mardi 22 mai 2018

Les Belles années de Miss Brodie (The Prime of Miss Jean Brodie de R. Neame, 1969)





Très intéressant film de Ronald Neame qui, sous des dehors très classiques, devient finalement beaucoup plus pertinent qu’il n’y paraît. Le film explore en effet la relation professeur/élève au travers d’une dérive de cette relation et aborde même, peut-être, la dérive de la société elle-même.
L’ambition de Miss Brodie – qui se prend de plein fouet le rigorisme de l’institution où elle enseigne – est de sortir ses « girls » d’un carcan éducatif, de les intéresser à autre chose qu’au crochet et de leur faire découvrir les Arts, les Lettres ou ce qui est Beau. Mais, et c’est là une richesse du film, elle en vient à admirer Mussolini ou Franco, qui sont présentés comme des grands hommes de par leur ambition ou de par leur aspiration à dépasser la quotidienneté des choses. Les élèves, sous le charme, forment alors un ensemble de groupies qui viennent cautionner Miss Brodie dans sa manière de construire une relation fusionnelle. On observe alors la même dérive de ses élèves que la sienne vis-à-vis de Mussolini : l’engouement devient une admiration.


Et c’est par allusion que la dérive de Miss Brodie est abordée : séduite par l’ambition esthétisante de Mussolini ou de Franco, elle en devient militante. Elle devient ainsi une allégorie de la société, qui est séduite par certains aspects du fascisme et qui glisse doucement vers lui. Mais Ronald Neame a le bon goût de ne pas en rajouter avec un personnage qui viendrait faire une morale ou qui serait la figure de l’antifascisme et de la bien-pensance. La condamnation du personnage de Miss Brodie par Sandy, empreinte de jalousie, et qui lui reproche son aveuglement, suffit.

Dans un premier temps, l’institution condamne la liberté de ton de Miss Brodie et son rapport à ses élèves (elle fait des cours dehors, emmène ses girls en week-end, fait en cours des éloges du Beau, etc.), puis sa moralité (courtisée par les collègues mais refusant de s’engager), puis, de façon plus globale, tout devient condamnable car une dérive a eu lieu – les belles années sont passées – et, de Mary à Sandy, l’influence de Miss Brodie, dévouée, passionnée, devient inacceptable.
Maggie Smith est exceptionnelle dans ce rôle. Si, dans un premier temps, son jeu semble outré, il atteint une remarquable expressivité, qui lui permet de faire passer mille émotions et notamment des éclairs de regrets – un regard, une expression du visage – sur ces belles années qui sont passées (les courtisans se sont lassés d’attendre : l’un se marie avec une autre enseignante, l’autre se rabat sur Sandy) et qui ne sont plus.


On retrouve les grandes lignes de ce film dans Le Cercle des poètes disparus, qui reprend la même thématique mais en se centrant davantage sur les étudiants que sur le professeur Keating.
La différence principale entre ces deux approches de l’enseignement est que Keating et Brodie ont des objectifs opposés : Miss Brodie veut être admirée de ses élèves, elle leur donne une direction et leur assigne un objectif. A l’inverse Keating veut les libérer pour qu’ils deviennent eux-mêmes.
Et Keating est une version beaucoup moins exubérante que Miss Brodie puisque c’est tout Miss Brodie qui est rejeté, là où il n’y a que l’enseignement de Keating qui est condamné.

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