lundi 29 juillet 2013

Rebecca (A. Hitchcock, 1940)




Grand chef-d’œuvre d’Alfred Hitchcock, Rebecca est une adaptation splendide du roman de Daphné du Maurier. C’est le premier film américain d’Hitchcock, mais il met néanmoins en scène une histoire anglaise.
Joan Fontaine est toute de fragilité et de désarroi, écrasée par la demeure noire de Menderley et Laurence Olivier, fort de son aristocratie naturelle, incarne un Maxim de Winter inoubliable.


Mrs de Winter (qui, privée de prénom, n’est pas nommée autrement) se méprend du tout au tout et ressent la présence fantomatique de Rebecca partout, et surtout, pense-t-elle, chez son mari. On retrouvera dans Vertigo la même infériorité dans l’amour où celui qui aime (ici Joan Fontaine, là James Stewart) ne saisit pas la situation, qui devient, par là même, angoissante.
L’ouverture du film dans la brume, les grandes salles sombres et inquiétantes de Menderley, son incendie qui le ravage, tout cela fait partie de la légende du cinéma.
Hitchcock trouvera une immense célébrité dans ce film, son premier à Hollywood, et il continuera d’adapter – et avec quel succès – Daphné du Maurier au cinéma.


samedi 27 juillet 2013

Barberousse (Akahige de A. Kurosawa, 1965)




Très grand film de Kurosawa, articulé autour du personnage hors-norme de Barberousse, à la fois dévoué, compassionnel mais aussi samouraï, et qui se bat (aux sens propre et figuré) pour que sa clinique survive et se développe.
Kurosawa plonge au cœur de la misère et il utilise le jeune Yasumoto, fraîchement diplômé et ambitieux, pour mener le spectateur qui sera – comme Yasumoto lui-même – amené à vivre et à ressentir ce qui se déroule dans cet hôpital pour pauvres. Et Kurosawa, habilement, enrichit son film de multiples personnages en déroulant plusieurs histoires annexes, qui donne une densité formidable au récit.
C’est davantage dans ses films intimistes que dans ses vastes fresques que Kurosawa scrute au plus près l’âme des personnages et les liens qui unissent les hommes, quand ils sont, comme ici, au bord de la misère ou de la mort. Dans Barberousse le salut est trouvé dans le dévouement à l’autre, dans le sacerdoce d’une vie consacrée à soulager la douleur d’autrui.



On notera que Kurosawa, n’acceptant pas la façon dont Toshiro Mifune joua le personnage, interrompit avec l’acteur, après ce film, sa légendaire collaboration, forte de 17 films et de nombreux chefs-d’œuvre.

vendredi 26 juillet 2013

Bellissima (L. Visconti, 1951)




Très beau film rendu inoubliable par le portrait de femme que peint Visconti. Il dispose en Anna Magnani d’une interprète exceptionnelle, virevoltante, touchante, mélange de lucidité et de crédulité, de mauvaise foi et de beaux principes, colérique et humaine. Maddalena apparaît longtemps insubmersible dans sa volonté de parvenir à faire sélectionner sa fille pour une audition, avant, toute honte bue, de se déciller brusquement et de se détourner de son rêve de cinéma.
Le regard sur la Cinecittà est cruel, dans les illusions que fait naître le studio (consciemment ou non d’ailleurs, parce qu’au profiteur Annovazzi répondent l’honnêteté et la bonne foi de Blasetti). Il montre l'impact de l'usine à rêves sur les plus humbles, les plus démunis, à la fois fascinés et horrifiés par la gigantesque machine.
Visconti exprime aussi parfaitement l’amour des italiens pour le cinéma, d’une part avec ce rêve fou de passer devant la caméra mais aussi par l’omniprésence du cinéma dans leur vie. Il rappelle ainsi que les Italiens, depuis les premières heures du cinéma sont, avec les Français et les Américains, parmi les plus grands adorateurs du septième art.
La remarque finale de Maddalena sur la belle voix de Burt Lancaster, qui résonne depuis le cinéma en plein air sur la place juste à côté, alors même qu’elle pleure ses sacrifices inutiles dans les bras de son mari, prend un relief particulier quand on sait, aujourd’hui, les films exceptionnels que tournera l’acteur sous la direction de Visconti.



mercredi 24 juillet 2013

Un chien andalou (L. Buñuel, 1929)




Très célèbre court métrage surréaliste, Un chien andalou apparaît comme un résumé très court du délire insolite, morbide, fantasmé et volontiers subversif de Buñuel tel qu’il apparaît dans d’autres films et qui est ici comme concentré en quelques minutes. Le film procède par associations d’images (plus encore que par associations d’idées). On retrouve dans le film la froideur délirante des tableaux de Dali, quand il peint ses rêves.
Opposé à toute narration, le film est ainsi une succession d’images (certaines très célèbres, comme le rasoir coupant l’œil) qui forme l’un des plus beaux manifestes du surréalisme au cinéma.


lundi 22 juillet 2013

Le Survivant (The Omega Man de B. Sagal, 1971)




Film apocalyptique assez typique des années 70, Le Survivant reprend une idée du Monde, la Chair et le Diable en s’ouvrant sur un Los Angeles abandonné et parcouru par un homme seul. La guerre nucléaire a ici laissé place à une guerre biologique et le survivant du titre n’est autre que le savant qui est parvenu à mettre au point un vaccin qu’il a testé sur lui-même et à qui il doit sa survie. L’intrigue s’enrichit de survivants monstrueux rassemblés en une secte de fanatiques.
Le film dénonce évidemment la guerre froide et sa folie de la course à l’armement mais la cause est bien mal défendue par ces fanatiques sectaires qui veulent la peau du dernier survivant (symbole à leurs yeux du progrès technique et du déchaînement bactériologique qui a eu lieu). On comprend bien vite que le seul salut de l’humanité réside dans le savant et dans son vaccin.
Malheureusement si l’intrigue, typique des films apocalyptiques (avec en plus Charlton Heston à la barre, acteur souvent utilisé dans ce type de rôle), le film a vieilli et renvoie à son époque, avec ses noirs aux coupes afro, sa musique ou son esthétique générale.
Le film aura plusieurs remake, dont le plus récent Je suis une légende de Francis Lawrence.


Dans l’histoire du cinéma américain, ces films apocalyptiques se développent alors que le western, pour de nombreuses raisons, bat de l’aile. Mais ils peuvent être compris comme une nouvelle interprétation du mythe de la frontière, cette espace de confrontation, progressivement occupé lors de la conquête de l’Ouest. Dans cette optique les films apocalyptiques reprennent cette idée puisque, l’humanité étant dévastée, le monde est de nouveau à conquérir pour les quelques survivants. De même, les films de science-fiction, en ouvrant sur l’espace et des mondes inconnus, proposent aux aussi de nouveaux espaces, où l’alien remplace l’Indien des westerns.

samedi 20 juillet 2013

Souviens toi...l'été dernier (I Know What You Did Last Summer de J. Gillepsie, 1997)




Slasher movie très conventionnel, réalisé lorsque le film d’ado est revenu à la mode, dans la foulée de Scream, et qui cherche à profiter de l’engouement créé.
Ici un mystérieux tueur au crochet poursuit et cherche à abattre, un à un, quatre jeunes gens responsables, un an auparavant, d'un accident qui a provoqué la mort d'un inconnu.
Il n'y a rien de bien original dans cette trame très classique et la mise en scène sans surprise ne réjouira que les amateurs du genre.



vendredi 19 juillet 2013

Hidden (The Hidden de J. Sholder, 1987)




Intéressant film de science-fiction, situé à mi-chemin entre The Thing, (le chien qui devient hôte de l'affreuse bébête), Men in Black (l’extra-terrestre qui prend peau humaine) ou encore Terminator (évoqué au travers de la musique ou de l’attitude invulnérable des personnages infestés). Commencé comme un film de braquage au spectacle facile, le film prend une autre tournure et parvient à intéresser, malgré quelques séquences quelconques qui sacrifient aux modes du film d’action des années 80. Il est regrettable que le film pâtisse d’acteurs aussi lisses et qui ont bien du mal à faire exister leurs personnages.
La métaphore proposée est sans doute un peu facile, puisque les humains infectés par la créature n’aspirent qu’à assouvir leurs pulsions (rouler en Ferrari, écouter sans retenue de la musique rock, obtenir tout sans délai, etc.). Mais ce principe des hôtes humains successifs (comme quoi le Mal existe et qu’il est transmissible) est une belle idée scénaristique.

mercredi 17 juillet 2013

Hellboy (G. del Toro, 2004)




Bonne adaptation du comics qui parvient à se faufiler au milieu de la myriade de films de super-héros et autres personnages aux pouvoirs extraordinaires issus de l’univers de la BD.
On sent que Guillermo del Toro, enfin, peut s’en donner à cœur joie avec son goût pour les monstres et le fantastique, pour les histoires merveilleuses mélangeant ce côté mécanique et organique, les formes étranges et les relations de paternité complexes. Il parvient alors à donner une crédibilité à son film – notamment par une distanciation amusée bien vue – et un style particulier à son film. La réussite du film est en fait sans doute pour tout ce qui est en dehors des passages obligés : dans des moments intimes, moins importants en apparence mais qui  donnent corps peu à peu aux personnages.



Le héros diabolique Hellboy va comme un gant à Ron Perlman qui dose parfaitement la distance ironique, sarcastique et presque désabusée du personnage. Sa lassitude à devoir sauver le monde produit un bel effet comique, avec sa personnalité d’ado rebelle : il n’aspire qu’à boire des bières et il est plus concerné par ses premières amours que par telle ou telle bébête qui vient envahir le monde. On regrette les séquences d’action finales, qui retombent trop dans le spectaculaire hollywoodien.


Dans Hellboy 2 : Les légions d’or maudites, del Toro reprend le même bestiaire fabuleux avec le même plaisir communicatif. Il utilise les ingrédients du premier opus dans une suite réussie dans son genre (mais peu originale, du coup, par rapport au premier film).

lundi 15 juillet 2013

L'Arme à gauche (C. Sautet, 1965)




Film très secondaire de Claude Sautet. Le propos aurait pu être intéressant mais on n’est guère passionné par cette histoire de bateau volé et piraté. Si l’intrigue démarre très bien, elle s’essouffle complètement dès lors que la prise d’otage démarre. Sautet a sans doute bien senti le coup en arrêtant les films d’action et en redirigeant sa carrière vers des drames intimes où Michel Piccoli et Yves Montant remplaceront Lino Ventura (Les Choses de la vie, César et Rosalie, Max et les ferrailleurs, etc.).
Cette seconde partie de carrière sera d’une toute autre hauteur par rapport à la première.


samedi 13 juillet 2013

L'Abominable docteur Phibes (The Abominable Dr. Phibes de R. Fuest, 1971)




Intéressant film qui est un des premiers points d’ancrage sur lequel se calqueront de nombreux films d'horreur ou de films gore. Le docteur Phibes se venge de ceux qu’il estime responsables de la mort de sa femme : il concocte donc avec patience et raffinement une vengeance calquée sur les dix plaies d’Egypte. L’un mourra de furoncles, un autre par des sauterelles, un autre sous les coups de la grêle, etc.



Le film a un certain humour, notamment de par les inspecteurs (le chef de la police est lui complètement burlesque), qui rattache le film à la grande tradition de l’humour noir anglais (on pense à Noblesse oblige, avec sa série de meurtres originaux).
Mais le film, malgré une succession de meurtres raffinés, reste bien loin de la monstration gore et outrancière que l’on croise sans cesse de nos jours. Il distille même un certain charme, avec les décors de style Art nouveau de la demeure du docteur, l’allure des personnages ou le décalage ironico-burlesque de certaines séquences.

Si L'Abominable docteur Phibes semble oublié aujourd’hui, il a pourtant beaucoup d’influence et il constitue un point de départ de nombreux films : le célèbre Seven de Fincher s’en inspire nettement (en troquant les plaies d’Egypte pour les sept péchés capitaux) et Saw en proposera une variante tout à fait gore.



mercredi 10 juillet 2013

Voyage à deux (Two for the Road de S. Donen, 1967)




Comédie de Stanley Donen dont on ressort assez déçu notamment parce qu’elle avait des atouts extraordinaires. Elle bénéficie d’un rythme amusant et original, fait d’allers-retours incessants entre différentes périodes. On se perd tout d’abord (notamment parce que le couple refait à plusieurs reprises le même voyage) puis les éléments se mettent en place et l’ambition du scénario se révèle progressivement. Le film, ensuite, bénéficie de la présence irradiante d’Audrey Hepburn, malicieuse et pétillante sur laquelle Donen s’appuie.
Malheureusement son partenaire – Albert Finney – est très en-deçà et son manque de charisme, compensé par trop de cabotinage, déséquilibre considérablement le couple. Ensuite Donen aurait sans doute dû s’en tenir à la comédie simple sans tomber dans le burlesque pataud (voiture brûlée, plusieurs séquences en accéléré). Le film, enfin, a de la peine à démarrer et s’attarde sur des séquences moins réussies (les premières vacances avec la famille Manchester). C’est bien dommage car cette approche de l’amour éreinté par le temps était une idée excellente et plusieurs séquences restent délicieuses.



vendredi 5 juillet 2013

La Terre tremble (La terra trema de L. Visconti, 1948)




Film dure et sincère de Luchino Visconti, l’aristocrate tourné vers la cause communiste, qui prend fait et cause pour les humbles pêcheurs, spoliés par les grossistes.
Ce deuxième film de Visconti est typique du néo-réalisme : il s’appuie sur une description au plus près de la réalité sociale du pays, plongeant dans la vie des pêcheurs, dans une description sans fard mais sans misérabilisme, qui confine au tragique. On retrouve ici le ton âpre et ancré dans une réalité contemporaine des films de Rossellini ou de De Sica.


Au fatalisme des anciens, répond la volonté d’Antonio de bousculer l’ordre des choses. Mais les éléments eux-mêmes, autant que l’iniquité humaine, viendront brutalement le remettre à sa place, après qu’il ait tout perdu. La photo rend parfaitement la dureté de la vie et la fatigue des corps, et Visconti guette le désespoir sur les regards perdus des pêcheurs, les moqueries vengeresses dans les sourires narquois des grossistes, les espoirs de mariages des jeunes filles, les maigres biens disséminés ou encore la violence des huissiers qui viennent tout prendre.
Le film dégage ainsi une très grande noirceur qui laisse peu d’espoir et qui peint une Sicile en perdition au sortir de la guerre.


mercredi 3 juillet 2013

Un crime dans la tête (The Manchurian Candidate de J. Frankenheimer, 1962)



Un crime dans la tête The mandchurian candidate Affiche Poster

Film très original, extravagant même dans son scénario, mais tout à fait réussi. La première demi-heure, en particulier, propose un traitement parfait du mélange rêve-réalité qui donne un ensemble baroque étonnant.
Le film fait partie de la trilogie de la paranoïa de Frankenheimer (avec Sept jours en mai et Seconds). Ces films, emboîtant le pas de Psychose, parlent de schizophrénies, d'univers mental délirant, de complots étranges. Dans Un crime dans la tête, cet univers incertain a des ricochets à l'échelle nationale.

C’est, par ailleurs, un film typique de la guerre froide, opposant frontalement Russes et Américains, communistes et anti-communistes. C’est en cela qu’il est assez daté. Pour le reste cette robotisation d’un homme est tout à fait actuelle et pertinente : le film est passionnant. La trame mêle à la fois les indices qui permettent de démonter pas à pas le lavage de cerveau et le déroulement du plan pour lequel ce lavage de cerveau a été prévu. Il n’y a que la toute fin qui est un peu trop prévisible. Franck Sinatra et Laurence Harvey sont très bien, Janet Leigh (dans un rôle secondaire) est très jolie.


A noter que le film, réalisé en 1962, anticipe incroyablement l'assassinat de Kennedy, à tel point qu'il a été déprogrammé lors de sa sortie car trop dérangeant. On a là un exemple étonnant de ces films qui sentent venir l'air du temps en proposant des thématiques ou des images qui seront au cœur du cinéma quelques années plus tard.