jeudi 30 décembre 2021

Embrasse-moi, chérie (Kiss Me, Kate de G. Sidney, 1953)

 



Après un démarrage un peu terne, Embrasse-moi, chérie prend son envol et le film devient de plus en plus savoureux. Construit – comme de nombreux spectacles de Broadway et de nombreuses comédies musicales – sur la mise en scène d’un spectacle, on déambule alors entre scène et coulisses, entre crises de couple et jeux d’acteurs.
Le film s’amuse du double jeu génial de l’intrigue de la pièce jouée (La Mégère apprivoisée) qui reprend le duo amoureux des acteurs. George Sidney conjugue alors avec talent la comédie de remariage et la comédie musicale. On retrouve, par instants, la verve de To Be or Not to Be (et la truculence d’Howard Keel évoque par moments Jack Benny). Les moments de chant et de danse ponctuent parfaitement le film qui est une très grande réussite du genre.


 

mardi 28 décembre 2021

Le Contrat (Raw Deal de J. Irvin, 1986)

 



Au milieu des films les plus célèbres de Schwarzenegger, alors que celui-ci est en train de devenir une star hors de prix à l’affiche d’une succession de blockbusters, Le Contrat n’est qu’une série Z du cinéma industriel, inutile et navrante. Même les fans de l’acteur auront bien du mal à trouver des qualités à l'acteur bodybuildé (alors que, dans Conan ou dans Terminator, ses spécificités – athlétiques !  – sont parfaitement utilisées), quant aux autres spectateurs, le film, s’ils vont au bout, leur semblera sans doute interminable. Mais l’extrême fadeur de ce type de production a une conséquence presque inévitable : aussitôt vu, aussitôt oublié !




lundi 27 décembre 2021

La Double énigme (The Dark Mirror de R. Siodmak, 1946)

 



Ce film policier de Robert Siodmak, s’il n’est pas un très grand film, intrigue par son originalité : le nœud du mystère policier est levé très tôt et il ne reste plus qu’à découvrir qui, des deux jumelles, est coupable. Cette astuce juridico-policière une fois lancée, le film prend alors une tournure psychanalytique prononcée. Il n’y aura plus guère de surprise (on comprend assez vite où nous conduit le film) mais ce double jeu est très intéressant et donne le plaisir de voir Olivia de Havilland – très convaincante – camper deux personnages aux caractères très différents.
On se délecte aussi des trucages nombreux et très réussis qui émaillent le film et permettent aux deux sœurs de se partager à de nombreuses reprises le plan, sans recours à des abus de montage qui auraient décrédibilisé le film.



jeudi 23 décembre 2021

Gosford Park (R. Altman, 2001)

 



Robert Altman prend plaisir à développer son habituel style « choral » dans l’ambiance feutrée et cossue de la noblesse britannique. Son film est une somptueuse déambulation dans un château de haute noblesse, des salons aux offices. Altman en profite pour jouer avec les films à énigme en déroulant un mystère policier centré autour d’un meurtre. Bien sûr ce n’est pas la résolution de l’énigme qui l’intéresse (le meurtre arrive au deux tiers du film et l’on ne suit que très à distance l’enquête) mais bien plutôt les entremêlements, dans cet univers singulier, entre les intrigues des maîtres et des valets, qui se rejoignent, à différents niveaux. Cet aspect évoque, bien entendu, La Règle du jeu, matrice sous-jacente du film dont les thèmes (la décadence de l’aristocratie) ou les motifs (la scène de chasse par exemple) sont repris sans cesse à l’écran. On regrette peut-être que Altman prenne partie (ce sont les domestiques, in fine, qui mènent la danse) au lieu de renvoyer dos à dos tout son petit monde, comme le fait si bien Renoir pour qui les uns ne valent pas mieux que les autres.
Mais la maîtrise de Altman est extraordinaire, dans le rythme du film, dans sa beauté plastique, dans sa gestion des personnages (utilisant parfaitement une très belle distribution) ou dans sa façon de jouer avec eux (l’enquêteur par exemple, qui tient tout à la fois de Sherlock Holmes et de l’inspecteur Clouzot) et, bien sûr, dans sa facilité à boucler impeccablement son film.



mardi 21 décembre 2021

La Chartreuse de Parme (Christian-Jaque, 1948)

 

Adaptation décevante de Christian-Jaque du chef-d’œuvre de Stendhal. Le film se permet de démarrer en faisant l’impasse sur le célèbre et magnifique épisode de Waterloo. Et, un peu plus tard, le film réussit également à passer à côté de l’émotion merveilleuse de la séquence de la prison, lorsque Fabrice, amoureux de la fille de geôlier, refuse de s’évader. On tient là la substance du romanesque le plus pur.
Autre déception avec les acteurs qui sont assez quelconques, même Renée Faure déçoit quelque peu (elle est une Danielle Darrieux assez fade). Il n'y a que Gérard Philippe qui est lui tout à fait remarquable, transi d’amour et fragile. Mais cela est bien peu pour sauver le film qui devient très long et assez poussif.

 

 

samedi 18 décembre 2021

La Veuve Couderc (P. Granier-Deferre, 1971)





Film adapté de Simenon et porté par de grands acteurs, La Veuve Couderc déçoit quelque peu. La peinture rurale semble toujours un peu forcée, la faute peut-être à Simone Signoret qui joue très bien la femme de ferme veuve mais ne se fait pas oublier. Or un grand rôle commande que l’acteur se fasse oublier (que l'on voit le personnage et non l’acteur) et plus l’acteur est connu plus cela est difficile (avec Signoret on retrouve le même défaut dans Le Chat réalisé l’année précédente).
Si la sauce ne prend pas vraiment c’est aussi parce que Pierre Granier-Deferre ne saisit qu'imparfaitement Alain Delon (qui est décidément bien difficile à filmer). Si son personnage intériorise beaucoup (ce qui est une condition sine qua non pour que Delon puisse exprimer ses qualités), il ne s’exprime guère. Or tout le jeu de Delon est de s’exprimer sans rien dire ni rien faire. C’est là qu’est son génie minimaliste. Bien des réalisateurs l’ont saisi (de Clément à Melville) mais Granier-Deferre a du mal à utiliser sa star au mieux : le personnage de Jean Lavigne reste froid et monolithique, on ne sent guère un combat ou une complexité intérieurs, comme des couches psychologiques qui se superposent et se mélangent.

On comprend alors que, entièrement centré sur son duo d’acteurs, le film peine à convaincre et ne marque guère le spectateur.

 

jeudi 16 décembre 2021

Révolte à bord (Two Years Before the Mast de J. Farrow, 1946)





Si la dénonciation féroce des conditions de vie des marins semble un peu forcée, en revanche l’opposition entre les personnages est réussie, avec d’un côté Howard Da Silva, remarquable en capitaine sans pitié (mais aussi sans sadisme : il applique juste avec une implacable rigueur les us et coutumes des mers) et, de l’autre, les marins, dont plusieurs portraits sont brossés, donnant un ensemble assez riche.
Le film, alors, dépasse le simple film à thèse (bien qu’il s’organise autour d’une dénonciation qui a effectivement changé la vie à bord) et multiplie les angles de vue et de tension. On regrette juste la présence un peu artificielle et gratuite de la jolie passagère qui vient mettre un ton de romance dans quelques séquences, sans que cela n’apporte rien.



lundi 13 décembre 2021

Bedlam (M. Robson, 1946)

 



Étonnant film de Mark Robson qui s’éloigne largement des vulgates des années 40 et réalise un film semi-historique et semi-horrifique, en s'appuyant sur le thème de gravures de Hogarth, en particulier La Maison des fous qu’il met en scène véritablement. Ce jeu sur les gravures – assez discret (même si le générique nous les montre) – est très réussi.
Le film oppose avec brio la raison et la folie, mais en prenant le parti étonnant de la folie, inversant ainsi le paradigme habituel. Il secoue ainsi la société : n’est pas fou celui que l’on croit. Il propose ainsi un pas de côté par rapport aux conventions ainsi qu'au qu’en dira-t-on : tout ce qui est raisonnable est ici laminé. C’est la manière dont les raisonnements sont tordus dans tous les sens qui rend la raison particulièrement malsaine (l’on se souvient d’ailleurs que la folie, bien souvent, vient d'un excès de logique, d'une manière implacable de raisonner et dont on ne s'écarte jamais).

On retiendra évidemment Boris Karloff, exceptionnel en bourreau et en âme noire de Lord Mortimer, tout d’intelligence diabolique et retorse.




jeudi 9 décembre 2021

Le Silence est d'or (R. Clair, 1947)

 



Admirable comédie qui reprend avec bonheur une variation du triangle amoureux par ailleurs très classique (un jeune premier et son père spirituel amoureux de la même fille). Le cadre un peu désuet du film (l’intrigue est située dans le Paris du début du XXème siècle) et, surtout, l’intrigue située dans un studio de cinéma d’époque, donnent au film une saveur particulière. On navigue alors entre tournages, castings, terrasses de café et bus à impériale. Et René Clair donne un rythme, un second degré, un humour (la reprise, par Jacques, des jeux de séduction d’Emile !) qui rendent le film délicieux.
Maurice Chevalier, en vieux Don Juan cabotineur, est truculent, et forme un très bon duo avec François Périer, en jeune premier qui tente de saisir sa chance.

Pour tout passionné de cinéma, l’ouverture du film – auquel répond une fin admirable – est remarquable.