Très intéressant
film de Ronald Neame qui, sous des dehors très classiques, devient finalement
beaucoup plus pertinent qu’il n’y paraît. Le film explore en effet la relation
professeur/élève au travers d’une dérive de cette relation et aborde même,
peut-être, la dérive de la société elle-même.
L’ambition de
Miss Brodie – qui se prend de plein fouet le rigorisme de l’institution où elle
enseigne – est de sortir ses « girls » d’un carcan éducatif, de les
intéresser à autre chose qu’au crochet et de leur faire découvrir les Arts, les
Lettres ou ce qui est Beau. Mais, et c’est là une richesse du film, elle en
vient à admirer Mussolini ou Franco, qui sont présentés comme des grands hommes
de par leur ambition ou de par leur aspiration à dépasser la quotidienneté des
choses. Les élèves, sous le charme, forment alors un ensemble de groupies qui
viennent cautionner Miss Brodie dans sa manière de construire une relation
fusionnelle. On observe alors la même dérive de ses élèves que la sienne vis-à-vis
de Mussolini : l’engouement devient une admiration.
Et c’est par
allusion que la dérive de Miss Brodie est abordée : séduite par l’ambition
esthétisante de Mussolini ou de Franco, elle en devient militante. Elle devient
ainsi une allégorie de la société, qui est séduite par certains aspects du
fascisme et qui glisse doucement vers lui. Mais Ronald Neame a le bon goût de
ne pas en rajouter avec un personnage qui viendrait faire une morale ou qui
serait la figure de l’antifascisme et de la bien-pensance. La condamnation du
personnage de Miss Brodie par Sandy, empreinte de jalousie, et qui lui reproche
son aveuglement, suffit.
Dans un premier
temps, l’institution condamne la liberté de ton de Miss Brodie et son rapport à
ses élèves (elle fait des cours dehors, emmène ses girls en week-end, fait en
cours des éloges du Beau, etc.), puis sa moralité (courtisée par les collègues
mais refusant de s’engager), puis, de façon plus globale, tout devient
condamnable car une dérive a eu lieu – les belles années sont passées – et, de
Mary à Sandy, l’influence de Miss Brodie, dévouée, passionnée, devient
inacceptable.
Maggie Smith est
exceptionnelle dans ce rôle. Si, dans un premier temps, son jeu semble outré,
il atteint une remarquable expressivité, qui lui permet de faire passer mille
émotions et notamment des éclairs de regrets – un regard, une expression du
visage – sur ces belles années qui sont passées (les courtisans se sont lassés
d’attendre : l’un se marie avec une autre enseignante, l’autre se rabat
sur Sandy) et qui ne sont plus.
On retrouve les
grandes lignes de ce film dans Le Cercle des poètes disparus, qui reprend la
même thématique mais en se centrant davantage sur les étudiants que sur le
professeur Keating.
La différence
principale entre ces deux approches de l’enseignement est que Keating et Brodie
ont des objectifs opposés : Miss Brodie veut être admirée de ses élèves,
elle leur donne une direction et leur assigne un objectif. A l’inverse Keating
veut les libérer pour qu’ils deviennent eux-mêmes.
Et Keating est
une version beaucoup moins exubérante que Miss Brodie puisque c’est tout Miss
Brodie qui est rejeté, là où il n’y a que l’enseignement de Keating qui est
condamné.
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