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lundi 17 mars 2025

Cadet d'eau douce (Steamboat Bill, Jr. de B. Keaton, 1928)

 



Film en demi-teinte de Buster Keaton. C’est que la première partie du film est assez attendue et, même si l’ensemble reste fluide et si le charme de Keaton opère, les gags ne surprennent guère.
La dernière séquence du film, à partir du déclenchement du cyclone, est en revanche exceptionnelle (de sorte que le film fonctionne un peu comme Fiancées en folie : c’est la dernière demi-heure qui est inoubliable). Autour des décors qui s’envolent en tous sens, Keaton est balloté, plusieurs façades s’effondrent (avec ces fameuses images, sans trucages, où tout est millimétré et où l’acteur joue gros), une maison s’abat sur lui. On retrouve la vista incroyable de l’acteur qui joue avec son environnement, qui subit la Nature, dans un mélange unique d’instants où il est tout à la fois stoïque, souple et virevoltant.


jeudi 13 octobre 2016

Les Fiancées en folie (Seven Chances de B. Keaton, 1925)




Excellent film de B. Keaton, où après une première partie qui pose le sujet (et qui l’épaissit, au travers d’un thème romantique), décolle véritablement ensuite jusqu’à un délire burlesque exceptionnel. Bien qu’il ne soit pas entièrement auteur de l’histoire, Keaton parvient à adapter un scénario d’abord très burlesque à son style.
Jimmie Shannon doit se marier avant sept heures du soir s’il veut hériter de plusieurs millions de dollars. Éconduit par sa fiancée maladroitement abordée, il passe une annonce et ce sont des centaines de femmes qui se retrouvent à l’église pour épouser le futur millionnaire. Jimmie cherche alors à leur échapper.

Reprenant le thème légendaire de la course-poursuite, si chère aux courts-métrages muets, Keaton le magnifie de façon exceptionnelle : ce sont des centaines de prétendantes qui se ruent pour tenter d’écharper le pauvre Shannon. Tout le génie burlesque de Keaton explose dans cette séquence, avec ses performances physiques improbables (quand il court, se met au pas, bondit, évite des rochers, saute sur un arbre abattu, etc.). La course-poursuite atteint des sommets inouïs quand Shannon, dévalant une pente, est poursuivi par des rochers qui se détachent sur son passage. Entre idée géniale et improvisation (tous les gags sont improvisés, Keaton ne pouvant prévoir avec précision où tomberaient les rochers), on tient là une des plus belles séquences comiques du Cinéma.


jeudi 23 juin 2016

Le Mécano de la « General » (The General de B. Keaton, 1926)




Somptueux film burlesque, Le Mécano de la « General » est aussi un film d’aventures, sans cesse en mouvement, et, bien entendu, un film de guerre. Sans se départir de sa drôlerie, c’est un réquisitoire très dur contre la guerre, où l’agitation vaine et destructrice des armées qui courent en tous sens et les généraux ridicules sont dénoncés par Keaton.
La construction visuelle du film est fascinante, elle associe le mouvement de la locomotive, les espaces à franchir (multiplication de la relation poursuivi-poursuivant) et des jeux graphiques saisissants (ligne des rails, des travers, des obstacles, des poteaux ou du front, le tout s’entrecroisant dans des effets visuels répétés). Keaton-acteur est tout aussi génial. Son incroyable vitalité d’acrobate contraste avec son impassibilité légendaire et les situations et les gags s’enchaînent. Et son personnage, héros malgré lui, indifférent au fond au sort des autres ou de la guerre, veut simplement et humblement s’occuper de sa machine et retrouver sa dulcinée. Et Keaton mélange dans un cocktail comique l’adresse du professionnel qui maîtrise sa machine et les mille et une maladresses qui émaillent le film, rajoute le hasard qui vient à la rescousse du héros dépassé et joue avec la figure de l’anti-héros (qui se moque de l’engagement dans la guerre et accomplit des exploits guerriers malgré lui ou avec facilité).


Il faut remarquer la particularité du comique de Keaton, très différent de la majorité des autres réalisateurs burlesques, à commencer par Chaplin. En effet le burlesque suit le plus souvent un schéma narratif précis qui déclenche le rire : c’est la confusion entretenue entre deux actions très semblables mais qui renvoient à des situations très différentes. On voit par exemple Charlot de dos, et, abandonné par sa femme, il semble secoué de sanglots. Mais on découvre, dès qu’il se retourne, qu’il agite en fait un shaker et se prépare un cocktail. Le rire naît de la confusion des actions qui renvoient à des situations opposées (tristesse/joie).
Chez Keaton, au contraire, le rire naît de l’écart entre la situation donnée et l’action qui s’y déroule. Et la situation, le plus souvent, implique un paysage ou des décors gigantesque, qui constituent un tout englobant, dans lequel, minuscule, se débat le personnage joué par Keaton. Et le rire naît ou bien des gags à rebondissements qui s’enchaînent (ce qu’on a pu appeler le « gag-trajectoire ») ou bien de l’intervention, très fréquente chez Keaton, de machines, souvent gigantesques. Et ces machines sont sources de gags et de cascades improbables (en plus d’être un véritable partenaire dans Le Mécano). Ajoutons que le réalisme des cascades (ici il s’agit d’un vrai train et d’un vrai pont qui sont démolis).


Le comique de Keaton est donc à ce titre très différent du burlesque de Chaplin. Son personnage ne maîtrise pas l’environnement qui cherche sans cesse à l’expulser du cadre et l’oblige à mille acrobaties pour s’y maintenir, à l’inverse de ce qu’on observe chez Chaplin.

mercredi 8 mai 2013

Sherlock Junior (Sherlock, Jr. de B. Keaton, 1924)




Chef-d’œuvre du muet, Sherlock Junior, sur un format assez court, offre une nouvelle fois toute l’étendue du génie de Buster Keaton. Au-delà de ses légendaires cascades – présentes ici mais moins nombreuses que dans d’autres films – c’est la fameuse séquence rêvée qui montre l’inventivité fabuleuse du réalisateur. Le projectionniste s’endort, son double se lève et pénètre dans le film qu’il projette. Et c’est là qu’il va pouvoir devenir le détective qu’il ne parvient pas à être dans la vie, triompher des malins et sauver la belle de leurs griffes. Idée géniale et propice à une multitude de gags, qui peuvent en plus faire intervenir – prétexte du rêve aidant – les trucages façon Méliès.



Ce double fond du film – ce parallèle entre vie éveillée et vie rêvée – donne une dimension à la fois comique et poétique au film. Car c’est bien là que se situe le génie des plus grands comiques : dépasser le comique pur – celui des fabuleuses courses-poursuites et des slapsticks – pour toucher à l’émotion, avec, ici, le parallèle doux, poétique, drôle et émouvant de la séquence finale.



lundi 29 avril 2013

Les Lois de l'hospitalité (Our Hospitality de B. Keaton, 1923)




Extraordinaire film de Buster Keaton, qui s’appuie sur un fait divers tragique (une querelle entre familles qui dégénère) pour construire son récit (le prologue du film reprenant la fusillade historique). Keaton, ensuite, joue avec cette rivalité ancestrale pour multiplier les gags.


William McKaye, pour conquérir le cœur de sa belle, évidemment membre de la famille opposée, est confronté, tout au long du film, en plus des Canfield, ennemis mortels de sa famille, à la Nature, synonyme ici d’une multitude de dangers qu’il lui faut affronter. Plus encore que dans d’autres de ses films, Keaton joue avec son corps incroyablement souple et élastique, le met en scène au sein de vastes décors et se laisse porter et entraîner dans de vertigineuses cascades. Il prend même des risques insensés, en particulier lors de la célèbre séquence de la chute d’eau.


L’ensemble donne un film à multiples facettes, drôle, aventurier, émouvant. Cette richesse de tons et de thèmes est l’apanage des plus grands génies du cinéma.

mercredi 10 avril 2013

Le Caméraman (The Cameraman de B. Keaton, 1928)




Dernier film de Buster Keaton et très grand chef-d’œuvre, Le Caméraman, en plus d’un humour permanent, d’une maîtrise stupéfiante et d’une vivacité réjouissante, s’amuse à mettre en abyme le cinéma. Le film devient alors une métaphore du cinéma.
Le personnage, d’abord armé d’un simple appareil photo, va le troquer, pour les yeux de la belle, contre une caméra. Et, progressivement, au gré des événements qu’il filme, emporté par les circonstances, il va réinventer le cinéma : les surimpressions, les travellings, les changements d’angle deviennent les fruits féconds de maladresses ou de hasards.
L’extraordinaire habileté de Keaton à utiliser son corps en le confrontant aux objets, aux éléments ou à la matière donne ici encore, comme dans tant d’autres longs métrages, à la fois un effet comique et un effet de funambule qui flirte avec le vide avec une assurance impassible. On mesure combien cet art du comique est différent de celui de Chaplin (ce dernier s’ouvrant à la petite forme de l’image-action, quand Keaton tient de la grande forme).



On notera aussi que le caméraman, dans le film, parcourt la ville tous azimuts pour décrocher un scoop à revendre aux journaux en mal de sensations. La critique des médias avides de sensationnel, si elle est permanente au cours de l’histoire du cinéma, à travers d’excellents films (Le Gouffre aux chimères de B. Wilder ou même Network de S. Lumet) ou de beaucoup plus quelconques (le récent Night Call de D. Gilroy), est donc un thème déjà abordé en 1928.
On aura bien du mal à croire, alors, que ces médias prêts à tout pour un scoop sont le produit de la société de consommation télévisuelle issue de la seconde moitié du vingtième siècle. Le Caméraman nous rappelle ainsi que certaines tares de la société actuelle ne sont pas si récentes que ça et que ces dérives sont peut-être consubstantielles au média lui-même, bien plus qu’à la société.

mercredi 13 mars 2013

La Croisière du Navigator (The Navigator de B. Keaton, 1924)




Buster Keaton continue de parfaire son art du comique comme nul autre avant lui : il se sert ici d’un décor à la fois gigantesque et vide et parvient à multiplier les gags et les situations en jouant de ce décor et des incongruités qu’il présente : les éléments de structure, les pleins et les vides, les formats proposés par le gigantesque bâtiment (notamment dans les séquences de cuisine où le quotidien devient un défi). Avec une inventivité permanente et cette mélancolie comique qui le caractérisent tant, Keaton arpente son navire et s’en donne à cœur joie. Plusieurs situations confinent à l’absurde, d’autres sont d’une étonnante poésie. La séquence sous-marine est remarquable (surtout techniquement, pour l'époque) et le renversement complet du sous-marin ponctue merveilleusement le film.



Le film apparaît, dès lors, bien plus que comme une simple accumulation de gags : c’est dans cette multiplicité de tons, qui sont comme autant de déclinaisons du comique et qui l'enrichissent considérablement, qu’il faut chercher ce qui donne cette harmonie géniale au film.

lundi 18 février 2013

Les Trois âges (The Three Ages de B. Keaton, 1923)




Pour son premier long métrage, Buster Keaton reprend la trame générale d’Intolérance de Griffith en s’amusant à représenter un triangle amoureux à trois époques différentes (la préhistoire, l’époque romaine et l’époque contemporaine), comme une expression directe de l’universalité de ces jeux d’amour.
Keaton fait se confronter l’aventurier et l’adorateur fidèle pour conquérir le cœur de la Belle (et convaincre le futur beau-père) : il reprend ainsi les deux grandes images masculines produites par le cinéma américain et souvent mises en scène dans le western.
Il s’ensuit un grand montage en parallèle, au cours duquel Keaton donne toute son énergie dans des scènes burlesques qui se succèdent, avec cette adaptation si drôle à chaque époque. Pour l’époque préhistorique, Keaton s’en donne à cœur joie, en n’hésitant pas à se promener à dos de Diplodocus, le gourdin à la main, avec sa tunique en peau de bêtes. Et il multiplie les détails anachroniques, les costumes ridicules, les parodies, et bien sûr, les acrobaties, avec toujours des gags réglés comme des horloges suisses.


Keaton égratigne aussi bien la grandiloquence du cinéma (faisant le pastiche de Griffith, la critique se fait mordante) que les conventions sociale et il secoue la morne normalité de la  vie des hommes (il faut voir Keaton/Daniel faisant une manucure au lion). La (triple) séquence finale est admirable de drôlerie.


Par ce premier film (dont on retrouve la trace jusque dans Les Monty Python), Buster Keaton pose sa première pierre (déjà angulaire) dans le cinéma burlesque.