jeudi 28 mars 2024

Né pour vaincre (Born to Win d'I. Passer, 1971)

 



Born to Win suit les frasques d’un junkie qui cherche à se sortir des magouilles et des mauvais plans dans lesquels il replonge sans cesse. Ivan Passer s’appuie sur le charisme de George Segal, dont le personnage, beau parleur et plein d’espoir, deale, vole des voitures, fait des rencontres (Karen Black) ou craque devant les flics.
Très typé Nouvel Hollywood (par le thème, le ton, le style), Born to Win est un bel exemple de ce que Hollywood, déplaçant l’axe de sa caméra, se met à filmer, dans les années 70 et qui restait obstinément hors-champ dans le cinéma classique américain. L’envers du décor de New-York est donc montré, avec ses rues sales, ses impasses sordides, ses bars glauques, ses appartements défraîchis. La fin très noire, entre impasse et tragédie, participe de ce regard nouveau et sans aucune concession.
J. J. pourrait croiser dans la rue ou dans les bars Billy et Ernie de Fat City, Cooper de The Nickel Ride, Bobby Dupea de Cinq pièces faciles ou bien sûr Travis Bickle de Taxi Driver et tant d’autres personnages antihéros, un peu paumés et un peu marginaux qui tournent en rond en cherchant à s’en sortir.
On notera l’un des premiers rôles de Robert de Niro, dans un petit rôle de flic, juste avant que Coppola et son ami Scorsese ne lui offrent des rôles qui le mettent sur orbite.




vendredi 22 mars 2024

Le Serpent (H. Verneuil, 1973)




Film d’espionnage à la française (mais qui se déroule en grande partie au siège de la CIA à Langley), Le Serpent a aujourd'hui pris un coup de vieux.
Très conventionnelle (malgré une jolie brochette d'acteurs), cette histoire d’espion du KGB qui passe à l’Ouest semble d’un autre temps. Henri Verneuil livre un film qui a tout d’américain (le sujet, plusieurs acteurs) mais qui est en fait très appliqué et didactique. Henri Fonda lui-même semble pris dans un costume étroit qui rigidifie son jeu.
On retrouvera le même travers dans I… comme Icare (là aussi très américain dans le sujet) où Verneuil ne parvient pas éviter cette impression d’application finalement assez terne et loin de la verve ou du punch de ses meilleures réalisations.

 


mercredi 20 mars 2024

Delicatessen (J.- P. Jeunet et M. Caro, 1991)


 



Ce premier film de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro est une belle réussite. Ils ont réussi à installer (avec des moyens limités) une ambiance très particulière, en partie rétro, en partie post-apocalyptique (le film est une forme de huis clos dans un immeuble, au milieu d’une friche indéfinissable), avec une image jaune-sépia déjà caractéristique. Une belle galerie de personnages peuple l’immeuble avec le terrible boucher du commerce du rez-de-chaussée (Jean-Claude Dreyfus, dans une composition marquante) et, ensuite, à chaque étage, des personnages grotesques, étranges, iconoclastes. La distribution fait la part belle à des acteurs encore inconnus (Karine Viard par exemple) et Dominique Pinon trouve là un très bon premier premier rôle.
Le film, ensuite, déploie toute l’imagination des auteurs, depuis le récit principal jusque dans ses moindres détails, multipliant des saynètes parfois savoureuses.
Si le film est parfois jubilatoire, on sent bien, dans ce film, l’influence de Marc Caro qui donne à Delicatessen une noirceur qui confine parfois au glauque, alors que, une fois que Jeunet sera seul au commande, il conservera bien des motifs déjà présents (les personnages hauts en couleur, une attirance vers le rétro des années cinquante ou soixante, le soin du détail baroque, le ton de comédie) mais dans une ambiance douce et très (trop) sucrée donnant à ses films une légèreté que n’a pas Delicatessen (Amélie Poulain en est le prototype, mais Micmacs à tire-larigot le montre très bien aussi).

 


lundi 18 mars 2024

Pagine chiuse (G. Da Campo, 1969)





Beau film que ce moment de la vie d’un adolescent délaissé par ses parents et coincé dans un orphelinat.
On peut trouver une certaine distance ou une certaine froideur dans le traitement du sujet par le réalisateur. Mais, en réalité – et nous avons déjà eu l’occasion de le dire – Gianni Da Campo a la belle vertu de la neutralité, vertu si rare et si chère qu’elle nous fait regarder ce film avec une sérénité rare : celle qui nous laisse seul juge de ce que l’écran expose.



samedi 16 mars 2024

Les Cruels (I crudeli de S. Corbucci, 1967)

 



Dans ce western spaghetti de bonne facture (ce qui n’est pas si courant), Sergio Corbucci, après son légendaire Django, trimballe à nouveau un cercueil dans l’Ouest américain, sur fond de réconciliation à la fin de la guerre de Sécession.
Il s’ingénie à faire subir à son petit groupe de personnages un parcours qui n’en finit pas : l’armée, le shérif, le prêtre, l’enterrement, les bandits, les Indiens, tout y passe pour venir contrecarrer l’ambitieux projet du colonel Jonas.

Il faut dire que ce colonel (impeccable Joseph Cotten), père de famille qui mène le groupe, s’accroche à un idéal auquel il croit jusqu’au bout. Et s’il est sans pitié pour qui se met en travers de sa route, c’est là un personnage rare dans ces westerns sans foi ni loi où l’immoralité, la cupidité et le cynisme raflent le plus souvent la mise. Ici Jonas est de bonne foi et reste intransigeant, quand bien même son combat est vain (voler de l’or pour réarmer le Sud et repartir au combat).




mercredi 13 mars 2024

Le Jour du fléau (The Day of the Locust de J. Schlesinger, 1975)

 



Film sur les difficiles à-côtés d’Hollywood, les espoirs et les dérives qu’il entraine, Le Jour du fléau sort du lot et intrigue. Mais le film est un peu décevant malgré une séquence finale – le bain de foule qui dérive en bain de sang – remarquable.
La générosité et la simplicité ne permettent guère de percer mais, on le sait, derrière les ambitions, la réalité est très cruelle. Le film a des allures de miroir déformant et boursouflé : Le Jour du fléau est chaotique et outrancier, un peu bancal et étrange. Et, surtout, il est hanté par des personnages perdus, irradiés par cette Babylone moderne qui avale et détruit ceux qui s’y frottent.




lundi 4 mars 2024

L'Honneur des Prizzi (Prizzi's Honor de J. Huston, 1985)





Film assez décevant de John Huston, notamment parce que le rythme autant que le ton ne semblent pas complètement maitrisés. Le film oscille en effet entre premier et second degré (avec des personnages parfois caricaturaux) et entre des moments tantôt légers et emplis de dérision et tantôt lourds et dramatiques, tant et si bien que le film se perd.
L’idée était pourtant bonne de centrer l’histoire sur un personnage pas très malin et sans charisme (tenu par Jack Nicholson) qui forme bientôt un couple improbable (et peu crédible pour le coup) avec la jolie Kathleen Turner. Mais la sauce ne prend pas, le film peine à passionner, à cause de ces fautes de rythme, de ton et de personnages peu épais.
Cela dit Huston parvient à montrer combien ce monde de la mafia sans pitié est un panier de crabes qui pincent à tout va. Mais il faut dire le genre est encombré par des références très lourdes (Le Parrain) qui handicapent. Pourtant Scorsese (dans Les Affranchis) ou même Abel Ferrara (avec Nos funérailles) sauront filmer cet univers, chacun à sa manière (et même si le film de Scorsese est très au-dessus celui de Ferrara, ce dernier est réussi).
La médiocrité de cet avant-dernier film de Huston surprend tant Les Gens de Dublin, son ultime réalisation, venant deux ans plus tard, est un chef-d’œuvre.