dimanche 6 mars 2016

The Revenant (A. G. Iñàrritu, 2016)




Film d’aventure assez moyen, qui est un remake du Convoi sauvage de Sarafian. L'original datant de 1971, le film de Iñàrritu est beaucoup plus violent et sauvage. Le script est très réduit (un trappeur est laissé pour mort après avoir été attaqué par un ours ; il parvient à survivre et à se venger de ceux qui l'ont abandonné) mais il ne permet pas vraiment au réalisateur de se libérer. Quelques séquences sont très réussies (l’attaque initiale des Indiens, l’attaque de l’ours) mais l’ensemble est prévisible et nous voici donc avec un mélange de Seul au monde et de Jeremiah Johnson. Le titre nous l’annonce, Hugh Gass va revenir de l’enfer pour se venger. Dès lors on ne tremble guère : la survie du pauvre Gass ne laissant aucun doute, on suit sans grand suspense son chemin de croix.
Di Caprio est bien mais le rôle n’est pas difficile : son personnage (tous en fait) étant très monolithique, il n’y a guère d’émotion, de sentiments, d’affects complexes à faire passer. C’est simplement un rôle physique et grimaçant. C’est amusant de le voir oscarisé et porté aux nues pour un tel rôle.
Remarquons que, tout au long du film, Iñàrritu est tenté par le lyrisme : les paysages sont splendides et l’histoire est propice à des temps d’introspection ou de ralentissement. Alors il s’y essaie et se veut poétique : il nous gratifie de flash-backs rêvés, d’une chute de météorite, d’un long plan sur la lune, d’arbres filmés en lumière rasante, de chevaux au ralentis qui trottent sur la neige. Tout cela est très joli, mais rien n’y fait, ça ne prend pas du tout, on est loin d’une sensation cosmique ou lyrique, on voit les arbres, les chutes d’eau mais il n’y a rien d’envoûtant ou d’holistique. Iñàrritu ne parvient pas à élever visuellement le combat de Gass à un affrontement cosmique, ce qu’il est pourtant : c’est la Nature dure et violente qui a raison du trappeur, car c’est l’ours d’abord qui l’attaque (avant les Indiens, avant les autres hommes). Une part de cet échec revient à la volonté de réalisme de l'image : réalisme de la vie des trappeurs, du froid et des blessures (enfin réalisme ? il faut le dire vite : le combat final est une boucherie tarantinienne). Or ce réalisme s'oppose, dans l'image, avec les plans qui se veulent lyriques, Iñàrritu ne parvenant pas à concilier les deux. Une autre part revient à la bande originale qui n’est pas du tout au diapason de l’univers blanc qui est filmé, mais qui hollywoodise la Nature sauvage.
Point de lyrisme, point d’émotion, donc, derrière cette banale histoire de vengeance. Mais n’est pas Kurosawa, Herzog ou Malick qui veut.

Par rapport au Convoi sauvage dont il est le remake, The Revenant rajoute le personnage du fils assassiné de Gass : il permet ainsi de démultiplier la haine de Gass et transforme un film de survivant en un film de vengeance. 
Le film néanmoins cite plusieurs de ses sources : par exemple la séquence où son compagnon indien, dans un blizzard épouvantable, construit en tout hâte une hutte de branchages vient tout droit de Dersou Ouzala (où Dersou, pareillement, sauve la vie du capitaine) et celle où Fitzgerald vient vérifier si Gass est bien mort, quand il est tombé près de son cheval, vient, elle, de Jeremiah Johnson, film largement inspirateur de celui-ci (mais qui avait un ton très différent, tout en lenteur), puisqu'il s'agit aussi d'une histoire de vengeance, dans le froid, d’un trappeur qui a vu massacrer sa famille.
Iñàrritu est finalement assez décevant malgré une reconnaissance qui va croissante. Amours chiennes ou 21 grammes, sans être exempts de défauts, distillaient une certaine émotion, mais, ensuite, Babel et Biutiful seront très en-dessous et Birdman très vide et soûlant (et déjà Iñàrritu se frottait à trop grand pour lui, Birdman lorgnant avec peine du côté d'Opening Night).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire