mardi 10 décembre 2019

L'Arrangement (The Arrangement d'E. Kazan, 1969)




Avec L’Arrangement, Elia Kazan livre un film percutant et très riche où il poursuit son regard sur l’Amérique.
L’ouverture est étonnante, avec une vision mélangeant l’American Dream et l’American way of life (réussite sociale et matérielle, bonheur, etc.), le tout étant balayé dans les minutes qui suivent par le suicide raté d'Eddie, en forme d’accident, et le mutisme qui s’ensuit. Celui-ci se réfugie alors dans le silence et retourne vers son passé, pour fouiller au fond de lui-même, comprendre qui il est.



Kirk Douglas est exceptionnel dans ce rôle difficile, aux multiples facettes (le personnage, de façon tout à fait symbolique, porte plusieurs noms), ancré à la fois dans un passé récent (son aventure avec Gwen) et dans son passé profond (ses relations à son père, et la manière dont il se remémore son enfance, avec les crises, les moments clefs).
Kazan mélange toutes ces pensées en jouant de cuts brusques, d’ellipses, de flash-backs ou de flashforwards, faisant déambuler son personnage au milieu d’une scène de famille de son passé, lui faisant contempler ce qu’il était, ce qu’il est devenu. Le constat est très violent pour Eddie qui rejette tout ce qu’il était, allant jusqu’à brûler la maison paternelle, dans un violent geste œdipien.



Kazan, cependant, offre une chance à son personnage, en lui permettant, une fois débarrassé des oripeaux de la réussite à l’américaine, de vivre librement : de sa plongée dans sa conscience et dans son passé, Eddie en ressort mis à nu, mais libre.

La part autobiographique du film est très importante, d’une part par son rattachement à l’immigration : on voit le père d’Eddie qui se souvient de son arrivée en Amérique, avec des images issues de America America. Le film, d’ailleurs, par certains aspects, ressemble à un prolongement de America America, mais qui se déroulerait une génération plus tard et où les immigrés refuseraient et regretteraient les atours du pays d’adoption, à l’inverse de Stavros qui débarque.
L’écho à Kazan lui-même se retrouve aussi avec la difficulté qu’a Eddie à accepter ce qu’il est et ce qu’il a fait : on retrouve là les regrets de Kazan concernant ses dénonciations lors de la chasse aux sorcières aux débuts des années cinquante, attitude qui hante plusieurs de ses films.


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