Extraordinaire chef-d’œuvre d’Hitchcock
(dans une filmographie qui ne manque pas de chefs d’œuvres), La Mort aux trousses reste aujourd’hui
encore un spectacle exceptionnel mêlant aventure, humour, espionnage.
Comme à son habitude Hitchcock a soigné
la distribution. C. Grant, très à l’aise, apporte une touche de
décontraction, d'ironie, de séduction qui, mêlée à l'intrigue d'espionnage et
aux risques courus par son personnage scène après scène, en font un cocktail
divertissant très moderne. L’impact de son personnage est immense (il est le
père spirituel de James Bond au cinéma et on sait que I. Fleming pensait à lui
pour l'incarner au cinéma), de même que celui du méchant joué par J.
Mason, un méchant raffiné et cordial, dont le phrasé calme et doux tranche avec
celui précipité et ironique de C. Grant.
Cary Grant et Eva Marie Saint dans La Mort aux trousses |
Sean Connery en James Bond dans Bons baisers de Russie (T. Young) |
Hitchcock s’amuse à plonger un homme ordinaire dans des
circonstances extraordinaires pour lui faire subir mille et une péripéties
qui l'enfoncent à chaque fois un peu plus, jusqu'à le faire passer pour un
meurtrier recherché par toutes les polices du pays.
Hitchcock maîtrise parfaitement ce qu’il
fait et dose habilement les informations qu'il donne au spectateur. On
découvre, en même temps que Thornhill, les premières péripéties, avant d'en
savoir davantage que lui (lors de la réunion à la CIA on apprend qu'il y a un
agent secret à protéger à côté duquel Thornhill ne pèse pas lourd ; ou
lorsque le spectateur sait la duplicité du personnage d'Eva et voit Thornhill
foncer dans le piège qu'elle lui tend). Enfin le héros est remis au même niveau
de connaissance que le spectateur (quand on lui demande de jouer le rôle de
Kaplan). Hitchcock provoque ainsi, à loisir, des moments de suspense (lorsque
le spectateur en sait plus que Thornhill) ou de tension (lorsque, comme
Thornhill, le spectateur est dans l'expectative, par exemple lors de la scène
de l'avion : on sait qu'il va se passer quelque chose, mais on ne sait pas
quoi).
Les séquences cultes abondent, on
retiendra évidemment la poursuite en avion (séquence la plus
célèbre de l’histoire du cinéma ?) ou le final sur le Mont Rushmore. On
sait d’ailleurs que ces deux séquences sont celles qui ont décidé Hitchcock à
réaliser le film. Cette idée d’un avion mitrailleur l’amusait beaucoup. Elle
est aujourd’hui un bon exemple de son génie : il choisit de créer une scène
de tension en inversant tous les codes habituels. Plutôt qu'une scène de
nuit, dans un endroit étroit, il présente un lieu plat et immense, écrasé de
soleil. Hitchcock, dont la maîtrise totale
lui permet de se libérer de toute contrainte et de tout souci de réalisme (la
séquence est par essence complètement invraisemblable), filme ce qui
lui plaît. Pourquoi donc une attaque par avion ? « Parce que ça
donne une scène extraordinaire » nous dit Hitchcock.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire