mardi 17 octobre 2023

Benedetta (P. Verhoeven, 2021)

 



On retrouve, dans Benedetta, un Paul Verhoeven fidèle à lui-même : s’il n’y a plus ici la verve folle et pulsionnelle de Turkish Délices, le naturalisme propre au réalisateur jaillit au dehors, naturalisme qui mélange les pulsions et les forces enracinées dans les êtres. Qu’il s’agisse de la foi ou du sexe, d’une honnêteté ou d’une manipulation, Benedetta Carlini a des pulsions enfouies qui resurgissent.
Virginie Elfira sent très bien son personnage, en jouant d’une fausse sincérité, condition de ce surgissement pulsionnel dans l’univers calfeutré du couvent. On regrette, en revanche, que ce ne soit pas le cas de Daphné Patakia, beaucoup plus rustre dans son jeu et dont le personnage, immédiatement, est beaucoup moins crédible. Et on regrette aussi, et il s’agit là d’une forme d’anachronisme, que le corps des deux héroïnes, très mis en avant dans le film puisqu’on les voit plusieurs fois nues, ait une apparence moderne (forme pulpeuse, peau soyeuse, etc.) dont on sent bien qu’elle participe de l’attirance et de la jouissance. Mais ces corps sont bien loin, sans doute, d’une vie carencée et faite de manques, l’une étant censée vivre au couvent depuis dix ans, l’autre étant la fille d’un chevrier à la très basse condition. On a bien du mal à croire, à l’écran, à ces corps beaucoup trop parfaits, comme hors du temps. Ce, d’autant plus que Verhoeven nous donne à voir d’autres corps, qui, eux sont marqués par la peste ou la vieillesse.
Le film souffre aussi d’une forme d’arnaque beaucoup plus problématique, surtout visible dans la première partie, et qui consiste à montrer à l’écran, les visions de Benedetta. On pense vraiment, en tant que spectateur, que celle-ci a des visions, que le Christ s’adresse à elle. Il y a là une tromperie puisque Benedetta ment aux sœurs et qu’elle s’inflige elle-même les stigmates. Pendant un temps le spectateur est berné, non pas par l’indécision du scénario mais par l’image elle-même qui nous trompe. Cet élément est très surprenant (et très décevant) de la part d’un cinéaste aussi brillant que Verhoeven.

 




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