Étonnant film de
Peter Bogdanovich, qui nous promène, sur un ton désinvolte et cool, dans un
Singapour foisonnant, empli de prostituées, de petits arrangements, d’Anglais
nostalgiques et fêtards et que traverse un Ben Gazzara nonchalant, au
charisme tranquille.
L’étrangeté du
film vient à la fois du rythme de fausse lenteur (ou de fausse rapidité comme
on veut) et de ce ton doux-amer parfaitement tenu par Ben Gazzara, à la fois
résigné et bonhomme. Son personnage – Jack le magnifique – cœur battant du
film, pose un regard détaché, narquois mais aussi affable sur ce monde qui
s’agite. Et l'on comprend, peu à peu, au gré d’allusions et à mesure que le film
avance et que se noue une amitié avec William, que Jack est un personnage
blessé, extrait du monde (il y a du Bogart – celui de Casablanca – dans Jack). D’où cette impression que les événements glissent sur
lui, que rien ne compte vraiment, ni les déboires de telle prostituée, ni les
menaces de la mafia chinoise locale, ni, bien sûr, une quelconque morale.
Mais l’évolution, sur quelques années, de sa situation – son bordel qui est détruit puis l’opportunité que lui offre la CIA – va le conduire, malgré tout, à découvrir ses limites. C’est ainsi que, Jack, en refusant finalement le sale boulot qu’on lui proposait, regagne sa dignité, et fait davantage corps avec la population de Singapour, qu’il ne toise plus gentiment mais dans laquelle il se fond.
Mais l’évolution, sur quelques années, de sa situation – son bordel qui est détruit puis l’opportunité que lui offre la CIA – va le conduire, malgré tout, à découvrir ses limites. C’est ainsi que, Jack, en refusant finalement le sale boulot qu’on lui proposait, regagne sa dignité, et fait davantage corps avec la population de Singapour, qu’il ne toise plus gentiment mais dans laquelle il se fond.
Bogdanovitch, l'air de rien, au-delà du style et du rythme de son film, aborde frontalement des sujets qui
fâchent (la prostitution, Singapour utilisé comme bordel pour les troupes en
transit vers le Vietnam, le néocolonialisme).
Saint Jack offre ainsi une belle représentation de cette
frénésie des rues populaires, avec ces occidentaux perdus au milieu des
Chinois. Et Ben Gazzara, au-delà de son excellent jeu d’acteur, renvoie le film
vers ceux de John Cassavetes (on pense à Meurtre
d’un bookmaker chinois notamment), avec cette manière de saisir en direct la rue, au travers de longs plans séquences qui s’étirent.
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