Ce qui est tout à fait merveilleux
dans Printemps tardif, c’est qu’on ne
peut saisir réellement ce qui touche dans ce film. On aura beau le décrire, il
restera intact pour celui qui ne l’a pas encore vu. Car tout est à l’image et
ce qu’on ressent ne peut s’expliquer.
L’histoire est située au Japon, en 1949,
et il y est question d’un problème familial, problème qui n’a pas son
équivalent en France – de nos jours moins que jamais –, puisqu’il s’agit du
refus d’une jeune femme à épouser son fiancé et aller vivre avec lui, pour ne
pas abandonner son père. On évolue dans un monde de tatamis, de personnes qui s’inclinent avec respect, de retenue dans les gestes et les paroles. Tout est
étranger dans ce Japon lointain, l’architecture des maisons avec l’agencement
des pièces – pour ne prendre qu’un exemple – est si différente de nos
standards européens.
Ozu filme cette sobre histoire comme
il filme toujours : il plante sa caméra et ne la bouge jamais, il centre
sur la table basse ou sur l’enfilade des pièces séparées par les paravents qui
coulissent ; et les personnages vont et viennent, se déchaussent, s’accroupissent,
se servent du saké, parlent calmement ou mangent en silence. On est à des années-lumière
stylistiques des tendances actuelles qui veulent ou bien de grands mouvements d’appareil
complexes et virtuoses ou bien des caméras à l’épaule qui nous font coller au
sujet. Ici rien de tout cela : tous les plans sont fixes, les champs-contrechamps
radicaux, les décors sobres, le jeu des acteurs minimaliste.
Et pourtant Ozu parvient à saisir l’impalpable
dans son film. L’universalité qui s’en dégage est la preuve que, on ne sait comment
ni pourquoi, avec cette histoire simple et linéaire racontée dans un style sec,
il parvient à toucher à l’intime de chacun.
C’est bien là qu’est le merveilleux :
qu’il puisse émaner de ce film une telle harmonie mélancolique, une telle plénitude.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire