Avec L’Arrangement, Elia Kazan livre un film
percutant et très riche où il poursuit son regard sur l’Amérique.
L’ouverture est
étonnante, avec une vision mélangeant l’American
Dream et l’American way of life
(réussite sociale et matérielle, bonheur, etc.), le tout étant balayé dans les
minutes qui suivent par le suicide raté d'Eddie, en forme d’accident, et le mutisme
qui s’ensuit. Celui-ci se réfugie alors dans le silence et retourne vers son
passé, pour fouiller au fond de lui-même, comprendre qui il est.
Kirk Douglas est
exceptionnel dans ce rôle difficile, aux multiples facettes (le personnage, de
façon tout à fait symbolique, porte plusieurs noms), ancré à la fois dans un
passé récent (son aventure avec Gwen) et dans son passé profond (ses relations
à son père, et la manière dont il se remémore son enfance, avec les crises, les
moments clefs).
Kazan mélange
toutes ces pensées en jouant de cuts brusques, d’ellipses, de flash-backs ou de
flashforwards, faisant déambuler son personnage au milieu d’une scène de
famille de son passé, lui faisant contempler ce qu’il était, ce qu’il est
devenu. Le constat est très violent pour Eddie qui rejette tout ce qu’il était,
allant jusqu’à brûler la maison paternelle, dans un violent geste œdipien.
Kazan,
cependant, offre une chance à son personnage, en lui permettant, une fois
débarrassé des oripeaux de la réussite à l’américaine, de vivre librement :
de sa plongée dans sa conscience et dans son passé, Eddie en ressort mis à nu, mais
libre.
La part
autobiographique du film est très importante, d’une part par son rattachement à
l’immigration : on voit le père d’Eddie qui se souvient de son arrivée en
Amérique, avec des images issues de America
America. Le film, d’ailleurs, par certains aspects, ressemble à un
prolongement de America America, mais
qui se déroulerait une génération plus tard et où les immigrés refuseraient et
regretteraient les atours du pays d’adoption, à l’inverse de Stavros qui
débarque.
L’écho à Kazan
lui-même se retrouve aussi avec la difficulté qu’a Eddie à accepter ce qu’il
est et ce qu’il a fait : on retrouve là les regrets de Kazan concernant ses
dénonciations lors de la chasse aux sorcières aux débuts des années cinquante, attitude
qui hante plusieurs de ses films.
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