbara Stanwyck est fatigante.
Reste la caméra mobile et fluide de Litvak (malgré une grosse propension à des gros plans faciles sur le téléphone en train de sonner) et la fin, remarquable, qui emmène le film au bout de sa noirceur.



jeudi 8 août 2013

Zardoz (J. Boorman, 1974)




Film de science-fiction qui mélange anticipation et voyages dans le temps, Zardoz est plombé par sa forme terriblement vieillie et kitsch. Il faut voir le look de Sean Connery pour le croire. Et cette forme qui part un peu dans tous les sens n’aide pas à suivre les divers messages plus ou moins éthérés et métaphysiques qui parsèment le film.



On retiendra une communauté repliée sur elle-même, dans un (prétendu) oasis de bonheur à la recherche du savoir ultime. Pour le reste on se perd dans les diverses possibilités d'interprétations qui semblent pour le moins ambitieuses.
On tentera de sauver le film en l’inscrivant parmi les films d’anticipation de la période (Silent running, L’Âge de cristal – duquel il est assez proche par bien des aspects –, Le Survivant, etc.).


mardi 6 août 2013

Un long dimanche de fiançailles (J.- P. Jeunet, 2004)




Médiocre film de Jean-Pierre Jeunet, qui tente d’adapter son style au genre du film de guerre. Mais si ses facéties habituelles (une image parfois sépia et ripolinée, des personnages burlesques dessinés à gros traits, des situations incongrues) semblent à leur place dans la comédie pure (Delicatessen) ou dans la comédie doucereuse et sucrée (Amélie Poulain), en revanche cela ne colle pas du tout avec le thème. Ici cohabitent aussi bien des scènes très dures et qui se veulent une dénonciation de la violence des tranchées avec des scènes, au contraire, au ton burlesque (le facteur qui apporte des nouvelles). Tantôt on cherche à faire rire, tantôt on fait pleurer dans les chaumières.
À mélanger ainsi les tons, le risque est grand : ou bien l’on est un pur génie et la sauce prend merveilleusement, ou bien le film devient un fourre-tout émotionnel et déséquilibré. Mais n’est pas Chaplin ou Lubitsch qui veut : ici il ne s’agit que d’un grand fourre-tout bien indigeste.

samedi 3 août 2013

Sabotage à Berlin (Desperate Journey de R. Walsh, 1942)




Très bon film de guerre de Raoul Walsh, qui propose un film de guerre plein d’actions et d’élan. Un groupe d’aviateurs anglais est envoyé bombarder une gare allemande, leur avion est abattu et les voilà coincés loin derrière les lignes ennemies. Le film, alors, vole d’actions en actions, rebondissant sans cesse, conduisant des actes de sabotages, volant des voitures, montant dans un train, se faisant arrêter et s’évadant, assommant ou tuant bon nombre d’Allemands, sans un temps mort, parce que les lois de la guerre imposent de nuire au maximum à l’ennemi. Et, toujours, porté par un Errol Flynn fidèle à lui-même, le ton est narquois, presque joyeux – alors qu’il y a bien des morts, y compris dans le groupe qui se réduit de plus en plus –, combinant une forme de plaisir fataliste qui prend les déconvenues ou les trahisons comme elles viennent, pour repartir de plus belle.
Le petit groupe d’acteurs, organisé autour d’Errol Flynn, secondé par Arthur Kennedy et Ronald Reagan, est très réussi.



De par son rythme et sa façon de rebondir d’actions en actions, on pense à Indiana Jones (en particulier le troisième opus de ses aventures, de par ses démêlés avec l’Allemagne nazie) et on s'amusera de voir que, au travers de plusieurs points communs, Sabotage à Berlin semble parfois être un terreau d’idées que l’on retrouvera dans La Grande Vadrouille (un groupe d’aviateurs anglais perdus, leur façon plaisante de prendre l’aventure ; diverses situations traitées de façon similaire).
Loin de l’éloge glorieux d’Aventures en Birmanie ou de la réflexion sur la guerre elle-même comme dans Les Nus et les Morts, le film de guerre est ici décliné en une suite d’actions ininterrompue.

jeudi 1 août 2013

Dangereusement vôtre (A View to a Kill de J. Glen, 1985)




Énième film de la série, avec un Roger Moore qui ne doute de rien, du haut de ses 58 ans (!). Cette limite d’âge porte un coup à la crédibilité du personnage, et, surtout, certaines séquences (la séquence pré-générique notamment) semblent bien ambitieuses.
Si Christopher Walken fait un méchant intéressant, il est un archétype de ces méchants qui tiennent Bond en joue et qui préfèrent finasser, laissant ainsi au héros une chance de survie.
Pour le reste, le film ne fait que recycler la même recette avec confiance (ce qui est tout à fait normal et attendu) mais aussi en tendant à la caricature avec un Roger Moore de moins en moins crédible. Mais la production fait montre d’un certain goût en nous promenant dans la splendeur de Chantilly.