Très grand film
de Mervyn LeRoy, qui, en 90 minutes denses et sèches, raconte dix ans terribles
de la vie d’un homme. Le destin s’acharne sur James Allen qui est au mauvais
endroit au mauvais moment et se retrouve au bagne, victime d’une injustice
flagrante. On pense à Jean Valjean mais le personnage, sous
les coups de butoir de l’Amérique, a une trajectoire opposée. Le bagne se révèle en effet pire que l’enfer. Le film, alors, est un
réquisitoire violent contre les conditions de détention dans les années 30 (puisque
si le film se déroule en 1919, la violence sociale est celle de l’Amérique de
la Grande Dépression).
On a rarement vu
un film laisser une impression si dure et si sombre derrière lui, avec une
image finale terrible, qui montre que dans ce Hollywood du pré-code, les films
savaient se passer de happy-end. Ici, au contraire, cette image finale lapidaire
achève la violence du réquisitoire.
On notera que le
film n’est pas qu’un réquisitoire – ce n’est pas simplement un film
« engagé » qui critique le bagne – et qu’il prend soin d’épaissir son
personnage principal, de s’attarder sur lui, de creuser la transformation qui
s’opère en lui. De même, il ne critique pas seulement les conditions qui
règnent au bagne, mais il montre aussi, et avec quelle violence, combien les
forces vives de la Nation – puisque Allen se révèle capable, puis brillant,
incarnant parfaitement cette abnégation qui profite à tous – peuvent être
balayées par l’Etat qui ne leur montre aucune indulgence et les enfonce sans
cesse. Ce réquisitoire contre l’Amérique des années trente, à la fois violent
et limpide, emmène le film bien au-delà d’une simple dénonciation.
L’interprétation
de Paul Muni est exceptionnelle : sa manière de faire vivre son personnage
et son expressivité montrent un jeu très moderne qui marque terriblement le
spectateur.
On retrouve
nettement l’inspiration de Je suis un
évadé dans Héros à vendre, qui
reprend le même rythme haletant pour dénoncer, là aussi, une Amérique qui a
bien du mal à laisser une chance à ses héros les plus humbles qui sont aussi,
peut-être, les plus valeureux.
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