Intéressant documentaire de Raymond Depardon, qui pose sa caméra et laisse les scènes se dérouler (il se retire en
cela de son film, à la différence de ce qu’a pu faire Jean Rouch par exemple). On
assiste alors à des séries d’entrevues entre des personnes déférées (prises en
flagrants délits) et le substitut du procureur. Le film est alors très
répétitif, puisqu’il s’agit d’un défilé de prévenus, qui exposent à chaque fois
un cas différent. Très loin de lasser, cette répétition, au contraire, fait
mouche : elle happe peu à peu et on « entre » vraiment dans la
pièce où siègent les protagonistes, on s’installe et on vit le moment comme en
direct.
La question intéressante, ensuite, est
de chercher à saisir ce qu’en pense Depardon : quel jugement porte celui
qui pose ainsi sa caméra sur ce qu’il filme ? Le montage proposé n’aide
guère (les choix de Depardon – pourquoi tel prévenu avant tel autre, etc. – ne
sont pas clairs). On est tenté de penser que cette façon de simplement poser sa
caméra pour qu’elle embrasse la scène est une façon d’approcher une attitude
objective. Pourtant, Depardon lui-même, quand il s’exprime à propos de son film, laisse transparaître une subjectivité évidente : il dénonce notamment les
conditions de l’entretien entre un substitut rodé à ces entrevues et des
prévenus qui ne sont pas au fait de ce qui se joue. Mais cette position ne
transparaît guère au travers du documentaire. Au contraire le silence du
documentariste, qui n’intervient pas dans son film, laisse le spectateur libre
de construire son propre regard, assez peu guidé par des choix de montage ou de
prises de vue (dans des précédents documentaires, par exemple Faits divers, Depardon intervient
beaucoup plus dans son maniement de caméra et au travers du montage).
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