Film
très beau, très sombre, qui, derrière un récit d’allure simple (des routes
d’Anatolie arpentées par des policiers un soir d’orage), fait exploser peu à
peu des vérités cachées, au fil des discussions et des moments passés ensemble
par ce groupe d’hommes.
Le
cadavre recherché n’est pas l’essentiel, les vrais drames sont laissés hors
champ, mais ils sont révélés au fur et à mesure, et les connections se font chez le
spectateur en même temps qu’elles se font pour les personnages.
La nuit est propice à
des révélations – qui ne sont pas des moments fracassants qui laissent sans
voix, mais des mots qui s’agrègent les uns aux autres et dont sortent des
significations. La nuit est propice aux longues réflexions, la nuit est propice
aussi, évidemment, au surgissement de fantômes du passé.
Drame de Kenan qui a tué
et qui doit indiquer où il a enterré le cadavre, drame du procureur, beaucoup
plus profond et qui émerge progressivement concernant la mort de sa femme. Drame du médecin qui est
celle d’une vie finie, achevée. Après avoir été effleuré par la grâce, le jour
se lève sur cette tristesse, cette vie déjà terminée.
Et,
au milieu de ces drames profonds, de cette ambiance d’hommes et de la recherche
sordide qui n’en finit pas, surgit une lumière inouïe, un moment de grâce,
quand la fille du maire vient servir le thé.
Ceylan
parvient à mêler ces drames immenses et profonds à des soucis du quotidien beaucoup plus triviaux, quelconques (un problème de prostate dont on rit, des
histoires de yaourt, de melon, de vie communale, d’administration
locale) : ce grand écart est avalé avec fluidité et les personnages
acquièrent alors une grande épaisseur humaine et, par là même, un
universalisme. Ce ne sont plus seulement des petits soucis qui se déroulent une
nuit quelque part le long des routes d’Anatolie, mais des drames humains
universels et insolubles.
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