Comédie décapante de Wes Anderson, qui impose son style si particulier, articulé autour d’un univers dépressif mais pourtant haut en couleur et d'une
mise en scène décalée et jouissive. Sa caméra tantôt filme des plans frontaux
et terriblement symétriques, tantôt s’agite et tourne brusquement à droite ou à
gauche, tantôt elle s’arrête à la surface du plan, tantôt fonce dans la
profondeur de champ.
Mais, sous ses dehors légers et sa mise en scène amusante, le film
aborde des sujets graves (jusqu’aux images gore d'un suicide en filmant le sang s'écoulant des poignets de Richie dans le lavabo). Les enfants
Tenenbaum ont beau être géniaux, ils deviennent des adultes asociaux et
dépressifs : on retrouve le thème qui traverse bien des films de Anderson,
à savoir cette quête existentielle, quête parfois achevée et vaine, avec des
adultes, incapables d’agir ou puérils. Ici, tous autant qu’ils sont, parents et
enfants, déchirés, perdus, maniaques, sont incapables d’aimer et d’être aimés.
Le cœur du film est la survenue du père qui veut se réconcilier avec
sa famille. Et, des trois enfants, si Richie l’accueille volontiers, si Margot
se veut indifférente, c’est Chas qui le rejette violemment. La réconciliation
du père avec sa famille passera donc par une réconciliation entre Royal et
Chas. Anderson choisit alors de les opposer une grande partie du film : on ne les voit pas
ensemble à l’image. Ils se croisent bien une ou deux fois (ils sont par exemple
filmés génialement de manière latérale dans la pièce de jeu), mais leur
réconciliation passera par l’image : ils seront réconciliés lorsqu’ils
pourront partager le cadre sereinement. C’est ainsi que, en fin de film, après
que Royal sauvera les enfants, on les trouvera côte à côte. On comprend alors
que Chas soit seul à assister à la mort de Royal et que, ensuite, il se
retrouve seul dans le cadre. C’est ainsi que Anderson, derrière une apparence
de truculence et de jeux tout feu tout flamme avec ses personnages, construit
avec une rigueur parfaite chaque plan et fait progresser impeccablement sa
narration.
Fort de ses succès précédents, Anderson se permet un casting
prestigieux (tout en restant fidèle à plusieurs acteurs), au milieu duquel
trône un Gene Hackman truculent. Il compose un Royal Tenenbaum au ton détaché,
ironique, faussement affecté qui sert de ressort permanent au film. Il intègre
complètement cet esprit décalé très wes-andersonien tenu par Bill Murray dans d'autres films (on le retrouve ici, toujours aussi dépressif et mutique, mais dans un petit
rôle).
Et le film parvient à cet équilibre difficile entre rire et
dépression, humour et tragédie, burlesque et profonde tristesse.
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