Film parfait et sublime de Kenji Mizoguchi, où O'Haru apparaît comme l'archétype des
héroïnes mizoguchiennes, meurtries et
écrasées par leur destin. La femme, si centrale chez Mizoguchi, est ici celle
qui subira, tout au long de sa vie, mille et un malheurs contre lesquels elle
ne peut lutter. Malheurs qu’elle accueille avec humilité et résignation. O’Haru,
perpétuellement arrachée, perpétuellement niée, incarne le désespoir de la
condition féminine. On tient là une idée forte de Mizoguchi : montrer un
cadre social cruel entièrement masculin mais avec un contenu infiniment
féminin. Et, de reniements en désespoir, il ne reste plus rien d’O’Haru :
c’est cette image qui ouvre le film, cette prostituée à peine reconnaissable,
qui traverse la rue comme un fantôme.
Chaque plan est parfaitement agencé, construit, abouti, avec
des mouvements de caméra fluides, évidents. L’accablement d'O’Haru ressort d'autant
plus dans ces plans calmes et sereins. Et parfois, dans des moments de
dramaturgie extrême, la caméra accélère : lorsque son fils passe, sans un regard,
un travelling rapide le suit, mais en vain : O’Haru finira perdue pour le monde.
Un instant O'Haru voit son fils, qui passe sans un regard... |
La maîtrise de Mizoguchi est totale, il parvient à
construire des images précises et ciselées qui sont en même temps très épurées.
Et le film, porté par Kinuyo Tanaka, actrice si souvent utilisée par Mizoguchi,
livre une image déchirante de la femme, mais qui n’est jamais larmoyante. Il
ressort, de cette perfection formelle et de cette position juste du réalisateur
face à son histoire, une très grande beauté.
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