vendredi 16 octobre 2015

L'Appât (The Naked Spur de A. Mann, 1953)



L'Appât The Naked Spur Anthony Mann James Stewart Affiche Poster

Troisième film d’Anthony Mann avec James Stewart, L’Appât fait partie des tout meilleurs westerns, parmi les milliers qui ont été réalisés. Il est un exemple parfait de l’aboutissement du genre.
En effet, dans L'Appât, à rebours des principaux codes du genre, on aura bien du mal à distinguer le Bien du Mal, on aura bien du mal, même, à distinguer un héros. Bien loin de toute morale, les actions des personnages sont en effet déterminées uniquement par la cupidité. Dès lors l’idée même de héros est détruite. A. Mann est coutumier du fait : chez lui le personnage principal n’acquiert le statut de héros qu’au travers de ses actions dans le film.
Ici le spectateur commence par s’attacher au personnage de Kemp, campé par J. Stewart, par réflexe de présentation (il est celui qui ouvre le film) et parce que J. Stewart est la star que l’on sait. Mais très vite il apparaît que Ben, l’homme traqué (impeccable Robert Ryan) et ceux qui le pourchassent sont interchangeables. D’ailleurs Ben et Kemp se connaissent bien : ils sont les mêmes et ils le savent. Le spectateur est alors coincé, entre sa sympathie pour Stewart et son antipathie vis-à-vis du personnage qui n’est qu’un chasseur de primes cupide, au passé douteux.


J. Stewart en chasseur de primes
Le film est réduit autour de quelques personnages, le rythme est nerveux, la violence éclate brusquement (les Indiens sont abattus sauvagement), les tensions montent et se croisent entre les personnages. Kemp doute, il est meurtri, il vacille, mais rien n'y fait, il poursuit son idée de livrer coûte que coûte Ben.
Et finalement la rédemption arrive mais au dernier moment, quand le spectateur n’y croit plus, quand il sait que Kemp ira jusqu’au bout et qu’il livrera Ben pour une rançon. Mais la rédemption n’est que partielle : bien que finalement enterré, le corps de Ben pèsera toujours de tout son poids dans l’âme de Kemp.

L'Appât The Naked Spur Anthony Mann James Stewart

Le style de A. Mann est éblouissant : il fait se répondre l’individualisme cupide des personnages avec la Nature sauvage, escarpée et dangereuse. Ce western âpre et sec porte le genre vers une redéfinition de ses codes et vers un approfondissement des personnages jamais atteint encore.

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