jeudi 24 mai 2018

Je suis un évadé (I Am a Fugitive from a Chain Gang de M. LeRoy, 1932)




Très grand film de Mervyn LeRoy, qui, en 90 minutes denses et sèches, raconte dix ans terribles de la vie d’un homme. Le destin s’acharne sur James Allen qui est au mauvais endroit au mauvais moment et se retrouve au bagne, victime d’une injustice flagrante. On pense à Jean Valjean mais le personnage, sous les coups de butoir de l’Amérique, a une trajectoire opposée. Le bagne se révèle en effet pire que l’enfer. Le film, alors, est un réquisitoire violent contre les conditions de détention dans les années 30 (puisque si le film se déroule en 1919, la violence sociale est celle de l’Amérique de la Grande Dépression).



On a rarement vu un film laisser une impression si dure et si sombre derrière lui, avec une image finale terrible, qui montre que dans ce Hollywood du pré-code, les films savaient se passer de happy-end. Ici, au contraire, cette image finale lapidaire achève la violence du réquisitoire.
On notera que le film n’est pas qu’un réquisitoire – ce n’est pas simplement un film « engagé » qui critique le bagne – et qu’il prend soin d’épaissir son personnage principal, de s’attarder sur lui, de creuser la transformation qui s’opère en lui. De même, il ne critique pas seulement les conditions qui règnent au bagne, mais il montre aussi, et avec quelle violence, combien les forces vives de la Nation – puisque Allen se révèle capable, puis brillant, incarnant parfaitement cette abnégation qui profite à tous – peuvent être balayées par l’Etat qui ne leur montre aucune indulgence et les enfonce sans cesse. Ce réquisitoire contre l’Amérique des années trente, à la fois violent et limpide, emmène le film bien au-delà d’une simple dénonciation.
L’interprétation de Paul Muni est exceptionnelle : sa manière de faire vivre son personnage et son expressivité montrent un jeu très moderne qui marque terriblement le spectateur.



On retrouve nettement l’inspiration de Je suis un évadé dans Héros à vendre, qui reprend le même rythme haletant pour dénoncer, là aussi, une Amérique qui a bien du mal à laisser une chance à ses héros les plus humbles qui sont aussi, peut-être, les plus valeureux.


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